Dossier

Carafer ou décanter ?

02 mars 2017

Verser un vin dans une carafe revient à laisser à celui-ci la chance de se révéler pour une dégustation optimisée. Ce caractère technique implique une vente assortie de conseils, car du vin dépend la forme de la carafe.

Certes, sur les catalogues des verriers, l’offre en carafes est infiniment plus réduite que celle en verres dédiés au vin. Néanmoins, cet objet n’est pas pour autant à négliger dans le référencement du point de vente pour plusieurs raisons. La première d’entre elles, la plus évidente, est la valeur ajoutée qu’il apporte en termes de dégustation. A ce titre, il est préférable de choisir la carafe selon le vin. En effet, selon son âge, celui-ci sera mis en carafe pour y être oxygéné ou pour y décanter. Explications.


Oxygénation ou décantation ?

Les vins vieux sont transvasés dans une carafe pour y décanter, afin de séparer le solide (dépôt tartrique, tanin, etc.) du liquide tout en lui apportant un minimum d’oxygène. « Ce geste doit faire l’objet d’une manipulation délicate, souligne Georges Richard, PDG de L’Atelier du Vin. Un vin vieux ouvert au bon moment est précieux : ses années de maturation sont à respecter. » Une surface d’oxygénation réduite est donc de mise : les carafes adaptées présentent donc une forme assez proche de celle de la bouteille, avec des parois étroites et une surface d’aération réduite, l’idée étant de ne pas réveiller trop brusquement le vin. Un accessoire de filtrage, de type corne à décanter de l’Atelier du Vin, peut éventuellement être utilisé en complément. Dans ce cadre, la décantation constitue le geste final avant le service pour une aération modérée. Autrement dit qui apporte le moins d’oxygène possible. La démarche de la mise en carafe est différente lorsqu’il s’agit de vins jeunes, ceux-ci étant fréquemment servis avant leur date d’apogée, c’est-à-dire idéale pour l’ouverture de la bouteille (déterminée par le vigneron). Ces vins nécessitent donc d’être préparés de manière aérienne pour la dégustation. Les jeunes millésimes, les vins à fort potentiel de garde bus dans leur jeunesse gagnent à être versés dans une carafe : la manœuvre permet d’assouplir les tanins des rouges et l’acidité des blancs, et pour les uns comme pour les autres, un gain en volume aromatique. Certaines cuvées millésimées de champagne peuvent également être carafées, une pratique rare voire discutée. Dans le cas de l’oxygénation, la forme de la carafe est élaborée de manière à offrir un contact maximal avec l’air. Le diamètre est donc optimisé, selon la bouteille : il existe des carafes pour les bouteilles de 75 cl, mais aussi pour les magnums qui présentent une surface d’oxygénation plus importante. Le col long sert également à oxygé- ner le vin lorsque celui-ci est transvasé.

La fonctionnalité avant l’esthétisme 

Certes, « la carafe rend magistrale la mise en scène du vin à table », comme le souligne Georges Richard. Pourtant, parmi les critères qui président à leur conception, l’esthétisme n’arrive pas en première position. « Travailler sur un projet de carafe est complexe, indique Laurent Chignon, directeur de la marque Chef & Sommelier, puisqu’il s’agit de prendre en compte les aspects œnologiques, puis fonctionnels et enfin esthétiques.» Pour cela, les fabricants et leurs maîtres verriers collaborent avec des experts en œnologie et des sommeliers, afin de proposer des produits qui développent au maximum les qualités organoleptiques du vin. « Le design d’une carafe dépend avant tout de son côté technique et fonctionnel, confirme Mariette Picard, responsable communication chez Peugeot. Le versage du vin doit être facilité et sécurisé par le col et il convient de proposer des formes qui facilitent le service. Pour autant, l’esthétique n’est pas négligée, puisqu’elle détermine le choix du consommateur. Elle reste son critère numéro 1. » Car si les acteurs du food service choisissent d’abord leurs carafes selon ses caractéristiques œnologiques et techniques, c’est la beauté de l’objet qui préside le plus souvent à l’achat du produit chez les détaillants. Et pour cause : la carafe fait partie des articles à fort potentiel d’achat cadeau. Les industriels ne s’y trompent pas et accentuent leurs efforts sur le packaging, à l’instar de Chef & Sommelier qui annonce des nouveautés en la matière pour le mois de mai : un coffret noir et élégant pour théâtraliser l’objet, assortie d’une nouvelle identité visuelle pour la marque. Et même si le produit dispose d’un packaging qualitatif, « le détaillant, selon la place dont il dispose, a intérêt à présenter la carafe hors de celui-ci », préconise Laurent Chignon. En outre, « une carafe est un achat cadeau peu risqué, même si la personne qui la reçoit en possède déjà une, estime Georges Richard. Les amateurs de vin en possèdent généralement deux, voire davantage, pour chaque type de vin. Quant aux personnes qui souhaitent s’initier à l’œnologie, cela leur permet d’enrichir leur expérience de dégustation. » Enfin, pour le commerçant, la vente d’une carafe est susceptible de s’accompagner de celle d’accessoires œnologiques, compte tenu de l’importance du marché de l’oxygénation accélérée : collier antigouttes, aérateur, mais aussi tire-bouchon, etc. Si les cavistes sont généralement initiés à l’utilisation de ces produits, les détaillants en art de la table le sont parfois moins. Pour cela, les fabricants proposent des formations pour les vendeurs, ou encore des supports destinés à être offert au consommateur. C’est notamment le cas du Guide de carafage des vins proposé par Peugeot, réalisé par l’expert en œnologie Fabrice Stefanetti. A une époque où le consommateur est avide de storytelling et d’informations sur le vin, l’accompagner dans son choix permet au vendeur de montrer qu’il a bien compris son besoin, voire de lui faire faire une découverte. 



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