Le renouveau des Emaux de Longwy

10 septembre 2018
Par : Sophie KOMAROFF

Reprise en 2015 par le groupe Emblem, la faïencerie lorraine réinvestit le champ de la créativité et dévoile ses nouvelles ambitions. Explications.

Une cure de jouvence et un retour aux sources pour un fleuron des métiers d’art qui célèbre cette année ses 220 ans d’existence. Auparavant détenue par la famille Kostka, l’entreprise manque disparaître en 2015. Menacée de liquidation, elle est reprise en décembre de la même année à la barre du tribunal par le groupe Emblem. La manufacture emploie alors 36 personnes, que les repreneurs s’engagent à garder. Pari tenu. Le plan d’investissement démarré à la reprise et qui se poursuivra jusqu’à fin 2019 (environ 300 000 €) vise à remettre la manufacture à niveau en termes de sécurité, de conditions de travail… « Autant de points qui n’avaient pas évolué depuis une trentaine d’années », décrit Martin Pietri, président de la manufacture.

La faïencerie des Emaux de Longwy se repositionne depuis bientôt trois ans, y compris « sur des territoires qu’elle a connus mais sur lesquels elle n’était plus présente », indique Martin Pietri. Parmi les chantiers prioritaires, le renouvellement de la proposition en termes de design et de création. S’ensuivent des collaborations avec Vincent Darré, Clément Laurentin, Eric Hibelot (l’atelier des garçons, spécialisé dans le travail sur la porcelaine), ou encore Mathieu Ducourneau (broderie). Objectif : aller puiser de la modernité, à marier au savoir-faire historique de Longwy, les émaux cernés sur la faïence, pour une nouvelle proposition artistique.

Autre disposition prise par la direction, limiter à huit le nombre d’exemplaires des emblématiques boules coloniales et les numéroter, pour leur conférer un caractère exclusif et exceptionnel. Les huit exemplaires ornés de masques africains signés par Nicolas Blandin ont par exemple été vendus en une seule session de Maison&Objet.

Pour l’heure, les créations de la manufacture sont distribuées chez des revendeurs indépendants, des magasins d’art de la table, des concept-stores, des galeries d’art… Les ventes sont majoritairement (80 %) réalisées en France, dans une moindre mesure à l’export (Suisse, Russie, Chine, Moyen Orient, Etats-Unis). La maison initie également un travail afin de développer les collaborations avec des prescripteurs (designers et architectes d’intérieur), un champ sur lequel elle n’était jusqu’alors pas présente. A ce titre, les Emaux de Longwy ont notamment présenté un front de fontaine réalisé avec le designer Pierre Maire à Hyères en juin. « Nous ne travaillons plus seulement les pièces de forme, mais nous nous adaptons aussi à la commande spéciale », précise Martin Pietri. Les ornements pour le mobilier, les décorations de fresques, le carrelage… Autant de possibles permis par la synergie avec le créateur de mobilier de style Taillardat, également détenu par Emblem, et à la clé une présence dans les boutiques du Bristol.


Restructuration de l’offre

Autre chantier entamé, le développement de l’offre cadeau. Car, outre les boules coloniales, la faïencerie fabrique des vide-poches, des boîtes, des objets décoratifs, etc. Les Emaux de Longwy ont notamment relancé la tradition de l’œuf de Pâques en série limitée (100

exemplaires) avec des créations signées par la designer luxembourgeoise Catherine Lhoir. La collection de senteur, gamme d’accès à la marque (avec des produits autour de 150-200 €), fait aussi l’objet d’une extension. La maison retravaille également le secteur du luminaire (lampes à poser, lampadaires), en particulier à destination de la prescription et du CHR.

L’offre existante a également été retravaillée en vie d’être plus lisible, les Emaux de Longwy ayant compté jusqu’à 1 500 références. Avec des résultats palpables depuis septembre 2017 : « Les initiatives que nous avons mises en œuvre suscitent l’intérêt des acheteurs, note Martin Pietri. Leur regard sur nos créations a changé. » Autre chantier en cours, un site internet (institutionnel et marchand), qui sera lancé en septembre.

Les Emaux de Longwy visent aujourd’hui un développement à l’export : « Notre objectif est que 50 % du chiffre d’affaires soient réalisés à l’international d’ici deux à trois ans », ajoute Martin Pietri.


Une palette aux 1 000 couleurs

Du côté des savoir-faire, ceux-ci sont précieusement conservés. Depuis 1870, la manufacture produit des pièces en émaux cernés, une adaptation de la technique asiatique (cloisonnés) sur un biscuit de faïence. A Longwy, le décor posé ce dernier est rempli à la main avec un émail coloré déposé dans chaque alvéole. Si les Emaux de Longwy ont toujours noué des collaborations avec les designers de leur temps, la tradition reste présente : pour preuve, une des premières décisions des repreneurs de la maison a été la réédition de la chouette ornée de l’emblématique motif fleur de pommier, son symbole depuis 1875.

Autre savoir-faire historique de la maison, son laboratoire d’élaboration des couleurs, l’émail étant composé de cristal en poudre (95 %) et d’oxydes métalliques conférant la pigmentation. La palette des Emaux de Longwy en comporte un millier, et serait potentiellement infinie.

Autre sujet de réflexion, le travail sur la matière. En développant des diffuseurs de parfum, la manufacture a réussi à rendre la boule Senteur non poreuse. De nouveaux usages seraient ainsi rendus possibles, à l’exception de l’art de la table car les émaux ne sont pas compatibles avec le contact alimentaire. Travail sur les formes également : les équipes étudient actuellement les différentes solutions techniques possibles, telles que l’imprimante 3D, pour mettre au point de nouvelles formes pour les drafts. Et ce afin de remplacer un processus fondé sur la réalisation de moules en plâtre qui nécessite pour l’heure 3 ou 4 mois de développement.


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