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Dossier
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« Le QR code augmenté GS1 ouvre un immense champ de possibilités pour réinventer le commerce »
La transition du code-barres au QR Code augmenté GS1 constitue une transformation majeure pour le commerce. Orchestrée à l’échelle internationale, elle ne consiste pas en un simple changement technologique mais ouvre de nouvelles perspectives pour les marques, les distributeurs et les consommateurs. Quels sont les enjeux de cette migration ? Explications avec Didier Veloso et Cédric Lecolley, respectivement président exécutif et directeur commercial et filières de GS1 France.
Comment le code-barres s’est-il imposé comme pilier du commerce mondial ?
Didier Veloso : Le code-barres, qui se résume à “un code et des barres”, est une invention des années 1970 qui a révolutionné le commerce. Il repose sur un système simple mais ingénieux : des barres verticales traduisent, grâce à un scanner, un code numérique, l’identifiant du produit ou le Global Trade Item Number (GTIN, aussi connu sous le nom de code EAN). L’organisme mondial GS1 attribue ces codes d’identification des produits à ses adhérents. A ce GTIN sont associées des données produits standardisées (comme le prix du produit, par exemple). Grâce à ce standard universel, les produits peuvent être scannés dans n’importe quel magasin du monde sans erreur ni intervention manuelle. L’information produit est ainsi automatisée. Un bip en caisse et le prix s’affiche automatiquement.
Cédric Lecolley : Le code-barres est un outil essentiel : en effet, sans lui, pas de commerce. Aujourd’hui, il est scanné plus de 10 milliards de fois par jour dans le monde, soit deux fois plus que le nombre de requêtes sur Google ! Cependant, ses cas d’usage sont limités à ceux de l’économie linéaire. Or aujourd’hui, d’autres besoins émergent, en particulier avec l’avènement de l’économie circulaire.
Pourquoi passer du code-barres au QR Code augmenté GS1 ?
Didier Veloso : Le code-barres nous a remarquablement bien servis pendant 50 ans, mais il atteint désormais ses limites car c’est une technologie qui ne peut capturer que le code qui identifie le produit et les données “statiques” qui y sont associées. Un peu comme si nous avions les données du produit en général, mais sans les données “dynamiques” liées au moment de sa fabrication (numéro de lot et date limite de consommation). Par ailleurs, il n’est pas lisible par nos smartphones et n’offre pas d’accès à internet.
Cédric Lecolley : Le QR Code, pour Quick Response Code, inventé au Japon dans les années 1990 par l’ingénieur Masahiro Hara dans l’automobile, est une technologie ouverte à deux dimensions (car ce sont des barres qui se croisent) dont GS1 s’est emparée pour offrir de nouveaux cas d’usage. GS1 l’a enrichie, “augmentée” du “langage standardisée GS1”. Ainsi est né le QR Code augmenté GS1, qui conserve les fonctionnalités du code-barres tout en y ajoutant de la profondeur d’usage.
Didier Veloso : A l’instar du code-barres, le QR Code augmenté GS1 permet toujours de capturer le GTIN et les données statiques du produit qui y sont associées. En revanche, contrairement au code-barres qui nécessite un scanner ou une application spécifique sur le téléphone pour être lu, le QR Code augmenté GS1 peut être lu directement par l’appareil photo d’un smartphone (donc par les consommateurs) et contient une adresse URL qui créé un lien vers des contenus en ligne, ce qui permet aux marques de l’utiliser pour renforcer l’engagement consommateurs. Enfin, contrairement au code-barres, le QR Code augmenté GS1 peut également capturer des données dynamiques telles qu’un numéro de lot ou une date limite de consommation. Cela ouvre la voie à une automatisation et à une digitalisation accrues des processus, notamment lors du passage en caisse où ces informations seront lues instantanément (rendant ainsi possible le retrait rappel automatique par exemple).
Cédric Lecolley : Tout le langage GS1 sera embarqué dans le QR Code augmenté GS1 (via le standard GS1 Digital Link). Nous “augmentons” en effet cette technologie en y intégrant nos standards pour en faire un outil universel, capable d’être lu et interprété par tous les systèmes de caisse dans le monde entier produisant un langage, une “grammaire” universelle à l’intérieur de ce QR Code augmenté GS1. Cette approche garantit que les informations contenues dans ce dernier sont accessibles et compréhensibles partout, tout en permettant toujours le passage en caisse. Nous sommes donc à l’aube d’un changement fondamental : si le codebarres avait été conçu pour une économie linéaire, avec une identification simple du produit pour faciliter sa commercialisation, le QR Code augmenté GS1 s’inscrit dans une logique d’économie circulaire, tout en conservant le cas d’usage clé du passage en caisse. Il permettra de suivre un produit dans toutes ses dimensions : origine des matières premières, empreinte carbone, recyclabilité ou prolongation de sa durée de vie.
Quelles sont les premières étapes de cette transition ?
Didier Veloso : On estime que cette migration du code-barres vers le QR Code augmenté GS1 concerne un milliard environ de références dans le monde. Autant dire qu’elle se fera progressivement pour ne prendre aucun risque. Le seul jalon aujourd’hui pour cette migration, c’est celui que les distributeurs se sont fixé au niveau international : que tous les systèmes de caisse puissent lire le QR Code augmenté GS1, en plus du code-barres, à horizon fin 2027. Cette évolution ne signifie donc pas l’abandon immédiat du code-barres ni que tous les industriels doivent absolument avoir le QR Code augmenté GS1 sur leurs emballages à fin 2027.
Cédric Lecolley : En effet, cette transition implique tout d’abord une mise à jour des systèmes de caisse afin que ceux-ci soient en mesure de lire à la fois les codes-barres et les QR Code augmenté GS1. La migration étant progressive, cette cohabitation est indispensable : il est impossible de changer du jour au lendemain une technologie scannée en caisse quotidiennement 10 milliards de fois. Les deux systèmes coexisteront encore pendant plusieurs années (cinq à dix ans). Cela laisse le temps aux distributeurs et aux fabricants de s’adapter. Certains distributeurs, tels que Monoprix en France, sont déjà en train de déployer leurs caisses pour lire le QR Code augmenté GS1.
Et quelles sont les premières étapes de cette transition pour les marques ?
Cédric Lecolley : La première étape consiste à apposer à côté du code-barres le QR Code augmenté GS1. Cette “cohabitation” va durer plusieurs années. C’est relativement simple à mettre en œuvre dans la mesure où cela nécessite simplement d’adapter les emballages, dans le cadre des rénovations packaging. C’est le “costume” qui change, pas l’identité du produit. Le code utilisé pour identifier l’unité de besoin reste le même : les entreprises n’ont donc pas à engager une nouvelle identification de leurs articles, et c’est une bonne nouvelle car cela aurait représenté un travail colossal ! Le code porteur de l’identité du produit, élément premier et structurant du commerce reste intact : c’est bel et bien son mode de capture qui est modifié pour lui permettre d’être utilisé avec des technologies nouvelles (du web), qui permettront d’aller chercher un nombre augmenté de données. Par analogie c’est comme si nous étions en train de passer du téléphone fixe qui sert uniquement à appeler (de même que code-barres va chercher le prix en caisse) au téléphone portable qui sert à faire beaucoup plus de choses que simplement téléphoner (même si “aller chercher le prix” restera toujours la fonction première du QR Code augmenté GS1).
Didier Veloso : En adoptant le QR Code augmenté GS1, les marques et les marques distributeurs peuvent d’ores et déjà commencer à offrir à leurs consommateurs du contenu, de nouvelles expériences, des tutos… bref, à accroître l’engagement et la fidélité de leurs consommateurs. Il faudra néanmoins leur proposer un contenu de qualité et rendre le QR Code augmenté GS1 bien visible en insistant sur un “scannez moi !”. Grâce au QR Code augmenté GS1, les marques pourront également répondre à des exigences réglementaires. Prenons les cas des vins et des spiritueux par exemple : la réglementation entrée en vigueur en décembre 2023 autorise pour la première fois à déporter un certain nombre d’informations (nutritionnelles, ingrédients, etc.) obligatoires à fournir au consommateur : en scannant un QR Code augmenté GS1, le consommateur aura accès à ces données sans que celles-ci figurent sur le packaging.
Quels seront les autres cas d’usage au-delà de l’engagement consommateurs ?
Didier Veloso : Les entreprises pourront envisager l’intégration dans leur QR Code augmenté GS1 de données dynamiques, des données variables, comme un numéro de lot ou une date limite de consommation, pour rendre le retrait-rappel automatique en caisse, par exemple. De même avec les dates limites de consommation : si le magasin décide de proposer une promotion sur un article arrivant en date limite, ce sera automatiquement pris en compte, il faudra simplement en informer le consommateur en rayon, ce qui existe déjà.
Cédric Lecolley : Pouvoir capturer des données dynamiques est en effet une évolution majeure. Le QR Code augmenté GS1 permettra d’automatiser des processus comme la gestion des rappels ou des promotions... Cette granularité beaucoup plus fine offrira de nombreux avantages tout au long de la chaine de valeur : par exemple, lutte contre le gaspillage alimentaire grâce à une meilleure traçabilité, recyclage, etc. En magasin, le QR Code augmenté GS1 offrira également des outils d’information renforcés pour les vendeurs qui pourront répondre aux attentes des clients de plus en plus en quête de transparence et de données détaillées sur le produit. En revanche, cette étape nécessitera des investissements industriels, car ces QR Codes augmentés GS1 devront être imprimés directement sur les lignes de production.
Quels seront les bénéfices pour les consommateurs ?
Didier Veloso : Nous l’avons dit, le QR Code augmenté GS1 peut enrichir considérablement l’expérience client. En scannant un produit, le consommateur accédera à des informations : tutoriels, recettes, conseils d’entretien ou encore données sur l’origine et l’impact environnemental du produit. Par exemple, une casserole dotée d’un QR Code augmenté GS1 pourrait renvoyer à des vidéos expliquant l’utiliser de manière optimale ou un bénéfice particulier. En outre, les informations accessibles via le QR Code augmenté GS1 peuvent être mises à jour en temps réel, sans besoin de modifier l’emballage. Cela procure une flexibilité inédite aux marques qui peuvent adapter leur message selon les besoins ou les événements, comme une promotion ou une nouvelle réglementation.
Cédric Lecolley : Le QR Code augmenté GS1 permet également une personnalisation accrue. Selon la langue du smartphone ou les préférences de l’utilisateur, les contenus affichés pourront s’adapter automatiquement. Cela crée une interaction directe entre la marque et le consommateur, renforçant leur lien et ouvrant de nouvelles opportunités de marketing ciblé : autrement dit réintermédier le produit avec son consommateur. Aux marques de s’emparer de cette opportunité et d’apporter les informations et les contenus qu’elles jugent pertinents pour renforcer l’engagement consommateur.
Le QR Code augmenté GS1 sera donc aussi un outil pour une économie circulaire…
Didier Veloso : En effet ! Le code-barres est un peu comme le symbole d’une économie linéaire, où le produit est conçu, vendu, consommé, puis jeté. Le QR Code augmenté GS1, lui, devient l’emblème d’une économie circulaire. Il permet de raconter l’histoire complète d’un produit : son origine, son empreinte environnementale, ses possibilités de recyclage ou encore ses recommandations d’usage pour prolonger sa durée de vie. Nous disposons de l’outil, à l’ensemble de la filière d’inventer de nouveaux usages.
Cédric Lecolley : Ce qui est fascinant avec le QR Code augmenté GS1, c’est sa flexibilité. Contrairement au code-barres qui est figé, il peut évoluer avec le temps et s’adapter aux besoins des entreprises et des consommateurs. Cette transition ne se fera pas du jour au lendemain, mais elle est inéluctable. Le QR Code augmenté GS1 ouvre un champ immense de possibilités pour réinventer le commerce et répondre aux enjeux de demain. Le commerce mondial entre dans une nouvelle ère. Le QR Code augmenté GS1 ne se contentera pas de remplacer le codebarres : il redéfinit les bases mêmes de l’échange entre les produits, les marques et les consommateurs.