La tendance est mondiale. Depuis la pandémie de covid-19, l’heure est au repli sur le cocooning et l
Dossier
•
Bougie : un marché tout feu tout flamme
Bousculé par la crise sanitaire, le marché de la bougie se restructure pour poursuivre sa croissance.
Inventée au XIXe siècle, la bougie, objet d’éclairage et de décoration,
succède à la chandelle. Devenue parfumée au fil du temps, elle
porte depuis quelques années la croissance du marché, même si
celle-ci a été stoppée par le covid-19 avec une année 2020 marquant
un contraste (-12,7% à 133,3 millions d’euros) avec celle record qu’a
été 2019 avec un marché estimé à 152,8 millions d’euros (source :
Businesscoot, 2022).
Si la bougie parfumée reste une valeur sûre, celle dite décorative revient sur le devant de la scène aidée par la crise énergétique, qui a créé une aubaine (principalement la boîte de 10 bougies blanches qui garantit 6 h de combustion par bougie) avec l’inquiétude des consommateurs sur les pannes d’électricité. Le marché mondial est en essor et devrait enregistrer un taux de croissance annuel moyen de 6,3 % jusqu’en 2026. L’Europe, région qui domine le marché devant les Etats-Unis et l’Asie, continuera de croître à un taux de plus de 6 % par an dans les prochaines années (source : étude Businesscoot, Le marché des bougies France, 2022).
UNE PLACE DE CHOIX DANS L’OFFRE CADEAU
« C’est un marché qui se porte bien pour pas mal de raisons, confirme Olivier Sillion, président du groupe Emosia (Maison Berger, Bougie La Française, etc.).
La gestuelle de la bougie a été favorisée par les confinements. Chacun a retrouvé le plaisir d’être bien chez soi, contribuant à faire de la maison un sanctuaire. L’effet télétravail participe également à l’essor des ventes de bougie, nouvel objet déco. Enfin, celle-ci reste un achat d’impulsion. » En quelques années, la bougie s’est taillé une part de choix dans l’univers cadeau, qu’importe le budget. « C’est un accessoire de décoration qui peut être très personnalisé quand elle est parfumée à l’image de nos bougies, avance Pierre Corgnet, dirigeant des Bougies de Charroux. Dans notre région, elles sont devenues des cadeaux qui remplacent les fleurs pour les clients invités par des amis. » « Ce marché ne connaît pas la crise, poursuit Henric Kihlström, fondateur de La Petite Centrale qui représente des marques européennes en France (Nordic Flame, CandleHand, CandleHand Baby, CandleCan et Oognis). Toutes les marques que nous représentons ont augmenté leurs parts de marché, Mais attention, le marché est saturé surtout sur les bougies senteur. Il faut donc savoir dénicher un produit sortant de l’ordinaire. »
RETOUR DU DÉCORATIF
Parmi les noms qui grimpent, citons le lituanien CandleHand. A la pointe sur le réalisme, la marque propose des mains moulées (voir photo) avec les mèches au bout des doigts. Succès également pour la scandinave Hay et ses sets de 6 bougies torsadées ou le cierge rayé bicolore Stripe qui s’affiche partout sur les réseaux sociaux. La marque Bitten (PaysBas) a quant à elle imaginé des bougies arc-en-ciel qui deviennent de plus en plus colorées au fil de la combustion grâce à des dégoulinures. Côté fabricant, le catalogue ne cesse de se renouveler. « Nous sommes de gros pourvoyeurs de nouveautés, confirme Olivier Sillion (Emosia).
Ces produits représentent 20% de notre chiffre d’affaires. Notre développement repose sur l’innovation et l’originalité. Nous avons ainsi repris My Jolie Candle, un concept qui attire l’œil. Si le bijou encapsulé plaît toujours, nous venons de lancer La Bougie Astrale : 365 bougies parfumées selon votre date de naissance pour décrypter les grandes lignes de votre personnalité. Celles-ci ont été sold out en quelques jours, nous lançons les prochaines livraisons en précommande. Ensuite, la variété de nos marques représente un portefeuille qui couvre tous les usages et génère des complémentarités. Enfin, les collaborations sont intéressantes et génèrent ventes et visibilité. »
GÉNÉRER DES ÉMOTIONS
Sur le segment haut de gamme, la bougie est devenue un objet statutaire.
Diptyque, maison fondée en 1961, a vu son chiffre d’affaires bondir de 50 % en 2020 pour atteindre plus de 94 millions d’euros. « La bougie transforme l’ordinaire en moment particulier, note Laurence Semichon, senior vice president parfum & beauté chez Diptyque. Allumer une bougie, c’est se laisser embarquer ailleurs sur la base d’un parfum. » « La bougie est indéniablement un objet qui déclenche des émotions car elle nous relie à notre inconscient, assure Benoît Ramus, fondateur des boutiques Ma Jolie Bougie (voir encadré).
Avec peu de choses –l’odeur nous offrons à nos clients une expérience intéressante. » La marque américaine Yankee Candle, avec plus de 200 senteurs, génère un chiffre d’affaires d’environ 990 millions de dollars (environ 913 millions d’euros). –
MA JOLIE BOUGIE : UN MONOCONCEPT QUI A EU DU NEZ
Passionnés de voyages et de senteurs, Delphine et Benoît Ramus ont délaissé le modèle concept-store pour se consacrer pleinement à la bougie. À Toulouse, ils convertissent en 2015 leur magasin de 120 m2 ouvert en 2007. Précurseurs, ils proposent aujourd’hui 120 marques et 8 000 références environ. Ils doublent la mise en 2017 et ouvrent sur l’artère principale de la ville rose sur 50 m2. « Ici, nous nous adressons à un public plus large à qui nous proposons une sélection de nos meilleures ventes que nous ajustons tous les mois, avec un merchandising renouvelé tous les 3 mois », note Benoît Ramus. Leurs derniers coups de cœur ? Côté Bougie, Cirerie de Gascogne, Skandinavisk, Ester & Erik.
VERS UN MARCHÉ PLUS STRUCTURÉ ET RÉGLEMENTÉ ?
Le marché de la bougie a donc rebondi pour mieux évoluer. « Vendre une bougie parfumée en ligne ou avec un masque a été compliqué, confie Benoît Ramus. Il y a eu un passage à vide durant deux ans. Beaucoup de marques ont disparu, il y a eu des faillites, des rachats, mais cette période a permis une restructuration positive du marché et obligé les industriels à repenser leurs produits en termes de composition, de proximité du sourcing et de fabrication. Du coup, les marques qui sont là aujourd’hui vont vers du mieux. » De fait, les prochains enjeux ciblent la réglementation. Si depuis 2009 la réglementation européenne CLP (sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et mélanges) oblige les fabricants à indiquer sur le packaging les produits allergisants, il n’y a pas encore de certification européenne en matière de critères de qualité.
« Cela permettrait
de freiner le déferlement de bougies de mauvaise qualité venues de
Chine ou des pays de l’Est », estime le Syndicat général des fabricants
de bougies et ciriers de France. Si le made in France est un gage de
qualité, le label allemand RAL est le plus exigeant. « Notre cahier des
charges en matière d’ingrédients est plus strict que les exigences réglementaires imposées partout dans le monde », note Wolfgang Reich,
directeur général de l’association de qualité. En exemple, la paraffine
qui est la matière première la plus importante pour la production de
bougies dans la plupart des pays. « C’est un sous-produit du raffinage
du pétrole brut et comme celle-ci est importée des États-Unis ou de
Chine, elle ne répond souvent pas à cette exigence de pureté, conclut
Wolfgang Reich. Sans compter que comme son prix est lié au prix du
pétrole, les fabricants de bougies font face à des augmentations de
coûts régulières. »