Bel et bien débarrassé de sa connotation rustique, le couteau pliant est désormais un produit qui, à
Dossier
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Coutellerie : Merchandising de rigueur
Le couteau a changé de statut. De simple objet utilitaire, il est devenu beau, se veut davantage présentable… Alors, pour bien le vendre, un bon assortiment doit être bien mis en valeur, implanté et, luxe suprême… essayable !
Le couteau est toujours présent dans nos quotidiens, mais son statut a changé. C’est ce que constate Laurent Fleurot, responsable marketing de H. Beligné & fils pour Victorinox : « Des marques sont en train de le “déringardiser”. Nous nous rapprochons de l’univers de la mode ou de la lunetterie. Cela valorise le produit qui est mis en scène. Aujourd’hui, l’objectif est d’en mettre “plein la vue”, avec des beaux couteaux. En 15 ans, ce produit est passé de seulement utilitaire à bel objet. » Son merchandising évolue en conséquence : « La preuve que le couteau, de poche ou de cuisine, est déringardisé, c’est la mise en avant des marques pour les boutiques », avance le responsable marketing.
Pour sa part, Laurent Fleurot prône un merchandising par
marque, par gamme ou catégorie : « Victorinox a des mobiliers qui
le permettent, avec des couteaux multifonctions d’un côté
et ceux de cuisine de l’autre. Le rangement est réalisé avec
rigueur. C’est plus percutant et plus vendeur. » Les corners
permettent aussi à un fabricant connu pour le couteau de
cuisine de montrer qu’il propose aussi des couteaux de poche
et inversement. Pour Laurent Fleurot, il est essentiel de créer
un parcours d’achat lisible.
L’ESSAYER POUR L’ADOPTER
Parmi l’offre de couteaux, comment aider le client à choisir ?
« Chez Zwilling, nous partons du principe qu’un couteau doit
être pris en main, car nous avons tous des morphologies différentes », partage Nathalie Chabert, directrice marketing et
communication de Zwilling Staub France. En effet, le client doit
voir s’il est à l’aise avec le poids, la forme du manche, etc.
« Ce que nous préconisons en merchandising point de vente
est d’avoir un espace dédié à l’essai, avec à disposition une
planche et quelques légumes durs, tels que la carotte ou la pomme de terre, pour que le client se rende compte de la manière dont
il appréhende le couteau, en fonction de son habitude de découpe »,
explique Nathalie Chabert.
Au-delà de la mise à disposition de dépliants et de brochures, Kyocera
propose des tables sur lesquelles les clients peuvent essayer ses couteaux en céramique et une machine à cintrer pour montrer la flexibilité
de la céramique. « Nous essayons de toucher toutes les personnes
intéressées par l’achat de couteaux en céramique de haute qualité,
note Oliver Pinnow, responsable des ventes. Chaque cuisine a besoin
d’un couteau en céramique et il constitue un complément indispensable
aux couteaux en acier. » Le message de la marque : les couteaux en
céramique Kyocera sont plus tranchants et le restent plus longtemps
que les couteaux en acier, ils sont faciles à nettoyer et légers, et ne
contiennent pas de métal. Ils sont donc parfaits pour les personnes qui
souhaitent cuisiner avec peu d’effort et de manière saine.
UN BEAU CONTENANT
FAROL : DES CHUTES DE VOILES POUR PACKAGING
Farol, labellisée Entreprise du patrimoine vivant depuis 2013, recycle depuis fin 2023 les chutes de Voilerie Klein également labellisée EPV, pour créer ses packagings. La coutellerie rochelaise a en effet choisi de ne plus utiliser le carton pour ses emballages. Au terme de plusieurs mois de recherches de solutions, c’est auprès de Voilerie Klein que Farol a trouvé le partenaire idéal, ancré comme elle dans le milieu marin et au savoir-faire reconnu. « Cette collaboration permet de répondre à différentes problématiques, expliquent Théo Grellier, gérant de Farol, et Elodie Stephan, responsable commerciale de la marque. Pour l’une il s’agit de trouver une solution d’emballage écologique. Pour l’autre de valoriser les chutes liées à la découpe des toiles marines. »
Ces nouveaux packagings
et la mise au point des patrons qui s’adaptent à chaque
couteau sont le fruit d’un travail mené par Théo Grellier,
Valdéric Scheid, gérant de Voilerie
Klein, et Audrey Duboy, maroquinière compagnon du devoir qui
travaille chez Farol. « Cela nous
permet de conserver l’ADN de Farol
qui est d’internaliser toutes les opérations. Aujourd’hui, dans l’atelier
nous fabriquons nos lames, nos
manches et nos étuis, le packaging était l’étape suivante. »
Pour rappel, Farol, est une manufacture rochelaise de
coutellerie marine depuis 1996, installée historiquement
à l’Encan, ancienne criée du port, et depuis 13 ans dans
un second atelier situé dans le quartier de la Pallice.
Cette entreprise artisanale fabrique des couteaux et des
articles de maroquinerie. Entre 5 000 et 6 000 couteaux
sortent chaque année de ses ateliers.
« Il est intéressant de disposer d’une descente murale pour présenter les couteaux dans leur intégralité, leurs déclinaisons de lames, etc. »
Nathalie Chabert, directrice marketing et communication,
Zwilling Staub France.
UN AUTHENTIQUE ÉCRIN
UNE COMMUNICATION PLUS LUDIQUE
Si Arcos met toujours en avant le haut de gamme et la performance
de ses couteaux, la marque espagnole a lancé une communication
plus ludique, proche du client, avec des petits personnages. « Le côté
fun répond au besoin de visibilité du produit, explique Sarah Mussati,
chargée de communication et marketing chez Arcos. La spécificité de la
coutellerie est aussi qu’un couteau est tranchant, donc potentiellement dangereux. Il nous faut le rendre plus sympathique. » La marque travaille
aussi l’attractivité du packaging, avec le carton recyclé et recyclable. « Le
packaging doit montrer quel type de couteau est à l’intérieur, indique
Frédéric Moyon, directeur commercial d’Arcos. Tous les couteliers sont
sur la même ligne, à savoir en train de bannir le plastique. « Nous nous
orientons vers le 100 % recyclable et recyclé, insiste Frédéric Moyon.
Nous allons adapter toutes nos gammes. »
« Le merchandising est l’équivalent du design d’un site Internet. Pour acheter, le client doit comprendre. »
Laurent Fleurot, responsable marketing, H. Beligné & fils.
DES PRÉSENTOIRS À SUCCÈS
UNE SEGMENTATION CLARIFIÉE
« LE COUTEAU EST DEVENU UN OBJET DE VALEUR »
« Chez Forge de Laguiole le
merchandising se doit d’être
en accord avec les codes de la
marque mais également répondre à
de nouvelles habitudes de consommation, estime Charlotte Raynal,
responsable marketing chez Forge
de Laguiole. La coutellerie
traditionnelle se modernise, nous
adoptons une présentation épurée
et haut de gamme de nos produits,
car le couteau initialement outil du
quotidien est devenu un objet de
valeur. C’est ce que nous essayons
de représenter en liant tradition
et modernité au sein de nos points
de ventes. Nous avons à cœur
d’adopter une cohésion entre nos
produits et leurs présentations en
magasin à l’instar de celle adoptée
dans notre nouvelle boutique à
Rodez où les produits sont disposés
sur une table design signée
Philippe Starck où l’on peut
également retrouver des pièces
brutes liées à la fabrication des
couteaux. Un kit déco est d’ailleurs
proposé à l’ensemble de nos clients
pour étoffer leurs vitrines, cela permet de montrer tout
le travail nécessaire à la fabrication d’un seul couteau.
Au-delà de la présentation matérielle des produits nous
attachons également beaucoup d’importance dans
l’accompagnement du choix du couteau. Dans cette même
boutique par exemple, nous consacrons toute une partie
pour les couteaux sur mesure où le client peut s’inspirer
de modèles uniques présentés, accompagnés des conseils
du vendeur pour créer de A à Z son couteau idéal. »
Fort d’un parcours réalisé en partie dans la grande distribution alimentaire, Pascal Provost connait ses basiques « hauteur des mains, hauteur des yeux » et rappelle que « le merchandising, c’est d’abord un bon emplacement et une étiquette avec un prix ». La coutellerie est un univers générateur de marge, à condition donc de lui consacrer une jolie place, en faisant la part belle à la diversité : « J’apprécie quand plusieurs marques sont présentées côte-à-côte. Rien de plus triste qu’une marque unique, ou un seul type de couteau ! », estime Nathalie Chabert. Si le couteau est peu gourmand en mètre linéaire, il importe cependant que les produits soient bien ordonnés. « Nos partenaires revendeurs font parfois appel à nous pour réaménager le magasin, confie Laurent Fleurot. Refaire une vitrine, avec une thématique ski par exemple, se révèle souvent efficace. Le résultat, c’est 20 à 25 % de vente en plus sur le rayon. » Les boutiques en propre de sa société se révèlent être un bon observatoire : « Nous voyons par exemple que des jeunes viennent acheter des couteaux, et, pas forcément les produits que nous aurions imaginés ». Et à clientèle diversifiée, offre renouvelée…