Dossier

"Nous savons qu'il est possible de sauver l'industrie française"

21 mai 2019
Par : Sophie KOMAROFF

Dans un contexte de mutation du paysage de la distribution, l’Unitam, syndicat français de fabricants d’articles de cuisine, de table et de ménage, entend amener sa pierre à l’édifice pour le maintien de l’industrie nationale et du commerce physique. Entretien avec Claude Haumesser, président de l’Unitam.

Offrir International : Vous présidez l’Unitam depuis juin dernier. Quelle est votre vision pour le syndicat ? 

Claude Haumesser : L’Unitam a la particularité d’être très uni : dans les métiers de la cuisson, il a la chance d’y réunir la quasi-totalité des acteurs. Même si ses membres sont concurrents, ceux-ci sont liés et complémentaires : nous allons dans la même direction. L’Unitam est un syndicat de fabricants uniquement. Nous sommes avant tout des industriels et nous nous positionnons en défenseurs de l’industrie française : cela représente des millions d’emplois et surtout un élément dont notre pays a fondamentalement besoin. L’industrie tend actuellement à disparaître au profit du service. L’industrie, c’est de la transformation, et on souligne insuffisamment que les salaires y sont globalement plus élevés que dans les entreprises de service. La première est créatrice de classe moyenne, tandis que le second génère une catégorie de travailleurs CSP -. 

Par ailleurs, fabriquer des ustensiles de cuisine n’est pas neutre. Aujourd’hui, le constat est à peu près unanime : la population se nourrit mal, ce qui génère un énorme problème de santé publique. Il importe de réhabiliter la transformation des aliments, c’est-à-dire acheter la matière première et la préparer soi-même pour savoir ce que l’on ingère. Nous contribuons ainsi à la santé des consommateurs, et nous en sommes fiers. En dehors du business, nous jouons un rôle au sein de la société et c’est valorisant. La croissance et le développement durable ne sont pas incompatibles, bien au contraire, à condition de savoir expliquer au consommateur qui achète un bon produit qu’il en retirera des avantages, même s’il le paie un peu plus cher. C’est une vision globale du métier.


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SUCCÈS POUR LE PAVILLON FRANCE DE L’UNITAM 

Réédité pour la 3e année consécutive au salon IH + HS de Chicago en mars dernier, le pavillon France instauré par l’Unitam confirme son succès et son statut de rendez-vous du french art de vivre. « L’objectif était de rassembler sur un seul espace une dizaine de sociétés françaises adhérentes auparavant disséminées sur le salon, souligne Huguette Gérard, déléguée générale de l’Unitam. Le fait de les réunir sous une unique bannière française donne beaucoup plus de visibilité aux marques. Les fabricants français parviennent ainsi à drainer davantage de clients, le footfall est plus important autour de ce pavillon ouvert des deux côtés, avec des entreprises leaders adhérentes au syndicat, telles qu’Opinel, Cristel, De Buyer. Celui-ci est désormais bien identifié par les visiteurs. » Au cœur de celui-ci, l’espace restauration mis en place par l’Unitam. Objectif : une proposition gastronomique française, où les adhérents du syndicat invitent leurs clients, via un voucher au logo de leur société, l’une des missions de l’Unitam consistant à soutenir ses adhérents dans leur développement à l’export. La formule s’organise un peu différemment à Francfort : à Ambiente, l’Unitam n’a pas de pavillon France mais a réussi à regrouper les sociétés françaises de la filière cookware dans le hall 3.1. Le syndicat y propose aussi son espace de restauration, où près de 1 000 repas sont servis en 5 jours. A noter que l’Unitam compte un nouvel adhérent : la société Véritable, spécialisée dans l’agriculture urbaine d’intérieur.

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Quels sont les sujets que vous avez à cœur de traiter au court de votre mandat ?

En tant que président de l’Unitam, je vais m’efforcer de donner davantage de perspectives au syndicat. Notre secteur ne se porte globalement pas très bien. Il a connu de belles années durant 30 ans, mais il semble que nous ayons atteint un palier depuis 2 ans environ. Notre filière doit se remettre en question pour survivre. Dans les années futures, les cartes vont en effet être rebattues en matière de distribution, compte tenu de la prédominance des géants du e-commerce, ce qui n’ira pas sans soulever des questions en termes de démocratie.

 Historiquement, la chaîne était composée du fabricant, du grossiste, du détaillant et du consommateur : or, tous les intermédiaires disparaissent au fur et à mesure. L’aboutissement final pourrait être la paire fabricant/consommateur mais cela pose le problème de la présentation du produit : nous vendons des articles techniques et avons besoin de professionnels qui les expliquent et les montrent. Certes, il est possible de proposer des vidéos et de beaux e-shops en ligne… Mais il ne faut pas oublier qu’entre ce système de vente et le commerce physique, il y a un écart de 30 % en termes de panier moyen, car le consommateur est moins tenté d’acheter en ligne un produit complémentaire. De plus, en admettant que le client s’oriente vers le même produit dans les deux systèmes de vente, s’il est face à un bon vendeur qui valorise les atouts d’un article plus cher en point de vente physique, il y a plus de chance pour que le consommateur l’achète… Le rapport est de 1 à 2. 

Par ailleurs, notre métier est de proposer de bons produits, durables, fabriqués en France. Ce n’est pas neutre en termes de pollution, de transport, d’empreinte carbone, de marché du travail, de balance commerciale, de niveau de vie et de santé des citoyens, de Sécurité sociale… La microéconomie et la macroéconomie ne peuvent être dissociées ! Un fabricant dont les produits sont vendus dans 1 000 magasins en France contribue en moyenne au maintien de 3 000 emplois. S’il ne travaille qu’en e-commerce, à combien de personnes donne-t-il du travail ? Passer d’un système de distribution à un autre n’est pas neutre : cela revient à bouleverser tout ce qui en découle.

La vérité se trouve d’ailleurs sans doute dans une complémentarité des 2 modèles de distribution. Nos gestes ont des conséquences à court, moyen et long termes sur toute la vie d’une société. Ce sont des sujets qui nous préoccupent et les adhérents de l’Unitam vont mener cette croisade auprès de leurs clients. 

Concrètement, comment le syndicat peut-il agir ?

Son rôle est de promouvoir des idées et développer des sujets de réflexion. Ses adhérents sont certes concurrents mais l’objectif est commun : que la profession perdure et se développe. Pour cela, il convient de donner envie aux consommateurs d’acheter nos produits. L’Unitam n’étant pas en capacité de mener des campagnes de communication, il fait donc du lobbying, en particulier avec la Fédération des industries mécaniques (FIM) dont il est membre, dans un contexte de mutation complète de notre modèle économique. 

Le sujet de la disparition programmée du commerce physique nous préoccupe autant que nos clients eux-mêmes. Chaque fermeture de magasin est un drame pour nous, fabricants, qui perdons un relais pour expliquer et présenter nos produits. Rien n’est fait pour que le petit commerce se porte mieux, alléger ses contraintes (taxes, urbanisme, circulation, etc.). L’Unitam n’a malheureusement pas de solution à cela.

Un scénario ultime pourrait être le magasin transformé en showroom avec livraison par le fabricant directement au domicile du client. Mais le drop shipping ne sera pas sans impact sur l’environnement (emballage, multiplication des véhicules de livraison, etc.) et le coût du produit, outre un prix supplémentaire que ni le consommateur, ni le fabricant ni le détaillant n’ont envie de prendre en charge. Sans oublier la question sociale : un showroom nécessite moins de personnel qu’un magasin. Nous œuvrons donc pour que chacun prenne conscience de toutes ces implications et cherche des solutions. Notre rôle est de soulever ces questions et trouver des solutions pour les proposer au législateur. Nous savons qu’il est possible de sauver l’industrie française. Nous avons à cœur de préparer les différents acteurs à un changement de comportement, les sensibiliser à cette nécessaire adaptation par rapport à l’évolution qui s’amorce et qui est sans précédent depuis ces 30 dernières années. 

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LU POUR VOUS

 L’OMC entame des discussions sur l’e-commerce

La vague du commerce électronique devrait cette année dépasser la barre des 60 000 milliards de dollars (53 000 milliards d’euros), portée par 4,3 milliards d’internautes, qui effectuent pratiquement tous des achats en ligne. Un montant qui a plus que doublé depuis 2015. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a entamé des négociations avec certains de ses pays membres (76 sur 164, dont ceux de L’Union européenne) pour essayer d’endiguer le phénomène. En effet, il n’existe pas de règle multilatérale encadrant ces ventes sur internet. Le risque est la déstabilisation voire la destruction des magasins. Source : « Le commerce électronique doit être régulé », par Charles de Laubier, publié le 10/03/2019 sur :

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