Selon les estimations de la Fédération du e-commerce et de
la vente à distance (Fevad), le marché du e-commerce a dé-
passé 80 milliards d’euros en 2017 et maintenu un niveau de
croissance avoisinant 14 %. En particulier, la part des ventes internet
réalisées sur mobile continue d’augmenter fortement (+ 60 %).
Celles-ci pèsent déjà plus de 15 % du chiffre d’affaires des sites
e-commerce et plus de 25 % des sites leaders. Les GAFA (Google,
Amazon, Facebook, Apple), eux aussi, impactent les comportements,
incitant les marques et les distributeurs à redéfinir leur stratégie.
Certes, l’essor du digital accroît le commerce Internet, mais il est
aussi une opportunité pour les magasins. Pour Mastrad, par exemple,
l’objectif, via le digital, est de communiquer plus facilement avec les
points de vente et de drainer du trafic dans les magasins. « Auparavant,
la force de vente était l’unique lien. Désormais, les magasins peuvent
réserver une animation avec un chef, une formation vendeur ou une promotion
en quelques clics », commente Grégoire Provost, responsable
digital et e-commerce de Mastrad. Et de souligner l’efficacité d’une
newsletter pour fluidifier les échanges.
Eric Holzinger, directeur général du réseau EK France, met pour sa
part en avant une approche digitale globale, qui concerne la partie
client (BtoC), ainsi que les associés (BtoB), avec une volonté de faciliter
les échanges d’informations entre les marques et les magasins.
Le premier chantier consiste en effet à créer une base de produits
unique susceptible d’être alimentée par les marques, avec la mise à
jour des tarifs. « Un travail commencé avec plusieurs marques, et pour lequel le projet EDI de la Confédération des arts de la table –
monté pour standardiser les données
–, nous aide », observe Eric
Holzinger. Le réseau EK s’appuie
aussi sur les nouveaux
outils pour investir sur le capital
humain : « La formation
sera digitalisée via un projet de
e-learning en 2018, à destination
du personnel en magasin.
Le présentiel perdure, mais l’idée
est d’augmenter les fréquences de
formation. »
Autrement dit, une
opportunité de faire monter
en compétence les équipes en
magasin permettra à celui-ci
de se différencier d’Internet,
en misant toujours sur le
conseil et l’échange.
Apporter une forte valeur perçue
Avec son service 1/X, Bubbles Company propose au client une chance sur X de se voir rembourser ses achats.
« Vers 2013, nous avons commencé à parler omnicanal, mais le constat était que les gens en parlaient, mais personne ne passait à l’action, raconte Christophe Vattier, CEO de Bubbles Company, citant quelques-uns des services qui ont émergé : les tablettes vendeurs, pour leur permettre d’améliorer le rapport humain, le clienteling ou le click & collect… « Nous sommes aux balbutiements du digital in store », analyse le dirigeant, dont la société cherche à réinventer la promotion en magasin.
Un exemple concret d’offre consiste à proposer au client, via son mobile, une chance sur 10 de partir sans payer. «C’est un principe simple, qui ne coûte pas plus cher que de proposer 10 % de réduction. Or, une promotion de 10 % ne fait plus déplacer quiconque.
Aujourd’hui, quand on pousse de la publicité ou du couponing, les consommateurs pensent que c’est du spam. Notre proposition est de trouver des usages qui ont une forte valeur perçue »
De bons résultats pour la réservation
Le groupe Findis travaille également sa stratégie digitale. « Nous distinguons
le multicanal, par lequel nous permettons à nos prospects/clients de nous
rendre visite en magasin et sur Internet, et le web-to-store, qui dirige le client
d’Internet en magasin », explique Virginie Geslin, responsable marketing
digital chez Findis. Le groupe mise beaucoup sur la géolocalisation
et la proximité. Depuis le site chapeau de l’enseigne,
l’internaute peut se géolocaliser pour accéder à l’un des 130 sites
e-commerce Cuisine Plaisir. « Nous proposons un store locator sur lequel
nous présentons tous nos magasins
avec des fiches pratiques, décrit
Virginie Geslin. Au niveau de
la stratégie de référencement national
et du SEO (Search Engine
Optimization), nous jouons la
carte géolocalisation : nous nous
positionnons sur des mots-clés
fondés sur la cuisine, et travaillons
à être présent sur Google au
niveau des villes où nos magasins
sont implantés. » Ainsi, par
exemple, l’internaute qui tape dans Google “poêle Beka” +
le nom de ville où l’enseigne est présente, aura des chances de voir
le magasin apparaître sur la page de résultats. L’enseigne offre par
ailleurs d’acheter en ligne ou de réserver gratuitement un produit
sur le site Internet.
Deux actions qui permettent un retrait en magasin ou une livraison à domicile sous 48 heures. « La réservation
fonctionne très bien », note Virginie Geslin. D’autant que le système
n’est pas engageant : l’internaute intéressé par un produit remplit
un formulaire avec ses coordonnées, et il est rappelé par le magasin :
« Ce service est davantage plébiscité que l’achat en ligne et correspond
bien à notre modèle, dans lequel les vendeurs sont des experts-produits »,
souligne Virginie Geslin.
Mastrad, pour sa part, mise sur des sites Internet dédiés, autour
de produits, qui renvoient vers les points de vente physiques.
« Avant, nous avions un site internet Mastrad qui vendait les produits.
Aujourd’hui, j’achète de la publicité sur Google, les internautes cliquent
dessus et choisissent leur magasin », explique Grégoire Provost, citant
l’exemple du site https://www.oplancha.co/ dédié à ce produit et
listant les revendeurs.
L'indispensable accès mobile
Parmi les outils développés pour permettre au client d’être en
contact avec l’enseigne, le groupe EK a lancé des applications
smartphone. Le client trouve sur l’application Ambiances &
Styles les informations qui le concernent : fidélité, historique
des achats, la garantie des produits, etc. Il faut dire qu’au vu du
pourcentage de trafic sur le téléphone et de sa croissance, les
fabricants et les distributeurs se doivent aujourd’hui de donner
cet accès aux produits.
Virginie Geslin (Findis) énonce des
résultats dans les standards du marché : « Cuisine Plaisir, c’est
environ 40 % du trafic par situation de mobilité (tablettes et site
mobile), et c’est en croissance forte. En octobre 2017, nous avons eu
45 % de trafic mobile – 30 % sur le site mobile, 15 % sur tablette – et
55 % sur ordinateur. » A son arrivée chez Degrenne en 2017, la
directrice de marque Blandine Franc, a constaté, avec son DG
Thomas Mulliez, que le site, performant en termes de vente, ne
représentait pas forcément bien la marque.
Depuis septembre, la situation est rétablie. « Le
nouveau site est 100 % responsive
: accessible mobile,
tablette, etc. Pour les marques,
c’est normal, mais pour Degrenne,
c’est nouveau ! », souligne Blandine
Franc.
Ce site valorise
l’histoire du fabricant et met
en scène la campagne dédiée
à ses produits signés Philippe
Starck.
Facebook : Optimiser son utilisation
En marge du Salon du commerce intelligent (Conext, octobre 2017 à Lille), Pauline de Régis,
responsable de l’accompagnement des TPE/PME de Facebook France, a prodigué à l’auditoire
quelques conseils pour exploiter au mieux les fonctionnalités de l’outil.
Premier constat : les applications de messagerie créées pour communiquer entre amis sont
maintenant utilisées pour contacter les marques ou un magasin, avec pour conséquence,
un plus fort besoin de réactivité. Sur Messenger, les entreprises peuvent intégrer
un message automatique, de type « nous reviendrons vers vous rapidement… ».
Et dans le cas de questions récurrentes : « Nous avons bien reçu votre message, si vous avez
telle ou telle question, voici la réponse… ».
Deuxième constat : la communication est de plus en plus visuelle.
Les photos sont intéressantes à utiliser, plus rapidement perceptibles qu’un message écrit.
Elles doivent être belles, étudiées ; elles représentent l’image de la marque.
Une vidéo sur deux est vue sur mobile : le message de marque doit être visible
dès les premières secondes, et si possible “consommables” sans le son, en plaçant
des sous-titres, par exemple.
Et point important (et plus général) : le consommateur n’achète plus un produit,
mais adhère à une histoire. Pour une marque, il est intéressant de raconter
avec qui elle travaille, voire de montrer les coulisses de l’entreprise. Pour Pauline de Régis,
la communication du futur est
« immédiate, expressive et immersive »
Les réseaux sociaux :
une présence étudiée
En effet, Degrenne a réalisé une websérie avec des acteurs de cinéma. « Il s’agit de booster la communauté, dévoile Blandine Franc. L’actrice Frédérique Bel a 30 000 followers, Philippe Starck et Philippe Lacheau en comptent aussi beaucoup ». Les films sont visibles sur Youtube.
Un canal que KitchenAid utilise
différemment. « La chaine
Youtube est principalement
consacrée au fonctionnement
de la machine, tandis que sur
Facebook, nous communiquons
davantage sur la marque, les
opérations et les jeux concours »,
note Nathalie Lavirotte, responsable
de l’agence en charge
de la communication de la
marque américaine.
Et d’insister
sur la complémentarité
des différents médias. Depuis 2016, KitchenAid communique en
publiant des photos sur Facebook et Instagram « Nous comptons
26 000 followers et 150 000 fans, indique Aurélie Craquelin, responsable
communication digitale pour KitchenAid. Selon elle, il ne s’agit
pourtant pas d’afficher une présence tous azimuts, avançant que
l’usage de « Twitter revêt moins d’intérêt pour la marque, hormis pour
diffuser une information de lancement
».
Chez Degrenne, la
direction réfléchit à répartir le
travail sur les réseaux : « Nous
souhaiterions nous organiser ainsi :
le CEO sur Twitter, le marketing
sur LinkedIn, et la marque sur
Facebook et Instagram », confie
Blandine Franc.
Les influenceurs : des partenariats d'image
KitchenAid exploite un autre phénomène en plein essor : les influenceurs.
« Cela fonctionne particulièrement bien pour les produits
qui relèvent de la pâtisserie et les superblenders, estime Aurélie
Craquelin. Parmi ses partenaires, Hervé Palmieri (Herve
Cuisine.com), ou Bernard Laurance (www.lacuisinedebernard.
com).
Evaluer l’efficacité de ces outils revient à « mesurer les “like”,
précise Aurélie Craquelin. Pour les influenceurs, nous avons compté
200 articles sur 2017 et 2 millions de “like” ».
De ces pratiques, de nouveaux métiers (community manager, brand content manager, etc.) émergent
et les communications évoluent. « Pour travailler autour de la
marque, nous recourons une agence de e-RP, Delprat, qui repère pour nous
les influenceurs (blogs et Instagram) et propose un programme adapté »,
commente ainsi Grégoire Provost (Mastrad). Par exemple, pour un
kit de barres de céréales maison, la marque a tourné une vidéo avec
l’animatrice Farida (France 5) qu’elle a diffusé sur www.snack-m.
com. Et le réseau EK, qui travaille globalement avec Publicis, a quant
à lui récemment fait appel à une société de community management
pour gérer ses réseaux sociaux. Ces derniers permettent aux marques
et aux distributeurs d’être plus proches des consommateurs, et de
répondre à leurs questions sur la messagerie, sur Facebook, en chat
ou en message privé.
Une option qui semble un peu “froide” : « Nous
préférons que les internautes puissent appeler, ce serait dommage de faire
autrement », considère pour sa part Virginie Geslin (Findis).
Des réseaux au diapason
Alors que les différents canaux étaient auparavant parallèles,
voire concurrents, les acteurs du secteur se mettent au diapason.
« Tous les services doivent tourner autour du client, martèle
Sandrine Jean, directrice de Popai, l’association des professionnels
du marketing au point de vente. « Une promotion sur un prospectus doit
être valable en ligne. Dans la boîte aux lettres, dans la rue, sur le point de
vente… L’offre doit être partout la même : il faut tendre à ça ! » A l’heure
de l’omnicanal, les enseignes remettent à plat leurs offres internet
et physique. Mastrad s’apprête à faire évoluer l’offre produits sur le
web et celle des boutiques, courant
2018, pour qu’elles soient
différentes sur les deux réseaux.
Pour KitchenAid, qui vient de
lancer son site e-commerce, « il
s’agit d’offrir aux consommateurs
la possibilité d’acheter les produits
qu’ils ne trouvent pas en magasin.
L’idée est de toujours satisfaire le
client final ».
PLV : "Les outils digitaux doivent rendre service"
L’utilisation du digital diffère selon les secteurs. « La cosmétique est, par exemple,
à la pointe sur ce qui est techno-ludique : vitrine connectée, miroirs intelligents, etc.,
remarque Sandrine Jean, directrice de Popai. Elle proposera par exemple de simuler
un maquillage de star, pour inciter à acheter les produits utilisés. La solution digitale
comprend tout ce qui facilite la vie du vendeur, paiement mobile compris.
Des applications mobiles aident, par exemple, le vendeur à gérer ses stocks. Des bornes
(chez Leroy Merlin) permettent de voir en 3D le produit in situ.
Ce phénomène n’est pas encore visible dans le secteur de l’art de la table. « Il n’y a pas
encore de produits en réalité augmentée, pour voir la nappe avec telle couleur, etc.,
observe Sandrine Jean. Ce marché va un peu plus doucement. C’est plus facile pour Nike
de montrer une paire de baskets de différentes manières, la tourner, changer de couleurs
ou la personnaliser. » Sandrine Jean gage pourtant que cela sera plus répandu
dans 2 à 3 ans. Les tablettes interactives et les hologrammes devraient aussi se multiplier.
Les écrans sont déjà de plus en plus présents. Mais le Popai prévient ses adhérents
sur la nécessité de mettre du contenu intelligent, car les outils digitaux doivent avant
tout rendre service. Il convient d’étudier le parcours d’achat pour bien placer et alimenter
pertinemment les écrans. « A la sortie de caisse, voir le trafic routier, c’est intéressant, mais
découvrir qu’il y avait 50 % sur un produit au moment où vous quittez le magasin,
c’est irritant », illustre Sandrine Jean.
Le QR code, pour sa part, sert à récolter des données, le nerf de la guerre.
Quant à la PLV
classique, les armoires, le mobilier, etc., « ils restent les mêmes, mais doivent être
connectés, offrir de la place à un écran, une tablette, la prise de connexion, etc.
Des solutions adaptées
Les commerce de proximité
peuvent également jouer la carte
du e-commerce, même avec
des budgets réduits. Certaines
plateformes jouent le rôle d’intermédiaire
entre les boutiques
et les cyberacheteurs. Les commerçants
placent leurs produits
sur des marketplaces, et les
acheteurs viennent les chercher
en magasins. Parfois, la marketplace
organise aussi la livraison.
Sur prochetouscommerce.com
(où la boutique paye un forfait),
le regroupement s’effectue
par ville. A Caen (Normandie)
par exemple, l’application Supplyshop,
lancée en décembre
dernier, facilite le shopping en
proposant aux clients du centreville
de retirer, d’expédier ou de
stocker les achats réalisés dans les
commerces partenaires.
Les bonnes passerelles
Aujourd’hui, des marchands
dits physiques ouvrent leur
site e-commerce tandis que des e-commerçants s’installent dans les centres-villes. Car
tous ont compris que les deux mondes (physique et digital) se
répondent. Ainsi, les Galeries Lafayette, maintenant associées à
la Redoute, dans le cadre du projet de Grand Hôtel Dieu à Lyon,
où elles s’installent, visent à faire jouer à plein le “halo” observé
entre les magasins physique et digital. Et pour le pionnier de la
VPC, les e-commerçants ont besoin de se rapprocher de leurs
clients avec des magasins recréant des ambiances inspirantes.
Pour les Galeries Lafayette, l’idée est de déployer une gamme de
prestations innovantes, à la fois digitales et physiques.
C’est ainsi,
par ailleurs, qu’un espace significatif de son magasin du Carré
Sénart (Seine-et-Marne) est dédié aux services premiums (e-ré-
servation des produits, click&collect à J+1). Il s’agit toujours, pour
le commerçant, d’offrir les bons produits et les services associés.
Le digital est seulement un éventail de nouveaux outils pour un
unique objectif : bien (se) vendre.