Du 5 décembre au 12 janvier prochains, La Romaine Éditions prend ses quartiers à l’Hôtel des Académi
La crise inattendue : notre industrie vient de subir un véritable coup d’arrêt. Cette pandémie de covid-19 apparue le 16 novembre 2019 en Chine centrale est certainement l’épreuve la plus bouleversante que nous ayons dû appréhender.
De longs mois anxiogènes se sont
écoulés depuis le début de la propagation de cette maladie. Vivre
enfermé des semaines durant nous a fait comprendre ce qui nous a manqué le plus : de ne
pas recevoir notre famille et nos amis.
Le temps du confinement a été aussi un
temps de réflexion pour les métiers de la restauration et ses acteurs. Il nous parait évident
aujourd’hui de remettre en perspective nos
modèles économiques, notre rapport au travail et à nous-mêmes. Les entrepreneurs qui
ont su garder leur sang-froid dans les premiers
mois de la crise, ont dû se résoudre par la suite
à prendre des décisions drastiques afin de ne
pas mettre la clef sous la porte. De chaque
crise doit naître une opportunité. Il est intéressant de noter que le mot “crise” vient du grec
krisis qui signifie « décision ».
Une crise est un moment de changement où
il est utile de prendre des décisions pour saisir
de nouvelles opportunités. C’est ce que les
professionnels de l’hôtellerie et de la restauration ont entrepris ces derniers temps.
L’ÉTERNEL RECOMMENCEMENT
Dans les années 1970, les Français ont pour
habitude de recevoir chez eux pour l’apéritif avant de sortir dîner. Dans les années 1980,
ils privilégient les repas à l’extérieur ; puis se
replient à la maison dans les années 1990, et
ce, avant de ressortir au restaurant dans les
années 2000. En 2020, avec les confinements,
les Français se résignent à ouvrir leurs placards
et leurs tiroirs afin de redécouvrir leurs arts de
la table sans autre option que de passer en
cuisine ou de se faire livrer leur repas. 2022
devrait être l’année de la gastronomie et du
retour du repas pris en commun hors domicile.
A la table du Plaza Athénée où j’officie, j’ai entrepris des transformations de fond tendant à
plus de simplicité dans l’exécution des processus de service. J’ai éliminé les séquences trop
intrusives dans ce que nous appelons la “bulle
client”. J’ai arrêté de faire par habitude, par
routine ou par croyance ce que nous pensions
être des actes de haute gastronomie. J’en suis
convaincu : nous sommes trop à l’étroit ; nous
sommes allés trop loin. Le contexte du covid-19 nous oblige à réfléchir différemment.
Le moment est venu de “détricoter” maille
après maille ce que nous avons construit. Et
ce que la concurrence nous a copié. Fallait-il
vraiment proposer 6 variétés d’expresso ? Fallait-il sincèrement suggérer de l’eau minérale :
tempérée, fraiche ou bien glacée ? Fallait-il
obligatoirement changer trois fois la serviette
de table pendant le repas ? …
CRÉER DE NOUVELLES ÉNERGIES
Nous avons l’évident devoir de tout repenser
avec beaucoup plus de simplicité, sans être
simpliste. Posons-nous les bonnes questions
quand nous sommes à la table de nos hôtes :
est-ce que nos interactions, nos gestes et nos
actions de service ne sont pas trop intrusifs ?
Le service d’aujourd’hui ne doit pas être un
simple spectacle, mais il se doit, dans une apparente fausse simplicité, de devenir spectaculaire. Veiller à une parfaite alchimie du bon goût
et du bon sens entre le décor et ses dorures,
les uniformes et ses plissés, la chorégraphie et
ses flux, le ballet et son harmonie, le casting et
sa diversité. Incarner une ambiance de travail
et insuffler une grande complicité. Mettre au
goût du jour les illustres plats argentés pour retrouver ce luxe d’antan. Ressortir de nos
réserves les cuivres pâtissiers pour inviter à la
gourmandise. Oser les rafraichissoirs en coquillage nacré pour le service de breuvages
millésimés…
ARTS SUR LA TABLE
Remettons en scène les arts de la table dits classiques : le beurrier traditionnel avec sa cloche en argent accompagné de son socle en marbre blanc, la corbeille à pains et son coussin satiné, le symbolique couteau à poisson disparu de nos tables étoilées, la flamboyante assiette de présentation partout remplacée par un objet sculptural, les inséparables moulins argentés offrant à discrétion le poivre et le sel, la magnifique presse à canard qui reprend du service. Que le verre à eau retrouve son pied d’origine, et ne soit plus appelé “gobelet”.
PATRIMOINE ET ART DE VIVRE
Notre industrie postcovid opère actuellement
sa douce transition. Les touristes étrangers
n’étant toujours pas présents en nombre sur
notre territoire, et la concurrence étant sans
cesse effrénée, beaucoup de restaurateurs
ont décidé que le moment était opportun de
donner une nouvelle orientation à leur offre
commerciale.
Pour se diversifier et recréer une dynamique,
la décision est souvent la même : mettre en
œuvre dans le restaurant l’opposé de ce qui
était actuellement proposé. La vie étant un
éternel recommencement, si le restaurant
avait un style contemporain novateur, et bien,
immanquablement il deviendra un lieu plus
classique, plus traditionnel, et vice versa.
Vous l’aurez compris, il est très difficile de savoir si la parenthèse Covid a eu un effet particulier sur nos arts de la table actuels. Je ne
le pense pas. Je préfère penser que les choix
du restaurateur sont dictés dans les domaines
que sont la verrerie, l’argenterie, la platerie…
par un va-et-vient historique, dans les différentes époques de conception et de fabrication de nos manufactures.