Michael Scherpe : "Je suis optimiste concernant le secteur des arts de la table"
01 decembre 2017
Par : Sophie KOMAROFF
A l’approche des salons Ambiente, Christmasworld et Floradecora organisés par Messe Frankfurt, Nicolette Naumann, Michael Scherpe et Eva Olbrich livrent leurs visions de l’évolution du marché des biens de consommation. Entretiens croisés.
Cette année, la France a perdu sa 3e
place au rang des pays
exposants à Ambiente au profit de la Chine…
Nicolette Naumann : En effet, même si le nombre d’exposants français est stable, la Chine figure désormais dans le top 3 (voir encadré),
derrière l’Allemagne (25 % d’exposants allemands) et l’Italie. Il s’agit
d’un réel défi marketing pour nous. Nous sommes d’ailleurs vigilants
à ne pas faire coïncider les dates du salon avec celle du Nouvel An
chinois. Messe Frankfurt a été le premier organisateur à accueillir
des exposants chinois et indiens. Nous avons pris le pouls du marché
asiatique il y a plusieurs années et avons anticipé cette évolution.
D’ici à 20 ans, la Chine sera le principal concurrent de l’Allemagne
en termes de salon, pour les mêmes raisons qui ont fondées le succès
de l’Allemagne en la matière, à savoir un marché fort en termes de
production et d’achat. Les Chinois seront demain parmi les premiers
acheteurs et producteurs. Ils sont réputés pour fabriquer des produits
bon marché, qu’ils proposent d’ailleurs à Ambiente, mais nous nous
apercevons qu’en Chine, les fabricants locaux créent des marques
de bonne qualité pour le marché national. Concernant ce dernier,
les Français ont peut-être même été plus forts que les Allemands
en analysant l’offre disponible dans les boutiques chinoises et en
commençant à concevoir des produits spécifiques pour ce marché
porteur. Les créateurs et les influenceurs les plus importants seront
d’ailleurs ceux qui seront en mesure de présenter un book chinois.
Quelle est la valeur ajoutée du salon Ambiente,
y compris pour ces professionnels asiatiques ?
Nicolette Naumann : Les Chinois viennent nombreux à Francfort,
raison pour laquelle il nous faut apporter une valeur supplémentaire.
C’est par exemple le cas du programme dédiés aux nouveaux talents.
Ceux-ci ne sont pas placés dans un endroit à part, mais dans nos
halls premium, aux côtés des grands noms, car nous pensons qu’ils
représentent l’avenir. L’organisation du salon est aussi sa force. Je
suis certaine que jamais un visiteur n’a vraiment parcouru toutes ses
allées. La répartition des exposants fait l’objet d’une organisation
soigneusement étudiée au sein de chaque hall, chaque niveau ayant sa
propre logique en vue d’associer les bons voisins. C’est basique, mais
il s’agit de la colonne vertébrale du salon. Par ailleurs, il convient
d’être conscient que dans les 10 prochaines années, le magasin ne
sera plus un point de vente mais d’expérience. Aujourd’hui déjà, les
consommateurs doivent avoir une raison de se rendre en magasin,
et ce phénomène ira en s’accentuant. Durant le prochain salon, des
conférences quotidiennes d’une vingtaine de minutes seront donc
proposées sur ce thème.
Quelle est la place de l’art de la table à Ambiente et quelles
tendances observez-vous ?
Michael Scherpe : Il y a plusieurs années, de nombreuses personnes
ont jugé que l’art de la table en tant que tel n’avait plus sa place sur
le marché et qu’il n’était qu’une composante de la décoration. Je
n’ai jamais été en accord avec cette vision. Tant que l’être humain se nourrit et met de la culture autour
de cela, il a besoin d’outils spécifiques.
Au fur et à mesure qu’il progresse
économiquement et culturellement,
l’Homme a envie de se
placer dans un contexte constitué
de rêve, de confort et de bien-être.
Je pense donc que l’art de la table
à une place propre sur le marché,
de même que l’art culinaire et la
nourriture ont les leurs.
L’art de la table est beau et décoratif,
et s’intègre dans l’environnement
d’une pièce qui souvent n’est
pas utile, tandis que le besoin de
se nourrir est, lui, vital. Les entreprises
européennes l’ont compris et
ont développé de nombreux outils destinés à répondre à ce dernier.
L’art de la table reste donc bien présent à Francfort et j’en suis heureux,
d’autant que j’en ai été un fervent défenseur, y compris entre
2010 et 2015, époque où ce secteur était en crise. Les fabricants
de produits d’art de la table ont trouvé de nouvelles réponses aux
changements dans les habitudes de consommation. Je suis optimiste
concernant ce secteur, qui s’internationalise et s’ouvre des portes
à l’export.
Qu’en est-il du marché du culinaire ?
Michael Scherpe : Ce secteur a amorcé une nouvelle dynamique
bien avant celui de l’art de la table. Ses acteurs ont en effet compris
la nécessité de faire venir les hommes en cuisine, ce qu’ils ont réussi
à faire en développant des outils professionnels pour le grand public.
Leurs homologues des arts de la table ne l’ont pas saisi tout de suite :
leur secteur est resté un sujet féminin, et l’art de la table pourra être
développé en devenant aussi un sujet masculin. La vaisselle n’a pas
été rendue suffisamment professionnelle dans l’offre grand public.
L’aspect technique est certes plus aisé à mettre en œuvre dans la
cuisine que sur la table, plus apparentée au décorum. Les professionnels
de l’art de la table n’ont pas encore réussi à faire assimiler aux
hommes les connaissances et les techniques d’un maître d’hôtel.
Quelles sont les tendances que vous observez
en matière de décoration festive ?
Eva Olbrich : Les résultats de Christmasworld mettent en évidence
le potentiel des décorations saisonnières comme moteur des ventes,
avec certes un accent sur la fête de Noël, qui est la plus chargée
émotionnellement pour les consommateurs. En tant qu’organisateur
de salons, nous nous interrogeons constamment sur l’évolution du
marché des biens de consommation, car ces rendez-vous doivent en
être le reflet. En matière de décoration festive, nous observons que
les consommateurs apprécient de réaliser leurs achats événementiels
de manière confortable, inspirante et facile, sur un même lieu.
Un nouveau type de commercialisation se présente, pour une sélection
en magasin attractive, séduisante, qui comporte des produits assortis (les fleurs et les vases, par exemple). C’est pour cette
raison que nous introduisons de nouvelles idées destinées à générer
des ventes supplémentaires : le salon Floradecora en janvier dernier,
et Christmas Delights à partir de 2018. Il s’agit d’une offre de confiseries
et de cadeaux culinaires, de chocolats et de thés, présentée
dans une atmosphère de marché de Noël dans la Galleria 1.
Quel est l’objectif du salon Floradecora ?
Eva Olbrich : Floradecora n’est pas une salle supplémentaire de
Christmasworld dédiée à la fleur coupée, mais un salon à part entière
orienté lifestyle. L’offre de fleurs et de plantes mises en scène avec
des éléments de décoration s’adresse à différents canaux : magasins
de cristal, de porcelaine, de meubles, les jardineries, la distribution
de masse, etc. L’idée est d’offrir aux distributeurs des possibilités de
générer un chiffre d’affaires supplémentaire avec des compléments
de gamme, et d’offrir l’opportunité aux producteurs de végétaux de
découvrir de nouveaux canaux de distribution.
Floradecora réunit des exposants qui fournissent l’opportunité aux
commerçants non professionnel de la fleur de mettre en place une
offre en végétaux et fleurs coupées. Un commerçant qui n’est pas
fleuriste peut tout à fait recevoir des produits conditionnés de telle
sorte qu’ils sont vendables sans infrastructure spécifique en magasin.
Les fournisseurs hollandais ont notamment développé des solutions
qui permettent de gérer et vendre des fleurs sans être professionnel
du secteur. L’accent est d’ailleurs mis sur la pédagogie durant le
salon avec un programme de formation sur la gestion de l’offre en
végétaux pour générer du chiffre d’affaires, ainsi que des ateliers.
Le
“concept area” présentera notamment des exemples prêts à emporter
pour la vente directe en magasin. L’évolution du marché de la fleur
ne concerne pas que les magasins de fleurs, mais intègre différents
canaux de distribution. C’est pour l’heure une niche, mais nous
sommes convaincus de sa pertinence et de sa progression.
La France, au 4e
rang des pays exposant à Ambiente
En février dernier, Ambiente a réuni 4 460 exposants et 141 000 visiteurs sur une surface
d’exposition de 308 000 m2
. Les principaux pays exposants sont l’Allemagne, l’Italie, la Chine,
la France, les Etats-Unis, l’Espagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suisse, la Corée du Sud
et la Turquie. Avec 158 entreprises représentées, la France se classe au 4e
rang des pays exposants,
et au 3e
rang en termes de fréquentation avec 4 057 visiteurs. 93 entreprises françaises
sont d’ores et déjà inscrites pour l’édition 2018.
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