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Dossier
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Les nouveaux défis de la porcelaine française
Le secteur de la porcelaine haut de gamme renoue avec la prospérité à l’international. L’enjeu consiste aujourd’hui pour lui à retrouver un tempo commun avec la distribution indépendante française.
Une renaissance après des années de tourmente. Les porcelainiers français ont retrouvé le sourire. Ils comptent en effet parmi les acteurs à qui la pandémie de covid-19 a profité. Dans un secteur hyperchallengé, une concurrence intensifiée, qui va de l’artisanat ultraraffiné et aux designs les plus avant-gardistes, la proposition est riche et la demande en hausse, dopée notamment par le haut de gamme et le luxe, à l’international en particulier.
Dans une production de vaisselle qui s’établit à 480,1 millions d’euros hors taxes en 2022 (+ 18 % par rapport à 2021), la porcelaine représente 176,8 millions d’euros, en hausse de 32 % (source : Observatoire Francéclat – Insee). Le secteur reste donc un pilier vital pour la filière art de la table et le matériau charme toujours par sa finesse et son élégance. Un regain d’intérêt des consommateurs pour leur intérieur et les arts culinaires, et une forte demande du secteur CHR à compter de 2021 génèrent une alchimie qui bénéficie aux porcelainiers.
« En deux ans, Bernardaud a embauché plus de 200 personnes et accru sa production de 50 % », illustre ainsi Hélène Huret, directrice de la communication de Bernardaud. Autre facteur contributif de cette croissance, des marques de luxe dans le secteur des biens d’équipements de la personne, telles que Dior ou Fendi par exemple, avides d’étendre leur territoire à de nouvelles familles de produits afin de proposer une offre globale à leur effigie.
Dans la mesure où l’art de la table se révèle être un incroyable terrain de jeu créatif qui permet à chaque hôte d’exprimer ses goûts et sa personnalité, les marques de luxe investissent le secteur pour en faire une nouvelle voie d’accès. La prospérité actuelle de la filière porcelaine réside aussi dans l’usage de celle-ci : loin de se cantonner à la vaisselle, elle se révèle une alliée dans de multiples applications.
A titre d’exemple, Bernardaud a dévoilé en septembre un écrin rechargeable en collaboration avec la maison Dior pour ses rouges à lèvres : un projet qui a tout de même nécessité cinq années de recherches technologiques et de mise au point.
Pour toutes ces raisons, la porcelaine haut de gamme et luxe est « un marché redevenu porteur, renouant avec des consommateurs qui investissent sur l’art de la table », se réjouit Antoine de Rémur, directeur général de Raynaud.
Durabilité, matériaux naturels, facilité d’entretien et résistance expliquent
également l’appétence pour la porcelaine, au point que certaines
marques qui n’en commercialisaient pas, lui ouvrent leur offre, précisément pour ces atouts. C’est par exemple le cas de Villa Collection
Denmark qui a présenté en septembre à Maison&Objet sa collection de
porcelaine, baptisée Evig et positionnée milieu de gamme et enrichie de
nouvelles pièces. « C’est en particulier pour ses vertus de robustesse
et de résistance qui répondent aux exigences de la restauration que
ce matériau a été choisi », confie Maryse Petitpas, brand activation
manager chez F&H Group.
UNE GAMME DE MUGS EN PORCELAINE SIGNÉE GARNIER-THIEBAUT
Pour sa collection automne-hiver 2023, le spécialiste du linge de maison Garnier-Thiebaut dévoile une collection exclusive de mugs en porcelaine. Fabriqués au Royaume-Uni, ceux-ci sont fabriqués en fine bone China qui permet d’imprimer des motifs et des dessins complexes avec précision.
Pour créer cette collection aux motifs variés, les stylistes de la maison vosgienne ont repris les dessins de best-sellers en linge de table. Un véritable travail de précision pour réduire les motifs de produits plus grands, tels que les nappes, afin de conserver la richesse et la finesse du trait. Dans la volonté d’élargir son offre à l’univers de la décoration, le fabricant vosgien lance également une gamme de plateaux en bouleau mélaminé dans les mêmes motifs. Prix public : 14,90€ le mug.
UN PAS-DE-DEUX DÉLICAT ENTRE OFFRE ET DISTRIBUTION
Les porcelainiers français sont à la fête à l’international, force est pourtant de constater que sur leurs terres, le marché se révèle plus complexe d’approche. « Le positionnement de la distribution dans son ensemble n’est plus tout à fait coordonné au niveau de prix de la fabrication française, résume Thierry Villotte, président de la Confédération des arts de la table (CAT).
L’appétit pour les articles hauts de gamme est pourtant avéré : il existe bel et bien des Français disposés à acheter des produits onéreux, durables et coups de cœur. Mais il y a aujourd’hui une forme de déconnexion entre l’offre en porcelaine française et la distribution », déplore-t-il. C’est d’ailleurs pour impulser un mouvement de balancier et redonner de la visibilité aux marques nationales que la CAT a lancé la plateforme Ensemble à table début 2022, avec le souhait de susciter l’envie chez les consommateurs et mettre celle-ci en évidence auprès des revendeurs.
Ensemble à table qui compte pour l’heure 38 marques
a d’ailleurs accueilli fin septembre la marque française de porcelaine
Subtile Home.
D’autres misent sur le milieu de gamme en matière de porcelaine. C’est
le cas de Titaïna Bodin qui a fondé Ogre la fabrique afin de proposer une
vaisselle made in France et accessible, avec pour souhait de contribuer
à la sauvegarde des manufactures françaises et du savoir-faire des
porcelainiers.
LA SECONDE MAIN, UNE PORTE D’ENTRÉE ?
Face à une clientèle aux aspirations changeantes, la filière de la porcelaine est donc face à un défi d’adaptation quant à ses canaux de distribution. Une danse à la chorégraphie complexe mais pleine de potentielle, compte tenu de l’engouement pour ce matériau.
« On peut noter à l’international la réémergence d’offres très haut de gamme en retail qui ont pour objet de renouer le dialogue avec une clientèle aisée, en direct ou via des architectes décorateurs qui les accompagnent dans leurs choix.
C’est un signal très favorable », relève Antoine de Rémur (Raynaud). Le mouvement semble donc amorcé à l’international. Pour permettre aux réseaux de détail français de reconnecter la belle vaisselle dont la porcelaine est l’incontestable ambassadrice, à leurs clients, la CAT travaille actuellement sur une opération commerciale qui sera déployée au printemps prochain. « Sur une mécanique similaire à Videz vos placards, nous proposerons aux consommateurs de ramener leurs articles d’arts de la table en point de vente en échange de bons d’achat », annonce Thierry Villotte.
« La nouveauté, c’est que les détaillants auront la possibilité de les mettre en vente dans une offre de seconde main, ou de les proposer à une association caritative locale de leur choix. » La CAT espère ainsi drainer une nouvelle catégorie de consommateurs en direction des points de vente, s’appuyant sur le constat que lors des précédentes éditions de Videz vos placards, de la très belle vaisselle avait été rapportée en boutique.
« L’idée est de mettre le doigt dans l’engrenage, poursuit le président de la CAT. En mettant des produits de qualité à des prix abordables car de seconde main, nous espérons commencer apporter une réponse à la question du pouvoir d’achat rencontrés par les réseaux », conclut Thierry Villotte. Un coup de billard à trois bandes !
TRAMONTINA LANCE SES COLLECTIONS EN FRANCE
Le groupe Tramontina s’est agrandi en mai 2022 avec l’inauguration d’une usine de porcelaine à Pernambuco au Brésil. Construite sur une superficie de 66,2 ha dans la municipalité de Moreno (région métropolitaine de Recife) celle-ci a une capacité de production quotidienne de 46 000 pièces de porcelaine de table.
Soutenue par l’intelligence
artificielle et la robotisation,
l’usine utilise des matières
premières de haute qualité et
proposera des assiettes classiques et décorées. Les moules
utilisés sont uniquement en acier inoxydable. Une quinzaine
de collections ont intégré cette année le catalogue français.