Les objets façonnés à la main opèrent un retour en force dans les intérieurs, portés par les consommateurs qui, de plus en plus, recherchent des produits éthiques et authentiques. Décryptage.
"Depuis quelque temps émerge une nouvelle génération d’artisans
designers qui créent et fabriquent eux-mêmes leurs
pièces », constate Pauline Glaizal, styliste et chroniqueuse
dans l’émission de télévision Téva Déco. « C’est le cas par
exemple du souffleur de verre Jeremy Maxwell Wintrebert ou de la designer
Elisa Strozyk qui crée des objets en textile et bois », cite-t-elle.
« On parle de néo-artisanat pour décrire cette nouvelle tendance qui allie
les techniques anciennes et
la modernité. »
Verrerie,
tressage, poterie, cannage,
ébénisterie, tournage,
modelage, sérigraphie,
tissage, miroiterie,
émaillage, broderie… « Il
y a un vrai retour aux savoir-faire
qui sont à nouveau
mis en valeur. »
Pièces uniques
Cette valorisation s’est
notamment traduite par
l’ouverture, ces derniers
mois, dans la capitale
française d’espaces commerciaux,
à mi-chemin
entre le magasin et la
galerie d’art : le conceptstore
Empreintes, l’Atelier
singulier ou la boutique
Nous. Leur point
commun ? Proposer à la
vente leur sélection de pièces uniques ou de petites séries réalisées par des artisans. L’Atelier
singulier, par exemple, met en avant les vases en porcelaine de
la céramiste Karen Petit, les coussins de la designer textile Morgane
Baroghel-Crucq ou les bougeoirs en verre de Laurence Barbant et
Alain Villechange.
Tous ces objets sont façonnés à la main. Même
démarche à la boutique Nous, où sont mis en vente la collection de
vases en grès émaillé des céramistes Nathalie et Christophe Hurtault
et les plateaux en lin et résine de Yumiko Sekine. Dans le conceptstore
Empreintes dédié aux métiers d’art, plus de 1 000 pièces sont
présentées sur 600 m². Côté décoration, y sont commercialisés les
coussins d’Alice Leblanc Laroche, les sérigraphies de Fany Perret, les
plateaux en corde de coton de Mélanie Clénet, les textiles de Juliette
Vergne et les vases en faïence de Valerie Leroux.
Artisans 2.0
« Il y a un véritable regain d’intérêt pour le geste manuel, l’intelligence de
la main », analyse Pauline Glaizal. Mais sans le côté démodé qui a
parfois collé à l’artisanat. « Nous sommes sortis de l’image rustique ou
baba-cool de ces métiers », note la styliste. D’ailleurs ces nouveaux artisans
sont très connectés. Ils n’hésitent pas à utiliser des techniques
innovantes, telles que l’impression 3 D ou la découpe laser, associées
à des savoir-faire traditionnels. Ils disposent en général d’un site internet
pour présenter leur travail ou leurs outils, gèrent leur boutique
en ligne et sont très actifs sur les réseaux sociaux.
C’est par exemple
le cas des céramistes Pia Van Peteghem, Justine Lacoste et Aurélie
Dorard, ou des ébénistes Antonis Cardew et Antony Bonniot, qui
postent sur Instagram des photos ou des vidéos de leur atelier ou de
leurs dernières créations.
Transparence et traçabilité
Cet intérêt, Elsa Coustals, co-fondatrice et directrice artistique de
la boutique La Trésorerie à Paris dédiée à l’univers de la maison, le
constate chaque jour davantage. « Il y a un fort engouement des clients
pour les produits artisanaux. Ils veulent savoir où et comment est fabriqué
l’objet, par qui, quels sont les matériaux utilisés, etc. ».
Ouverte en avril
2014, La Trésorerie s’attache à proposer des articles durables et de
qualité, issus de manufactures qui garantissent le respect de certaines
normes sociales. Dans le magasin, des fiches présentent d’ailleurs
les fabricants des objets vendus. « Cette volonté de transparence sur la
provenance, qui est la nôtre depuis le départ, trouve de plus en plus un écho
favorable auprès du public », note Elsa Coustals.
Selon cette dernière,
il existe un parallèle avec les nouveaux comportements alimentaires
et l’essor de l’agriculture biologique. « L’exigence de traçabilité ne
s’arrête pas à la nourriture. Le public s’interroge sur tous les produits
qu’il achète, leur impact sur l’environnement… ».
Tendance durable
L’équipe de la Trésorerie propose également dans sa boutique parisienne
et dans l’e-shop du même nom une sélection de pièces artisanales,
telles que les soliflores en porcelaine de la créatrice danoise
Ditte Fischer, ou ceux en verre recyclé de sa compatriote Bettina
Schori, les bougies moulées à la main dans la manufacture Alterlyset
à Copenhague ou encore les sets de table tissés par l’atelier Tensira
en Guinée.
« Des objets où l’on retrouve la main de l’homme, qui peuvent
présenter des “imperfections” mais qui lui confèrent un caractère unique »,
souligne Elsa Coustals.
Pour la styliste Pauline Glaizal, ce sont ces
petits “défauts” qui ont contribué au retour en grâce de l’artisanat.
« Ils séduisent les acheteurs car ils répondent à leur besoin d’authenticité. »
Et d’ajouter : « Cette envie d’objets faits main s’est développée en quelque
sorte en réaction à une certaine surconsommation. C’est une tendance qui
est là pour longtemps. »
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