Dossier

Les Français et leur rapport aux arts de la table et au culinaire

14 novembre 2017
Par : Sophie KOMAROFF

Rencontrer les aspirations du consommateur. Tel était l’intitulé de l’intervention de Philippe Moati, de l’Institut Obsoco, présentée lors du dernier colloque de la CAT, à Orléans en octobre dernier. En voici les principaux résultats

La déconstruction du repas traditionnel plus marquée chez les urbains et les 25-35 ans

En moyenne, les Français passent 25 minutes à cuisiner et 27 minutes à dîner en semaine, versus 42 et 36 minutes le week-end. L’engagement dans ces activités dépend de la présence d’autrui et est corrélé à l’inclinaison à la reliance (le fait d’être lié aux autres par des relations interpersonnelles). Les tables de la salle de séjour (37 %) ou de la cuisine (29 %) dominent pour la prise de repas, suivies par la table basse du salon (13 %), le buffet, le plan de travail ou le bar de la cuisine (12 %). 11 % des Français mangent toujours ou presque sans table, sur le canapé ou les fauteuils du salon. 

Le score d’attachement à la table traditionnelle augmente avec l’âge et le fait d’être en couple. Le milieu de vie a également un impact : les populations urbaines mangent moins souvent sur une table traditionnelle. La déconstruction du repas traditionnel est particulièrement marquée chez les moins de 35 ans et les habitants des grandes métropoles. Le dîner et l’apéritif sont les moments les plus partagés, autour de 2 à 3 personnes. La propension à la commensalité (fait de partager le repas) est plus élevée chez les jeunes (58 % chez les 18-24 ans, 53 % chez les 25-34 ans, 48 % chez les 35-44 ans) et la catégorie socio-professionnelle (plus élevée chez les CSP+, les CSP= et les étudiants).

Méthodologie 

Etude des comportements et attitudes des Français à l’égard des produits d’arts de la table et de la cuisine, répartis en 4 univers (verres, vaisselle, couverts, ustensiles de cuisine et de cuisson) menée par l’Observatoire société et consommation (Obsoco). Enquête effectuée en ligne par Respondi auprès de 4 000 individus (4 échantillons de 1 000 personnes pour chaque univers, avec des quotas selon les critères de sexe, d’âge, de CSP et de région de résidence pour garantir la représentativité de l’échantillon) du 30/06/2017 au 10/07/2017. 

Le contenu prime sur le contenant dans la notion de « belle table »

Pour vous, « une belle table », c’est avant tout... ? (2 réponses)

Pour 58 % des Français, une belle table est d’abord une question de contenu : la qualité des mets et la quantité de nourriture priment. Les produits d’arts de la table arrivent en premier pour 42 % des Français. A noter que les femmes et les personnes connaissant une forte contrainte budgétaire tendent davantage à se représenter la table au travers des produits d’arts de la table. 2 Français sur 3 indiquent prendre plus de plaisir à manger dans une belle vaisselle, qui stimule également l’envie de cuisiner chez la majorité des personnes interrogées.


Les produits d’arts de la table peu offerts car peu souhaités

Lorsque vous faites un cadeau à un proche, qu’est-ce que vous aimez le plus offrir ?

Les résultats mettent en évidence que la propension à s’acheter de la vaisselle influe sur le fait d’en offrir aux autres. Les 16 % de Français qui s’achètent très souvent de la vaisselle le font également très souvent pour l’offrir ; de même, les 43 % de ceux qui en acquièrent assez souvent achètent également occasionnellement pour offrir. L’étude révèle que la réception de verres et d’ustensiles comme cadeaux ne suscite pas un engouement important chez les répondants (moyennes respectives : 5,2/10 et 4,7/10)


Des consommateurs globalement satisfaits de leur équipements

Au cours des 24 derniers mois, avez-vous acheté (pour vous-même ou pour offrir) ... ? 

76 % des répondants ont acheté au moins un produit d’art de la table ou culinaire au cours des 24 derniers mois. En moyenne, les Français ont dépensé 20 € pour leur dernier article de vaisselle acheté (à l’unité). 55 % n’ont pas été au-delà de 10 €. Les résultats soulignent que les hommes dépensent davantage que les femmes en la matière, et que le montant de l’achat diffère selon qu’il s’agit d’un achat pour soi (17 €) ou pour offrir (37 €). Autres facteurs influençant la dépense : les revenus, le niveau d’imaginaire (autrement dit l’enchantement autour de l’art de la table), la propension à la commensalité, et de façon moindre l’engagement dans la cuisine et les repas. Il ressort également que les montants investis sont plus importants chez les consommateurs achetant fréquemment de la vaisselle. Le sentiment de restriction atteint quant à lui un faible niveau.


Des consommateurs équipés et satisfaits

Les notes moyennes de satisfaction (sur 10) que les Français attribuent à leur équipement en :

Pour quelles raisons n’avez-vous pas acheté de produits d’art de la table (verres, vaisselle, couverts) au cours des 24 derniers mois ?

Chez les répondants n’ayant pas acheté de produits d’arts de la table, le sentiment d’en posséder suffisamment domine. Les Français achètent principalement de la vaisselle pour eux-mêmes. Seul 1 sur 10 indique en avoir offert au cours des 2 dernières années. Des achats liés à une logique d’équipement, les jeunes, les étudiants et les personnes installées récemment dans leur logement achètent davantage de vaisselle que les autres. Les causes d’insatisfaction à l’égard de l’équipement sont : 

- le dépareillage et une quantité insuffisante pour les verres 

- le dépareillage, une quantité insuffisante et l’usure pour les couverts


Pour quelles raisons n’avez-vous pas acheté de produits d’art de la table (verres, vaisselle, couverts) au cours des 24 derniers mois ?



Nécessité fait loi…

Dans quelle mesure êtes-vous d’accord ou non avec les affirmations suivantes ?

La nécessité est le premier motif d’achat d’ustensiles de cuisine (68 % des répondants) et de couverts (59 %). Pour la vaisselle en revanche, 62 % des répondants évoquent un achat d’impulsion (versus 47 % pour la nécessité). Et, surtout, pour 51 % des Français, la vaisselle reflète l’image que l’acheteur souhaite donner de lui.


Ustensiles : de l’influence de l’entourage…

Dans quelle mesure êtes-vous d’accord ou non avec les affirmations suivantes ?

Pour la majorité des répondants, le choix des ustensiles est influencé par ceux vus chez leurs proches, et dans une moindre mesure, au restaurant, à la TV et sur les réseaux sociaux.


Le cas des verres

72 € 

C’est le prix moyen que les Français sont prêts à payer pour acquérir 6 verres de grande qualité. La médiane, elle, se situe aux alentours de 40 €. 29 % des Français ne possèdent pas de verres à usage spécifique tandis que 16 % en possèdent beaucoup. Les éléments décisifs lors de l’achat sont l’esthétique, la disponibilité du produit et le prix. 


Quand vaisselle rime avec occasion particulière

Possédez-vous de la vaisselle dédiée à des occasions particulières (anniversaire, dîner de famille, réception, etc.) ?

Posséder de la vaisselle spécifique aux occasions particulières répond à plusieurs facteurs : l’intérêt pour les arts de la table, l’imaginaire associé à cet univers, la propension à la commensalité, ainsi qu’au niveau d’équipement, la proportion de répondants en possédant augmentant avec l’avancée en âge, la taille du foyer et le temps passé dans le logement

Un appétit modéré pour les équipements haut de gamme

Sur une échelle de 0 à 10, quelle importance accordez-vous au fait de posséder dans votre foyer des [catégorie] de grande qualité ou premium des : 

Ustensiles de cuisine : 5,9 

Ustensiles de cuisson : 5,7 

Couverts : 4,6 

Vaisselle : 4,6 

Verres : 4


Les Français peinent à estimer convenablement le prix des produits

La difficulté d’estimation des prix concerne la vaisselle, ainsi que les ustensiles, mettant en évidence que la renommée ou le matériau ne suffisent pas à légitimer le prix aux yeux du consommateur, et une méconnaissance du marché


 La GSA en tête pour les achats de produits d’arts de la table

Lorsque vous souhaitez acheter des produits des arts de la table, dans quel type de commerce avez-vous le plus naturellement tendance à vous rendre ?

Il ressort que les achats de produits d’arts de la table sont majoritairement réalisés en grandes surfaces alimentaires. Les commerces spécialisés sont également précédés par les solderies et les GMS. Phénomène préoccupant, les circuits de vente de vaisselle (en particulier les magasins spécialisés) affichent un net promoter score (NPS) assez faible. Le NPS des points de vente de couverts l’est également, en particulier celui de la grande distribution. Concernant le NPS des points de vente d’ustensiles, il est positif lorsqu’il s’agit de magasins spécialisés, très faible pour la grande distribution


Le prix et la fonctionnalité en tête des critères d’achat

Quels sont les 2 principaux critères que vous avez pris en compte lors de l’achat ?

Pour les 4 univers confondus, l’achat dépend du prix, du design et de la fonctionnalité du produit. Autre enseignement de cette étude : Plus de 50 % des Français se disent attentifs au fait que les produits d’arts de la table soient made in France (avec un fort effet d’âge et de revenus). Pour les ustensiles, la proportion atteint 60 %.


Des achats préparés… ou non

Avant de faire votre achat, avez-vous recherché des informations (produits disponibles, avis, comparaison de produits...)?

L’étude révèle que moins de 50 % des acheteurs d’ustensiles effectuent des recherches préalables à l’achat. Pour les verres, cette part atteint 72 %. Pour cette catégorie, le point de vente physique est propice à l’achat spontané ou coup de cœur. A noter que les hommes, les jeunes et les CSP+ tendent davantage à se renseigner en amont de l’achat.


Les Français ne boudent pas les circuits alternatifs

Dans quelle mesure êtes-vous d’accord avec l’affirmation suivante : « Aujourd’hui, l’important est de pouvoir utiliser des [catégorie] plus que de les posséder » ?


Seriez-vous intéressé(e) par les services suivants s’ils étaient proposés par le service après-vente du magasin ou de la marque où vous avez acheté vos produits ?

Indépendamment de toute caractéristique sociodémographique, il apparaît que l’usage prime sur la possession. L’étude révèle par ailleurs que 1 Français sur 3 a l’habitude d’emprunter des ustensiles de cuisine ou de cuisson à des proches. Près d’un tiers des Français se déclarent même intéressés par l’achat d’ustensiles reconditionnés par des magasins spécialisés. 

Un tiers des Français se disent intéressés par les services de réaffûtage de couteaux, de changement de revêtement de poêle ou de ré-émaillage des cocottes. 

Concernant les verres, 21 % estiment que la location de verres représente une solution intéressante. Les offres avec option de reprise semblent même séduire, quelle que soit le moment de la fixation de la reprise : un peu plus d’un tiers des Français se disent intéressés concernant les verres de grande qualité, et plus de 50 % pour les ustensiles de grande qualité. L’étude souligne que l’option avec reprise constitue un axe intéressant pour s’adresser aux 18-34 ans pour les ustensiles premium et haut de gamme.


A retenir

L’étude met en évidence une implication faible chez la moyenne des consommateurs. 

L’étude distingue donc 2 cibles de clients : 

la première dite « acquise à la cause » (environ 25 %), 

la seconde dite « non impliquée », avec une implication qui dépend directement de la sensibilité à la commensalité et aux repas et à la table comme institution. 

Pour la première, Philippe Moati préconise notamment une communication d’entretien, pour la seconde une descente en gamme et l’évocation préférentielle d’occasions de consommation à celle des produits, et de ne pas négliger les modalités alternatives.



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