Du 5 décembre au 12 janvier prochains, La Romaine Éditions prend ses quartiers à l’Hôtel des Académi
Le service à la cloche rime avec luxe et élégance, mais comporte indiscutablement un aspect pratique dans certaines circonstances.
C’est au cours du XVIIIe siècle que la cloche de service, véritable ustensile-objet, fait son apparition parmi nos arts de la table. Le dressage à l’assiette d’un mets par les cuisiniers, puis l’envoi et le transport jusqu’à la table du convive, lui confèrent une réelle utilité et une absolue nécessité. La cloche, disposée sur une assiette, agit en effet en véritable couvercle. Elle permet d’isoler la préparation culinaire des éventuels
courants d’air, et de ce fait, permet le maintien à juste température de service.
Qu’elle soit en argent, en inox, en tissus, en porcelaine, en plastique, en verre, etc. ornée d’éléments décoratifs ou bien de repères pratiques
pour l’aide au service (anse de prise en main représentant un poisson, un crustacé, un boeuf, une volaille, etc.), de formes arrondie
ou bien plate, opaque ou transparente, la cloche est un outil de table distinctif du restaurant gastronomique. C’est à l’hôtel que son
utilisation est indispensable lors d’un room service, la nourriture, ne pouvant arriver chaude en chambre que si elle est “clochée”, les
distances entre la cuisine et les clients consommateurs étant parfois très étendues…
Je me rappelle d’une discussion très sérieuse avec Alain Ducasse. Nous parlions d’un réglage minutieux de logistique concernant le
rôle de cette fameuse cloche. Il nous avait fallu chronométrer la distance à parcourir avec un plateau de service, du passe de la cuisine à la salle de restaurant, afin de prendre en considération le temps qu’un mets allait resté cloché avant d’être servi. Fort de cette étude, le chef avait donc décidé de stopper de quelques secondes les cuissons avant envoi, ayant pris en compte cet effet de couvercle que procure la cloche qui engendre post-envoi, pendant encore quelques secondes, un maintien homogène de la température, mais aussi une continuité de la cuisson.
Attention à ne jamais clocher une préparation culinaire composée de friture ou de pâte feuilletée, l’humidité ambiante causée par la cloche ne fait pas bon ménage avec le croustillant souhaité ! La cloche, au-delà de sa fonction initiale, peut aussi être utilisée comme isolant olfactif. Souvent transparente, nous la retrouvons dans nos restaurants sous la forme d’une cloche à fromage, d’une cloche à beurre, etc. mais elle peut aussi être un élément décoratif protecteur de poussières ou de volatiles. Nous la voyons parfois, disposée sur des chariots de présentation, protégeant les infusions fraîches, les confiseries ou sucreries, les fruits découpés etc.
Le cérémonial du service à la cloche :
Effectivement, cela fait vraiment son effet de voir tous ces professionnels réunis autour de la table, leur main sur l’anse de l’assiette clochée
qu’ils viennent de disposer devant chaque hôte. Ils attendent le top départ : ce fameux signe initié par le maître d’hôtel responsable, un clin d’oeil, un sourire, ou juste un lever de menton (à chacun sa technique !) et d’un seul coup, à l’unisson, toutes les assiettes sont déclochées. Quand cela est parfaitement exécuté, le service dit à la française prend toute sa dimension. Seulement voilà, cette symbiose gestuelle n’est pas toujours bien réalisée ! Combien de fois, il nous a manqué la main d’un collaborateur pour soulever la dernière cloche. Combien de fois l’ordre silencieux du “lever” n’a pas été compris. Combien de fois, le mets décloché n’était pas présenté dans le bon sens ou, bien pire, n’était pas celui attendu. Combien de fois la cloche est-elle allée à la rencontre d’un verre de vin pour le renverser ?
Au restaurant gastronomique du Plaza Athénée, nous avons décidé d’acheminer les plats clochés, de la cuisine à la salle, sur des plateaux
torpilleurs en argent. Le commis de rang arrivant à la table, tend les bras et présente son plateau comme une offrande au chef de rang en lui indiquant ce qui se trouve sous chacune des cloches. Le chef de rang prend alors l’assiette à la main et la décloche “à la volée”. Il repose alors la cloche sur le plateau de service. Chaque assiette est ensuite posée devant les convives selon le protocole défini. Le fait de ne pas déclocher l’assiette directement devant le client nous permet d’éviter les multiples tracas possibles et inimaginables cités ci-dessus ! A chacun son style de service !
La cloche peut parfois faire partie intégrante de la mise en scène : je me souviens de Roxane Kermarc, du restaurant Géranium, à Copenhague, qui nous avait complétement bluffés lors du Trophée du maître d’hôtel 2019 : à peine avait-elle fini la réalisation de son steak
tartare, qu’elle y disposa sur le dessus, une cloche en verre transparente, dans laquelle des herbes aromatiques avaient été enflammées afin d’obtenir une légère fumée. L’assiette posée devant les jurés, la cloche soulevée par la candidate, quel spectacle et quel fumet appétissants s’offraient à eux !
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