Pour attirer de nouveaux talents ou faire face aux nouveaux arrivants, de la conception aux choix de
À Ardon (Loiret), près d’Orléans, l’établissement ouvert par le chef Christophe Hay en 2018 s’inscrit dans son environnement de chasse et de forêt et propose une cuisine de terroir au plus proche de la nature. Associé au jeune chef Loïs Bée et à sa compagne Chloé Matter (directrice de salle) depuis 2024, l’art de la table y tient une place de choix.
Au printemps 2022, après avoir enchaîné une sixième saison consécutive entre les Hautes-Alpes et le Cantal et obtenu le trophée Création & Saveurs, Loïs Bée, alors en congés avec sa compagne Chloé Matter, reçoit un appel qui change radicalement son avenir. À l’autre bout du fil, le chef Christophe Hay (2 étoiles rouges et l’étoile verte au guide Michelin pour son restaurant éponyme à Blois), lui propose de diriger les cuisines de son établissement La Table, situé à Ardon. Une région que le jeune chef connaît bien car il y a grandi et ses parents y résident toujours.
« Quand j’ai quitté l’Orléanais, celle-ci était en perte de vitesse au niveau gastronomie, confie Loïs Bée. Christophe Hay a énormément fait pour lui donner une nouvelle dynamique. J’avais beaucoup d’admiration pour ce qu’il avait mis en place : les poissons de Loire, les circuits ultra-courts, la mise en avant de la Sologne et de son terroir, c’était et c’est toujours très inspirant. Je n’avais jamais travaillé directement avec lui avant de rejoindre La Table, pour autant, nous avons énormément de similitudes sur toutes ces grandes lignes directrices que je viens d’énumérer. »
CUISINE ET SERVICE EN DUO
C’est avec sa compagne Chloé Matter, directrice de salle, que le chef Loïs Bée œuvre au quotidien. Lui déploie son plein potentiel derrière les fourneaux tandis qu’en salle, les gestes de Chloé Matter complètent l’expérience. Celle-ci magnifie la découpe des viandes et des fromages et vient toujours apporter une finition (un ingrédient ou un flambage). Dans la grande salle (40 couverts) décorée par Caroline Tissier, la cuisine ouverte rend dès l’arrivée l’endroit chaleureux.
« Tout est dans les teintes gris et beige, le tout rehaussé d’or par touche comme les pieds de tables qui sont mis en valeur grâce à un choix de nappes blanches Garnier-Thiebaut qui s’arrêtent net sur les contours du plateau, détaille la directrice de salle. Le système d’attaches est breveté, pour une table sobre et épurée. Il n’y pas le côté tombant de la nappe qui demande du repassage, mais il reste le côté doux du tissu qui habille uniquement le plateau et révèle le reste. »
PASSION CÉRAMIQUE
Sur chaque table, les clients sont accueillis par un photophore de la céramiste Annie Cosson, d’un verre à eau de Zwiesel Glas, d’une composition florale en provenance de la fleuriste et voisine qui change chaque semaine, ainsi que d’une assiette de présentation bleue soulignée d’une bordure dorée (photo 1). Signée la Manufacture de Monaco, la gamme provient d’un ancien établissement de Christophe Hay. Façon upcycling, elle a été remise au goût du jour, pour s’insérer dans l’univers de l’établissement par l’Atelier Vitalis à Blois (Loir-et-Cher). « La céramiste Valérie Radix imagine des services pour les chefs dont notre établissement. Outre des créations contemporaines, elle fait de la pose d’or comme sur ce service où nous lui avons demandé d’ajouter un liseré doré, explique Loïs Bée. C’est une amie de Christophe Hay qui nous conseille beaucoup et qui partage avec nous ses contacts. »
Très créatif, le chef a d’ailleurs effectué un stage avec Valérie Radix. À ses côtés, il a imaginé une nouvelle assiette décentrée sur le côté gauche et rehaussée d’une dorsale d’esturgeon aux pointes d’or dédiée à présenter un carré d’esturgeon à la façon d’un carré d’agneau. Tandis que des tasses et un beurrier sont en préparation, également réalisés par l’Atelier Vitalis. « Je suis quelqu’un qui aime aller jusqu’au bout d’un plat avec un art de la table sur-mesure, confie-t-il. Travailler avec l’Atelier Vitalis est une chance. Comme pour la cuisine, c’est un métier de passion où la cuisson à toute son importance. »
ASSIETTES EN STOCK
L’art de la table a donc toute son attention au sein de l’établissement. « La gastronomie c’est d’abord du visuel, puis vient l’odorat, suivi par le goût, tout a son importance, souligne-t-il. J’ai un véritable attrait pour dresser et élaborer un plat visuellement et l’assiette y tient une place de choix. » Parmi ses noms de prédilection, Loïc Bée cite la manufacture familiale de porcelaine Jacques Pergay, aujourd’hui dirigée par la fille du fondateur, Aurélie Pergay. « Nous l’avons rencontrée sur le Sirha et nous avons eu un coup de cœur pour la personne et le savoir-faire de l’entreprise », souligne-t-il.
Le chef utilise en autre l’assiette dîner Herbes Folles avec des gravures qui couronnent le centre de l’assiette pour créer un soleil (notamment pour le tartare wagyu myrtilles [photo 2]) ou encore le modèle Fleur. Une assiette qui, comme son nom l’indique, est en forme de fleur et peut aussi être une coupe, voire un plateau apéritif en l’utilisant à l’envers. Chaque pièce est unique en aile biscuit. Le chef y dresse le dessert Fraises ciflorettes, crémeux à la tanaisie sauvage (photo 3).
Autre coup de cœur pour la maison de porcelaine italienne Royale dont les assiettes accueillent les plats Tian d’Aspe (photo 4) et Cannelloni (photo 5). « L’un des bords de l’assiette est légèrement relevé et la porcelaine offre des effets de textures intéressants, souligne le chef. J’aime quand l’art de la table se met au service du service en salle, cela crée davantage d’échanges avec les clients. » Et si l’éclat blanc de la porcelaine domine en salle, il y a des exceptions comme avec ces assiettes naviguant entre le bleu et le vert, réalisées par le céramiste Cyril Dennery. En grès mixte chamotté, elles accueillent le plat Silure (photo 6). « J’aime choisir la vaisselle par rapport au terroir. De même, je n’utilise jamais la même assiette deux fois dans un menu », poursuit-il.
TOUCHE FINALE
Et pour parfaire l’expérience, les clients dégustent avec de l’argenterie Christofle et des couteaux fabriqués spécifiquement par la manufacture Arbalète G. David à Thiers avec des lames gravées Christophe Hay et des manches réalisés dans différentes essences de bois (photo 7). Aux côtés du verre à eau de chez Zwiesel, les verres à vin viennent tout juste d’être changés. « Nous avons tout testé et nous avons privilégié trois marques différentes, explique Loïs Bée. Les grands verres à vin rouges soufflés à la bouche proviennent de la jeune marque française Sydonios.
Ils sont conçus pour capturer les nuances subtiles des grands vins et sublimer la dégustation. Quant aux verres à vin blanc, ils sont signés Riedel. » Enfin, touche originale, le repas se conclut par une invitation à prendre une infusion dont les herbes aromatiques proviennent du potager du chef. « Il contient une dizaine d’aromates et je les cueille chaque jour avant le service pour la cuisine et les infusions », poursuit le chef. Présentées dans des bulles en verre disposées chacune sur une base dorée (photo 8), le tout réalisé par Silodesign, celles-ci sont proposées fraîches aux clients qui choisissent selon leur envie du moment. Chaque aromate est alors broyé puis infusé directement devant le client avant d’être servi. Étonner tout en sobriété, voilà tout l’art de La Table.