Du 5 décembre au 12 janvier prochains, La Romaine Éditions prend ses quartiers à l’Hôtel des Académi
En termes de consommation, les produits issus de savoir-faire manuels connaissent un regain d’intérêt. Les signaux sont au vert pour cette tendance de fond qui s’est accentuée avec la pandémie de covid-19 et ses conséquences sur le quotidien des consommateurs. Entre consommation responsable, circuits courts, économie solidaire, innovation et nostalgie pour les objets vintage, le champ d’exploration est sans limite. Explications.
Même si le marché n’a évidemment pas vocation à devenir 100 % artisanal, l’attente des consommateurs pour des pièces non standardisée est avérée. Verrerie, tressage, céramique, ferronnerie, cannage, ébénisterie, tournage, modelage, tissage, émaillage, broderie, etc. : surfant sur le regain d’intérêt pour le travail et l’intelligence de la main, l’artisanat continue à prendre de la vitesse, et ce dans diverses catégories : alimentaire, ameublement, aménagement de l’habitat, décoration, art de la table. « L’artisanat est une grande tendance déjà présente qui se révèle croissante, tout du moins stylistiquement parlant, observe Elizabeth Leriche, directrice du bureau de style éponyme. Le look, l’imperfection, l’esthétique wabisabi qui inspire l’art de la table, etc. : il y a une appétence des consommateurs pour ce style qui sort de la grande industrialisation. Ils ne sont pas les seuls : les jeunes designers sont particulièrement volontaires pour travailler avec l’artisanat. »
Plus que jamais, l’artisan incarne ce qu’une part croissante de consommateurs recherche : l’humain, l’unique, le circuit court, l’achat responsable, la traçabilité, versus le standardisé, la consommation de masse, l’industrialisation à outrance, la mondialisation...
Exit l’image un peu démodée que l’artisanat a pu revêtir à une époque : il est désormais sous la bannière de la modernité et de la consommation responsable. « Dans un monde de production de masse, le fait main est le vrai luxe », résume Beatriz Ball, fondatrice de la marque éponyme dont l’offre metalware est produite par des artisans au Mexique. La pandémie de covid-19 n’a fait que donner un coup d’accélérateur à ce phénomène et l’artisanat n’est plus un marché de niche. « L’évolution est notable, note Corinne Jourdain Gros, dirigeante de la manufacture de Digoin. Auparavant, les objets issus de savoir-faire manuels concernaient une clientèle de connaisseurs pointus, sensibles à la matière et au processus de fabrication. Notre manufacture touche désormais une cible beaucoup plus large, et les trentenaires notamment y sont de plus en plus sensibles. La nouvelle génération a intégré la nécessité d’une consommation raisonnée. Quant aux seniors, ils redécouvrent les objets fabriqués à la main avec une nouvelle lecture : ce ne sont pas forcément des clients experts mais ils ont connu les Trente Glorieuses, le plastique à outrance et les produits massivement importés d’Asie. »
CRISTALLERIE DE MONTBRONN, L’ART DU CRISTAL
ET DU BRONZE
Fondée en 1930, la Cristallerie de Montbronn mêle plusieurs savoir-faire : travail à chaud et à froid du cristal, polissage, décoration en or ou platine, mariage de matières, etc. L’entreprise réalise ses moules sur-mesure : si les dessins et les prototypes sont conçus dans les locaux de l’entreprise, la fabrication des moules est confiée à un spécialiste. Le cristal nait lorsque la matière en fusion forme une boule rougeoyante à une température de 1 200°C. Le verrier cueille celle-ci du bout d’une canne et introduit une bulle d’air dans le cristal. Débute alors l’opération de soufflage qui forme et développe la forme du produit creux souhaité. Ce processus exige de l’artisan des gestes identiques aux précédents afin d’assurer l’harmonie du service en cristal.
La pièce achevée est placée dans un four de recuisson pour plusieurs heures de refroidissement progressif. Le travail de la taille s’opère à froid. L’ébauche et la taille sont réalisées grâce à des meules en grès ou en diamant tournant à grande vitesse. Sur cette meule coule un filet d’eau mélangé avec du sable : l’eau refroidit la pièce, le sable renforce le travail de la meule. La taille à la main levée confère à chaque pièce son caractère unique, précédant l’étape du polissage acide destiné à retirer de la surface de la pièce les traces d’outils et de moule, et donner à la matière son éclat. La dorure est l’étape ultime et la plus longue, avec plus de 20 étapes pour aboutir au résultat souhaité. L’or ou le platine est appliqué au pinceau, à main levée. La Cristallerie de Montbronn applique de l’or brillant ou mat et du platine ; d’autres finitions feront prochainement leur apparition.
La pièce est cuite pour fixer la dorure et lustrée pour aboutir au fini brillant de l’or.
Travaillant en collaboration avec des fonderies de la région Grand Est, la cristallerie propose des pièces mariant le cristal au bronze. Fabriquées sur commande, les pièces en bronze sont fondues dans des moules appartenant à la Cristallerie de Montbronn et arrivent en pièces détachées. Le travail de soudure est entièrement réalisé dans les ateliers de la manufacture par un maître bronzier. Une fois la composition de la pièce en bronze achevée, le squelette est envoyé à la dorure. La pièce est alors entièrement plongée dans un bain d’or, de platine, d’or rose ou de chrome noir, puis les pièces de bronze et de cristal sont assemblées. L’estampillage est l’étape ultime du processus.
La progression de la tendance au fait main révèle ainsi les désirs des consommateurs et en même temps leurs peurs. « Il y a un besoin de reconnexion avec la nature, d’ancrage à nos racines, une nostalgie pour le passé, un engouement pour les pièces vintage qui font partie d’un imaginaire... face à un futur robotisé qui inquiète », décrypte Elizabeth Leriche.
L’attente vis-à-vis du produit ne se limite donc plus à sa dimension utilitaire.
« Hier, l’important pour le consommateur, c’était la fonction de l’objet, la vertu de notre porcelaine, sa résistance, renchérit Claire Calvarin, responsable marketing de Pillivuyt. Aujourd’hui nous envisageons de mettre l’accent sur notre savoir-faire et le développement durable. » Autrement dit c’est pratiquement un phénomène de reconnaissance et d’identification qui s’instaure entre l’objet et le consommateur.
L’AUTHENTIQUE, MAIS PAS SANS L’ÉTHIQUE
« Il y a de réelles attentes consommateurs pour les pièces non standardisées : l’envie de sentir que l’objet est un peu rare et porte une histoire, donner un sens à ce que l’on possède chez soi, confirme Tiphaine Chouillet, dirigeante de l’agence de design global La Racine. Un travail manuel rendu perceptible confère à l’objet une valeur supplémentaire. C’est une tendance croissante, certes lente, mais durable. Le succès de Selency par exemple en atteste. » C’est la recherche de mobilier et d’objets artisanaux français – et la difficulté de s’en procurer – qui a par exemple incité Mathilde Bourge à créer L’Indiscret, une boutique en ligne qui vise à valoriser les savoir-faire français et les rendre accessibles et commercialisant des pièces uniques, de petites séries ou du sur-mesure. Le site comptabilise environ 500 clients, pas forcément CSP+, depuis son lancement en juin 2020, avec un panier moyen de 200 €. L’art de la table est la première catégorie, portée notamment par l’achat cadeau : « Le client qui fait un présent offre aussi une histoire à raconter, témoigne Mathilde Bourges. Même s’il répond à un coup de cœur, l’achat répond aussi à une volonté d’acheter local. »
A noter que Mathilde Bourges travaille au développement de la marque en propre L’Indiscret en particulier dans les segments du luminaire et de l’art de la table.Si la volonté de préserver un savoir-faire historique et un pan du patrimoine français a été moteur pour Corinne Jourdain Gros dans la reprise de la manufacture de Digoin, le projet de donner une deuxième vie à des objets utilitaires diffusés auprès des professionnels (métiers de bouche, etc.) et de leur offrir de nouvelles destinations a été décisif pour l’avenir de l’entreprise.
A Digoin, l’artisanat joue avec la tradition en la modernisant : « La majorité des Français connaissent nos produits car ils les ont vus chez leurs grands-parents ou les traiteurs, les crémiers-fromagers, etc. Or ils sont en recherche de valeurs territoriales et patrimoniales ancrées, estime Corinne Jourdain Gros. Les objets que nous fabriquons sont simples mais me semblent se rapprocher de l’esprit japonais Mingei. Notre travail consiste à leur donner nouveau coup de projecteur. Le pot à vinaigre par exemple sert aussi au vin de noix ou d’orange pour le phénomène de macération qu’il procure : nous lui faisons écrire une nouvelle page de son histoire. De même, le cruchon pour la crème de cassis est réédité pour l’huile d’olive. »
A la Compagnie de l’Orient et de la Chine (CFOC), la création s’appuie également sur des traditions et des savoir-faire souvent ancestraux, avec le souhait de les ancrer dans un art de la table et de vivre plus contemporain, en faisant évoluer la forme et l’usage pour les adapter aux pratiques occidentales.
ODIOT : UN SAVOIR-FAIRE INCHANGÉ DEPUIS 3 SIÈCLES
Fondée en 1690, la Maison Odiot conquiert sa notoriété sous le règne de Louis XV avec Jean Baptiste Gaspard Odiot qui obtient le titre de fournisseur royal grâce à un savoir-faire unique en matière de création de pièces exceptionnelles et de couverts en métaux précieux. L’Empire et ses fastes ouvrent une page de gloire pour Odiot, sous la houlette de Jean Baptiste Claude, petit-fils de Jean Baptiste Gaspard, qui verra son talent récompensé par les commandes de l’empereur et de sa famille telles que le sceptre et l’épée du Sacre ou le berceau du roi de Rome.
Charles Nicolas Odiot succède à son père et devient le fournisseur attitré du roi Louis-Philippe et de la famille d’Orléans. Il excellera dans le retour du style rocaille. Son fils Gustave sera aussi l’orfèvre des puissants, en réalisant la plus grande commande que la maison ait jamais reçue (3 000 couverts en or pour le vice- roi d’Égypte Saïd Pacha) et devenant fournisseur de la cour du tsar. Le savoir-faire d’Odiot est inchangé depuis 3 siècles. L’atelier utilise un alliage “1er titre”, composé essentiellement d’argent (925/1000e d’argent au minimum) et d’une infime quantité de cuivre qui renforce la rigidité de l’alliage. Cet alliage, fondu en lingots, est laminé aux différentes épaisseurs nécessaires à la fabrication des couverts puis découpé en flans. Chaque flan est cambré puis estampé sur une matrice en acier, sur laquelle a été gravé, en réserve, le décor du couvert. Le couvert est ensuite ébarbé, puis repris en ciselure afin d’affiner les détails du décor. Enfin, les opérations d’avivage et de polissage donnent à la matière son éclat et sa brillance. Afin de renforcer les contrastes et relever les détails des couverts, une patine artificielle peut également être appliquée. Pour la finition vermeille, une pellicule d’or 24 carats est appliquée sur le couvert en argent massif. Il est également possible d’obtenir une finition épargne, en associant l’intensité du vermeil et l’élégance de l’argent.
Corollaire de cette envie de retour aux sources et de slow consommation, une stratégie de marque nécessairement cohérente avec les valeurs artisanales.
« Le packaging est par exemple un sujet central aujourd’hui, prioritaire en raison de son impact sur l’environnement, souligne Tiphaine Chouillet. Avant de se pencher sur le visuel ou la résistance, il convient de travailler les matériaux : c’est un réel élément de différenciation. L’emballage peut être durable, réutilisable ou immédiatement compostable, etc. Toujours est-il qu’il a un impact direct sur l’image globale de l’entreprise ou de l’enseigne, donc sur les ventes. Il n’est plus possible d’en faire l’économie au risque d’être dissonant. La stratégie de marque permettant de convaincre doit nécessairement être cohérente afin que tout soit juste. »
La CFOC travaille par exemple le packaging dès la conception produits et a ainsi remplacé le papier et les matières plastiques par un sac seau en toile issus de recyclage textile, des coffrets en bois de paulownia, léger et issu de forêts certifiées, avec un recours au plastique (recyclé) que lorsque cela est nécessaire.
Et si les vidéos diffusés en points de vente valorisent et expliquent les différents savoir-faire, elles servent aussi à sensibiliser et rassurer les consommateurs sur les conditions de travail des artisans partenaires de l’enseigne, majoritairement basés en Asie.
Un critère sur lequel la CFOC est extrêmement vigilante.
Par ailleurs, à la manufacture de Digoin, « toutes nos matières premières viennent de France ; pour l’emballage, nous travaillons avec 2 cartonniers dans un rayon de 30 km, nos pièces sont emballées dans du papier gaufré acheté en France, insiste Corinne Jourdain Gros. Nous sommes peu utilisateurs de plastiques, excepté pour les housses de palettes. Nous rationalisons l’emballage carton au maximum pour qu’un contenant puisse recevoir 3 types de produits : c’est fondamental et nos clients partagent ces valeurs. »
Les produits porteurs de l’intelligence de la main rapprochent de la matière brute naturelle et « ce n’est désormais plus dissociable de l’intégration des questions écologiques, souligne Tiphaine Chouillet. Cela ouvre à de nouvelles propositions créatives intéressantes ».
UN ACCÉLÉRATEUR DE DÉVELOPPEMENT
L’artisanat contribue justement à faire bouger les lignes de la création. Sous la notion de néo-artisanat se retrouve d’ailleurs la conjugaison de techniques ancestrales et de la modernité. A ce titre, l’approche des designers est une ressource pour faire évoluer l’offre. « L’artisanat est un levier de rapidité et de réactivité dans la proposition de produit, grâce à un savoir-faire interne et maîtrisé (une couleur qui n’est que la nôtre, etc.) et une taille de structure qui rend cela possible », fait valoir Aurélie Richard, designer et directrice artistique de la Faïencerie de Charolles. Ces entreprises sont une réserve de nouveautés et d’innovation, ca- pables d’émettre rapidement de nouvelles propositions. On peut s’appuyer dessus pour aller plus loin et plus vite : ces manufactures sont un vivier de microlaboratoires capables de fournir du travail à la carte. »
Et d’apporter une nouvelle narration aux produits issus de process in- dustriels. « Loin d’être paradoxale, l’association des produits issus d’un processus mécanisé et de procédés traditionnels fonctionne bien », souligne Aurélie Richard en prenant pour exemple la récente collaboration entre la Faïencerie de Charolles et Fermob pour la création de la table Fat & Slim : deux échelles d’entreprises radicalement différentes avec à la clé une dualité de matières (la faïence et le métal) et de process « touchante dans l’esthétique qui en ressort ».
C’est en collaboration avec ses partenaires maîtres verriers que Lehmann a développé Ultralight, son nouveau verre lancé au printemps 2021. Pas moins de deux années de recherche et développement ont été nécessaires à la mise au point de ce matériau à la légèreté remarquable, décliné en soufflé mécanique et soufflé bouche.
« Le procédé artisanal est la haute couture du verre qui conjugue finesse et légèreté extrêmes, avec un piqué précis, profond et unique au fond du calice, explique Clémence Roche, responsable marketing de Lehmann. Du côté du consommateur, il y a une appréciation du fait main, du caractère unique de l’objet. L’intervention de 6 maîtres verriers est nécessaire pour fabriquer l’un de nos verres soufflé bouche et nous sommes très attachés à la préservation de ce savoir-faire ancestral. »
L’Ultralight habille désormais toutes les collections Signature de Lehmann, pour un verre qui se fait pratiquement oublier lors de la dégustation. Un projet qui va de pair avec la refonte de l’univers de marque de Lehmann. Le regard est aussi tourné vers le futur à la manufacture artisanale Windmühlenmesser.
De la plus petite lame à la plus grande et complexe, 16 à 50 étapes manuelles sont nécessaires pour la réalisation de ses couteaux. L’entreprise mène actuellement un projet en phase finale de prototypage visant à remplacer les manches plastiques des couteaux par un polymère à base de peaux de betteraves et travaille parallèlement avec l’association North Sea Chefs au développement de couteaux avec des manches en pierres de la mer du Nord.
RAYNAUD, LE RAFFINEMENT DU DÉCOR
La décoration des pièces en porcelaine requiert des savoir-faire qui font la renommée de la maison Raynaud. De nombreux décors relèvent du procédé de chromolithographie. Le décor est imprimé puis posé à la main sur chaque pièce par les artisans dont la dextérité assure un positionnement parfait sur les formes et le relief des pièces. Au niveau des anses, le chromo est découpé par l’artisan pour être déposé tout autour. La peinture à la main est également un savoir-faire précieux de Raynaud : ses peintres, auxquels sont confiés les filets sur le bord des assiettes, les anses ou les boutons des pièces de forme, sont considérés comme des artistes. Les décorations en or ou en platine sont ensuite sablées pour obtenir l’effet mat et poli, caractéristiques de la maison. Les motifs en relief sont rehaussés au pinceau avec de la “pâte à relief” puis, après séchage, peints de différentes couleurs ou poudrés d’or pur ou de platine.
Enfin l’incrustation, procédé de décoration rare et luxueux, induit de nombreuses opérations spécifiques. Un chromo du décor à graver est d’abord posé sur la pièce en porcelaine. Celle-ci est ensuite totalement enduite de bitume de Judée, à l’exception du motif à graver, et trempée dans un bain d’acide avant d’être lavée au pétrole, brossée et rincée. Les parties protégées par le bitume de Judée ressortent brillantes et émaillées tandis que celles non protégées sont gra- vées par l’acide d’après le dessin du chromo. Deux couches d’or ou de platine au pinceau sont ensuite appliquées sur le motif gravé. Après la 2e cuisson, les métaux sont sablés, polis et brunis à la pierre d’agate et de sanguine, conférant au motif en relief son éclat et sa résistance. Après la déco- ration, les pièces sont cuites dans le four tunnel à différentes températures : de 800°C (petit feu) pour les pièces peintes à la main à 1 200°C (grand feu) pour certains décors de la collection. A cette température élevée, l’émail se ramollit et se mélange aux couleurs du chro- mo, ce qui garantit la résistance du décor et un nettoyage sans risque du lave-vaisselle.
Cette année, Raynaud s’est associé à Lincrusta, fabricant anglais depuis 1877 de revêtements muraux uniques et luxueux, pour produire le motif de sa nouvelle collection Italian Renaissance (photo). Celle-ci se compose d’une trentaine de pièces déclinée en 11 coloris où s’entrelacent les délicates arabesques du dessin. Elle requiert un travail minutieux, réalisé sur plâtre àla main, et de nombreuses heures de travail dans les ateliers de modelage pour sculpter et graver ce motif végétal. Cette gravure est ensuite enluminée de couleurs mates nacrées et moirées, et de métaux précieux platines ou dorés pour sublimer le motif.
Prix public : 114 € l’assiette plate ø 32 cm filet or.
UN LEVIER BUSINESS
La distribution surfe aussi de plus en plus sur cette tendance vernaculaire. « Les détaillants ne peuvent plus passer à côté, estime Elizabeth Leriche. Les consommateurs sont désormais plus sensibilisés à l’écologie et avec le fait de se faire du bien. Trouver et proposer de petites productions avec une histoire rehausse l’offre, à condition de valoriser et d’expliquer le sujet de l’artisanat, sans hésiter de recourir à la photo, sinon les clients n’imaginent pas : c’est d’autant plus nécessaire que ce sont des produits qu’ils paient plus chers : il leur faut donc savoir pourquoi. Des enseignes telles que La Trésorerie qui proposent du beau, de l’utile et de l’esthétique, mettent ainsi en avant leurs valeurs. » Autre exemple avec Ikea qui a dévoilé Lokalt, une collection limitée fruit de la collaboration entre 4 designers contemporains originaires d’Amman, Dehli et Bangkok avec des entreprises sociales locales. Les produits qui a composent sont fabriquée à la main par des artisans en Jordanie, en Inde et en Thaïlande. Une initiative qui relève du programme Ikea Social Entrepreneurship instauré en 2013 qui repose sur une collaboration avec des entreprises sociales et solidaires qui vise à réduire la pauvreté et favoriser l’autonomie des femmes notamment.
« Pour réussir en tant que détaillant et rester pertinent vis-à-vis de sa communauté, il convient de se distinguer à travers son assortiment produits, analyse pour sa part Sebastiaan Smits, responsable marketing d’Orderchamp. Les détaillants ne peuvent le faire que s’ils vendent des articles qui intègrent certaines valeurs, telles que le fait main, et les aspects durables, écologiques et sociaux. En référençant ce type de produits et de marques plutôt que ceux facilement disponibles sur les plus grands marchés de consommation, il devient vraiment possible de raconter l’histoire de la marque à un client. Cela accroit les chances de vendre. Nous pensons que les consommateurs seront de plus en plus demandeurs de ce type de produits. Nous le constatons déjà dans la demande des détaillants sur Orderchamp. Notre portefeuille se compose de 1 800 marques qui intègrent des valeurs telles que le fait-main, et ce chiffre augmentera car les détaillants veulent essayer de nouvelles marques chaque semaine ou chaque mois. »
WINDMÜHLENMESSER REPOUSSE LES LIMITES DE L’ARTISANAT
A la manufacture Windmühlenmesser, le savoir-faire coutelier conjugue tradition artisanale et logique d’innovation. Le matériau du manche du ClassicFutur est un développement novateur dans le domaine des matières premières alternatives au pétrole. Constitué d’une matrice polymère à base de glucose, issue de matières premières végétales donc renouvelables, et de leurs déchets (betteraves sucrières provenant de zones de culture locales en Allemagne), il constitue une solution alternative au plastique issu des produits pétroliers. Le “flux de sucre technique” (dernier flocon-résidu de betterave et de sa peau), c’est-à-dire les résidus qui ne sont pas utilisés pour l’alimentation animale, est utilisé. Le matériau est imputrescible, neutre en CO2 lorsqu’il est brûlé et ne laisse aucun résidu. Sans pétrole, il contient environ 3 à 4 % de charges minérales telles que le talc, liées dans le matériau support pour sa stabilisation.
Autre initiative, un projet en cours avec l’association North Sea Chefs reprenant les bases du design des manches en bois de la manufacture, mais appliquée à des manches en pierre. North Sea Chefs souhaite ainsi renforcer ses valeurs de respect de l’environnement et son engagement en faveur de la relocalisation de ses activités. Une série de couteaux fonctionnels est réalisée avec des pierres marines brutes récoltées en mer du Nord. L’enjeu pour Windmühlenmesser consiste à trouver l’équilibre parfait entre la lame et le manche en conservant le matériau nécessaire lors de la découpe et la finition de ces pierres brutes. Un projet qui illustre la volonté de l’entreprise d’agir à la transformation écologique du modèle de fabrication.
A la CFOC, à l’offre 100 % artisanale, la formation des équipes aux techniques de fabrication est un axe fondamental, soutenue par un travail sur la signalétique en magasin. « Nous nous appuyons sur des photos et des vidéos pour que les équipes de vente soient en capacité de retransmettre aux clients, témoigne Valérie le Héno, directrice de la création de la CFOC. Il ne s’agit pas d’approfondir excessivement les aspects techniques, mais suffisamment pour révéler la valeur ajoutée du produit. » Les newsletters servent aussi de relais pour des focus sur une matière, un atelier, une description de conception produit. La CFOC prévoit d’ailleurs une refonte pour la rentrée de son site internet et e-commerce, avec une communication plus engagée en ce sens. Autre axe de communication, ajoute Tiphaine Chouillet, « le prix d’usage, différent du prix affiché, en faisant valoir que c’est un objet qui dure, peut-être parfois un produit peu moins “mode”, mais moins éphémère, en réponse à une volonté du consommateur d’aller vers des produits plus intemporels ».
Là encore la mise en valeur du process manuel en magasin se révèle fructueuse, permettant aux consommateurs de le comprendre et de se l’approprier. « Les détaillants sont en demande de cela : cela leur permet de proposer des contenus et des stories, conclut Corinne Jourdain Gros. Le consommateur final est quant à lui prêt. C’est d’ailleurs visible avec le bio. Il lui est acceptable de mettre le prix car, derrière, il y a de l’économie vertueuse, du temps de travail et la main de l’homme. La pandémie a accéléré cette évolution des mentalités. »