En ce dernier trimestre 2024, la marque américaine lance une collection de machines à expresso premi
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Stratégie de marque : Et si vous rendiez vos clients accros ?
Fidéliser ses clients est une chose. Développer une relation durable qui dépasse la raison avec eux en est une autre. Comment devenir une marque ou une enseigne fétiche ? Éléments de réponses avec des love brands établies ou en devenir.
Procurer une expérience client de qualité est bien entendu essentiel pour une enseigne ou une marque.
Mais pour conquérir
le consommateur et vous transformer en une évidence pour lui,
améliorant ainsi la rétention client et le chiffre d’affaires (les marques aimées se développent 3 fois plus vite, selon KPMG Forrester), il convient
de mettre en place une démarche quasi de l’ordre du registre amoureux.
Car c’est bien de passion dont
il est ici question ! Attirer, charmer, séduire : c’est possible, à
condition de mettre en place
une stratégie de marque adaptée et de trouver sa propre recette. Instaurer une connexion
émotionnelle avec ses clients
n’est pas qu’une question
d’héritage, de mémoire ou
de savoir-faire, ni de niveau
de gamme. Qu’on se le dise,
pour devenir une marque ou
un enseigne “chouchou”, il faut
avant tout être unique et suivre
sa propre voie : autrement dit,
inspirer et formuler une proposition avec du relief. Dans
le secteur des arts de la table
et culinaires, ces marques
se nomment par exemple
Duralex, Opinel, KitchenAid,
Peugeot, Le Creuset, ou encore Degrenne, Cristel…
Premier prérequis, et les marques qui ont déjà conquis le cœur des clients le savent bien, le consommateur doit être au centre de la réflexion. « La priorité pour devenir et rester une love brand est la relation instaurée avec le consommateur et le respect que la marque témoigne à celui-ci, à la manière dont on respecte son partenaire en amour », résume Françoise Detroyat, directrice marketing et communication d’Opinel. En effet, au-delà de passer un moment agréable, le consom - mateur, ou plutôt le fan, attend une relation d’égal à égal et surtout se sentir compris. La relation client est donc cruciale car c’est elle qui permettra de toucher à la dimension affective, et « cela va au-delà de la satisfaction utilisateur », observe Floriane Ravard, en charge du mar - keting et de la communication de Big Green Egg en France. « La love brand est une marque qui fait attention à ses clients et nourrit un rapport davantage dans l’horizontalité, moins la verticalité, détaille Vincent Grégoire, directeur consumer trends & insights de l’agence de conseil en stratégie Nelly Rodi. Preuves d’amour, récompense, écoute, bienveillance : elle manifeste de la considération à ses clients (invitations VIP, demande d’avis sur un développement) mais pas à la façon d’un algorithme et sans rapport de domination. Le client sait pouvoir trouver auprès d’elle du conseil, le récit de son histoire, voire se confier. » Pour un commerce ou un enseigne, c’est l’opportunité de prendre un visage plus humain, plus sensible : « Cela revient à renouer avec la dimension première du commerce (accompagnement, pédagogie, conseil, valeur ajoutée, lien social), sans se contenter de stocker et de vendre des produits, poursuit Vincent Grégoire (Nelly Rodi).
UNE LOVE BRAND C’EST QUOI ?
Une love brand est une marque qui a réussi à tisser des
liens affectifs avec ses consommateurs. Ce concept est issu
d’un ouvrage de 2004, Lovemarks, le nouveau souffle des
marques, rédigé par Kevin Roberts, ex-PDG de l’agence
de publicité Saatchi & Saatchi. Il y explique que dans un
contexte d’uniformisation de l’offre et de plus grande
sélectivité des clients, les marques doivent fidéliser
en activant 3 piliers : le mystère, la sensualité et l’intimité.
Objectif : instaurer une relation passionnelle avec les clients
qui dépasse la simple fidélité.
Pour cela, il est essentiel de bien connaître ses clients, son écosystème. Et surtout d’exprimer une singularité, une personnalité et de vrais partis pris plutôt que d’entrer dans un moule où tout est stéréotypé : il faut une dimension “feel good”, de petites particularités qui confèrent un charme. Raison pour laquelle l’exercice est un peu plus complexe pour une franchise que pour un commerce indépendant, à moins d’avoir la possibilité d’apporter sa patte au concept. »
POURQUOI SE FAIRE AIMER ?
Selon l’étude “Love brands, quand les marques durables
gagnent le cœur des consommateurs” menée en 2022
par Talwalker et Hootsuite, être une love brand présente
3 principaux atouts business :
> 86 % des clients dépensent davantage pour une marque
qu’ils aiment (source : Khoros) ;
> une promotion par le bouche-à-oreille 3 fois plus
importante (source : Forbes) ;
> un changement de paradigme en matière de fidélité avec
75 % de consommateurs à avoir changé leurs habitudes
d’achat durant la pandémie et plus disposés à changer
de marque (source : McKinsey).
C’est précisément pour se rapprocher de ses clients que Cuisine Passion est devenu Bracconi il y a deux ans.
La nouvelle page qui s’écrit
pour cette enseigne et le développement qui s’amorce pour son réseau
se fonde sur les valeurs de plusieurs générations de commerçants intimement mêlées à une histoire familiale. « Nous sommes attachés au
fait que les clients passent un moment privilégié chez Bracconi, illustre
Michael Zarb. Nous ne vendons pas qu’un produit mais un moment
réconfortant, un supplément d’âme. Nous offrons des cafés et invitons
les curieux à venir voir le résultat des ateliers culinaires qui tournent tout
au long de la journée et diffusent une odeur appétissante… J’adore
lorsque des personnes entrent chez nous juste pour saluer une de nos conseillères. Quand on en est là, on a gagné le client, et cela grâce à
une stratégie la plus naturelle et la plus personnalisée possible. »
Car si un terme se démarque par sa récurrence, c’est celui de sincérité :
« C’est une exigence absolue, la condition sine qua non pour inscrire le
relationnel dans la durée, avertit Dominique Garréta, directrice marketing
et développements de Peugeot Saveurs. Et plus les années passent,
plus les consommateurs sont avertis et plus ils sanctionnent le manque
de sincérité. » « Le client est sensible à l’honnêteté de la marque, et à
la cohérence entre sa communication et ses actes, confirme Françoise
Detroyat (Opinel). Le pur marketing non fondé sur quelque chose de
vrai convainc plus difficilement désormais. »
Pour Grégory Maître, fondateur de Cookut, marque suivie par 120 000 followers sur Instagram, le succès trouve son origine dans le cœur du projet
de l’entreprise : « Avant même de songer à être une love brand, nous
voulions surtout être une love company où les salariés aiment travailler et
en laquelle les fournisseurs aient confiance, explique-t-il. RSE, qualité de
vie au travail, volonté de favoriser une vie quotidienne et joyeuse… Nous
ne faisons finalement que prolonger les valeurs appliquées en interne. »
TOCADE OU RELATION DURABLE ?
Ne pas se travestir, rester fidèle à ses valeurs : des critères cruciaux
pour inscrire dans la durée la connexion émotionnelle avec ses clients
et garder ce cap. « Le risque de se tromper est permanent, reconnaît
Sébastien Zott, directeur général de Peugeot Saveurs.
Et nos responsabilités sont d’autant plus grandes quand on œuvre pour une marque comme Peugeot qui porte un tel héritage : les attentes en face sont de taille ! » Attention donc à l’effet coup de foudre ou buzz : tous s’accordent sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas d’une voie royale vers le statut de love brand. « Il y a une intensification de la relation à la love brand, particulièrement chez la jeune génération, observe Vincent Grégoire (Nelly Rodi). Avant, “on aimait bien”. Désormais, “on adore”, avec une dimension plus charnelle. Avec les consommateurs plus âgés, le recrutement est certes plus délicat mais une fois ceux-ci apprivoisés, ils restent fidèles. Avec les jeunes, c’est plus rapide, plus intense, avec des phénomènes de fanbase, mais aussi plus volatile et éphémère. » Alors comment être davantage qu’une passade, et continuer à recruter de nouveaux fans ?
Une question également permanente pour les love
brands établies, car rien n’est jamais acquis, en particulier avec l’émergence de réseaux qui ont bouleversé le paysage marketing. « C’est un
travail de tous les jours, reconnaît Yann Beuzet (KitchenAid). Une image
et une stratégie de marque se lisent sur plusieurs années. Pour cela,
il est important de maintenir un cap précis sur la durée et d’anticiper
les tendances. »
« Tous les jours, nous préparons les 200 prochaines années, explique
pour sa part Dominique Garréta (Peugeot Saveurs). Au-delà d’un devoir
d’exigence vis-à-vis de l’héritage de l’entreprise, c’est travailler autour
de 3 piliers que sont la RSE, les produits et la communication : être
congruent autour d’un focus commun – la gastronomie et les instruments du goût – et cela se travaille dans le temps, et non dans une
démarche de créer la tendance continuellement. »
Chez Opinel, une démarche qui conjugue amélioration constante du
savoir-faire (qualité de coupe, process de fabrication toujours plus vertueux) et récit de la marque enrichi d’anecdotes en utilisant les nouveaux
médias permet de nourrir la légende. Car les outils d’aujourd’hui se
révèlent de précieux alliés pour entretenir la flamme, et animer la communauté dont les membres, dans le cas d’une love brand, deviennent
les ambassadeurs naturels. Big Green Egg qui fêtera l’an prochain
ses 50 ans et arrivé en France en 2015, bénéficie par exemple d’une
communauté d’utilisateurs très engagés, notamment animée via à une
application de recettes communautaires (avec la possibilité de créer
un ou des groupes et d’être membre de l’académie culinaire de la
marque). « Notre fan shop fonctionne très bien, l’egg étant un objet de
désir autour duquel chaque propriétaire réunit ses proches », souligne
Floriane Ravard (Big Green Egg).
L’ÉMOTION, AVANT OU APRÈS LA FONCTION ?
Pour être associé à une love brand, le positionnement est essentiel : c’est en effet lui qui conférera l’image à la marque et déterminera sa place dans l’esprit du consommateur.
Cookut a pour sa part adopté une
stratégie consistant à favoriser l’émotionnel à la technicité des produits.
« La cuisine est dominée par le discours fonctionnel, fait valoir Grégory Maître. Cookut n’ayant pas forcément d’héritage à mettre en avant,
nous avons pris le contrepied, avec une approche marketing fondée sur
l’émotion, un produit qui privilégie le jeu, la gourmandise, la surprise…
Nous vendons une promesse d’usage, une expérience agréable ! » Un
choix marketing qui explique le fait que les magasins culinaires ne représentent que 20 % des 1 500 clients BtoB de la marque, très représentée
dans les concept-stores, les boutiques cadeaux…
Chez Peugeot Saveurs dont l’ADN se caractérise par l’ingéniosité des
produits et l’innovation, une communication plus émotionnelle est mise
en place depuis quelques mois afin d’illustrer la relation entre la marque
et ses clients, avec un accent sur les moments partagés par ces derniers : « Si les gens sont heureux entre eux avec un produit Peugeot,
c’est cette part de bonheur que le consommateur peut s’approprier,
décrypte Dominique Garréta. Nous montrons des moments gais, enjoués qui accentuent la qualité de la relation avec nos clients. »
ET LA RSE DANS TOUT ÇA ?
L’étude “Love brands, quand les marques durables gagnent
le cœur des consommateurs”, menée en 2022 par Talwalker
et Hootsuite, met en évidence que « les 50 marques les plus
aimées en 2022 sont des leaders en matière de durabilité
environnementale, sociale et économique. » Des critères
de plus en plus importants lorsqu’il s’agit d’instaurer la
confiance et où le rôle des marques à construire un monde
plus sûr est reconnu. Alors à la question “les love brands
doivent-elles être RSE ?”, Vincent Grégoire (Nelly Rodi)
répond : « Ça n’est pas une obligation dès lors que ça ne
correspond pas à leur esprit : il ne faut pas essayer de faire
entrer des ronds dans des carrés. Cependant, elles sont
obligées de faire preuve d’une certaine conscience. La RSE
démontre une certaine bienveillance et une volonté de faire
du bien à autrui. »
SUSCITER DES ÉMOTIONS POSITIVES
Le propre d’une love brand est en effet de proposer des articles qui
procurent de la joie. C’est d’ailleurs l’essence même de la marque Hoptimist, dont le nom (contraction de “hop” et “optimiste”) est plus qu’évocateur. Rachetée par le groupe F&H en novembre 2021 et relancée
sur marché français en septembre 2022 lors du salon Maison&Objet,
elle fait son retour en force sur le marché déco/cadeau, avec l’objectif
de reproduire le schéma qui est le sien au Danemark. Bimble, Bumble
et Birdie sont en effet des icônes du design dans leur pays d’origine,
nés à la fin des années 1960 de l’imagination de Hans Gustav Ehrenreich, tourneur sur bois. Ce dernier les a imaginés dans l’unique but
de répandre de la joie à la suite de guerres et de périodes de tension.
« Avec son côté humain et bienveillant, ce petit personnage a vocation
à apporter du plaisir et faire sourire », explique Maryse Petitpas, brand
activation manager qui a rejoint le groupe F&H au printemps dernier. Reconnaissable entre tous et cependant difficilement descriptible, la
figurine se définit par elle-même : « Sa force réside dans le fait d’être
sa principale ambassadrice, concurrençant ainsi la bouteille de vin ou
le bouquet de fleurs, résume Louis Ribet, dirigeant de F&H France. Un
Hoptimist s’offre à soi et beaucoup aux autres, une petite attention pour
tout le monde, avec un premier prix aux alentours de 16 €, jusqu’à la
version luxe à 80 € environ. » Un beau produit, un design affirmé et
du sourire : la recette pour transformer Hoptimist en love brand ne se
limite pourtant pas à cela. Elle doit aussi parler à tout le monde : mariés,
étudiants, propriétaires d’animaux de compagnie… En France, une importante campagne de communication est instaurée depuis plusieurs
mois sur les réseaux sociaux afin d’insuffler un sentiment de familiarité
avec les silhouettes des figurines Hoptimist chez les consommateurs.
La marque qui cherche des partenaires de distribution (concept-stores,
belles boutiques cadeaux, e-commerce, magasins de meubles), s’inscrit dans les tendances du moment en proposant des collections aux
matériaux éco-responsables (bois FSC) et un Hoptimist en liège est
attendu pour début 2024.