Du 5 décembre au 12 janvier prochains, La Romaine Éditions prend ses quartiers à l’Hôtel des Académi
Dossier
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"L'univers des accessoires dédiés au café peut-être désirable"
Hippolyte Courty, fondateur de la marque de cafés de spécialité L’Arbre à café, s’attèle à anoblir le service du café et sa dégustation. Quitte à contribuer au développement de produits pour sortir cette boisson de son rang de parent pauvre de la gastronomie.
Offrir International : Avec quelle philosophie avez-vous fondé L’Arbre à café ?
Hippolyte Courty : Je me suis inspirée des univers du vin et de la
gastronomie avec l’ambition de mettre en évidence que le café est
un produit noble, et non une denrée quelconque de commodité, et
le bonheur de consommer un café de haute qualité. J’ai rapidement
été frappé en m’apercevant à l’époque que l’ensemble de la filière du
café n’était pas faite pour la rigueur et l’excellence. Je me suis donc
investi dans ce challenge en me centrant sur le produit, avec comme
lignes directrices le terroir, le savoir-faire, la rigueur et l’excellence
justement, en proposant des cafés monovarie?taux, monoparcellaires,
monofermentaire, achetés directement auprès des producteurs, et
cultivés principalement en biodynamie.
Vous avez poussé votre démarche avec la création d’une tasse spécifique…
En effet, car sur l’ensemble de l’offre en tasses à café, personne n’était capable de me renseigner sur les propriétés organoleptique et gustative. Aucune recherche n’existait sur ces points. Les seules caractéristiques évoquées étaient le design et l’esthétique. Intrigué, j’ai décidé de créer une tasse de dégustation, en partenariat avec la designer Sylvie Amar. Il est d’ailleurs intéressant de constater aujourd’hui que peu d’ac - teurs nous ont imités. L’argumentaire des tasses en général porte rarement sur l’expression du goût, mais très largement sur la praticité (tenue en main par le barista, etc.). Et pour cause, le café n’occupe pas le premier rang en termes de gastronomie et on s’attarde peu sur sa dégustation. L’Arbre à café fonctionne sur le principe du circuit court et vise à faire du café une boisson précieuse et intime. J’ai donc demandé à Sylvie Amar d’étudier la conception d’une tasse sans anse, car cette dernière instaure une distance avec le breuvage, et rappelant les tasses de céramique que l’on faisait tourner pour en partager le contenu, pour entrer dans cette chaîne historique. La tasse ainsi créée, Révélation, est tout en rondeur, pour envoyer au cerveau une image de gourmandise, de perfection et de géné - rosité. Le consommateur la garde en main, entre en contact avec l’objet. Le choix du grès a été guidé par ses propriétés d’inertie thermique : le convive ne se brûle pas avec la tasse qui conserve cependant mieux la chaleur que la céramique. Autre critère : le toucher. La dégustation commence avec l’œil mais se poursuit avec la main, un message tactile fondamental pour le cerveau. Nous avons choisi de travailler avec Montgolfier qui réalise des émaux épais et granuleux, qui renvoient à la terre et la matière. La manufacture a ainsi fabriqué un objet équilibré et précieux qui plonge dans le domaine sensoriel. Sur le plan gustatif, nous avons testé 400 tasses pour déterminer quelles formes induisent quels goûts. Une vraie étude de méca - nique des fluides ! Nous avons travaillé à l’intuition et en réalisant des radiographies d’une dizaine de tasses pour en appréhender les angles internes, en nous associant avec des sommeliers. Enfin, le buvant était essentiel, avec un impact préparatoire majeur sur la dégustation car les lèvres sont une zone intime et sensible. L’idée était d’obtenir quelque chose de délicat qui permette d’oublier la tasse : un grand défi réussi par Montgolfier.
Vous avez réitéré votre collaboration avec Sylvie Amar pour inventer un moulin à café, en vous associant avec Peugeot. Qu’est-ce qui a guidé votre démarche créatrice ?
Ce moulin, baptisé L’Arbre à café, a été réalisé sur la baseline de
fonder un nouvel art du café français. La France a beaucoup in
-
venté pour le café : cafetière à piston, filtre en coton… Il y a une
Histoire française du café de qualité et un patrimoine incroyable.
Il ne faut pas regarder le train passer : le marché du café est en
plein essor et sera en croissance durant les 15 prochaines années.
Nous avons contacté Peugeot, réputé pour ses moulins, et lancé
le projet il y a 2 ans, avec le vœu de nous adresser aux industriels
français et aux experts des métiers du café. L’Arbre à café, lancé
en mai dernier, remporte également un défi : mettre en évidence
que l’univers des accessoires dédiés au café peut être désirable
et fonctionnel, et pas seulement design. Cet ustensile s’adresse
aussi au grand public car il permet à toute personne de préparer
simplement un bon café.
Repères
Descendant d’une lignée de couteliers d’art, Hippolyte Courty a été critique gastronomique, formateur en dégustation et agent de vignerons. Il a également enseigné l’histoire médiévale puis l’histoire générale en langue italienne. Il fonde L’Arbre à café en 2009 à Paris, et il est rejoint par Philippe Nussbaumer en 2011 qui a pour mission de développer l’entreprise. En 2013, cette dernière ouvre sa boutique rue du Nil à Paris et entame une collaboration avec Pierre Hermé, créateur du Fetish infiniment café (24 créations pâtissières au café). En 2014, c’est avec Anne-Sophie Pic qu’Hippolyte Courty travaille autour des accords mets/café. En 2015, il développe la tasse Révélation, dédiée à la dégustation de l’expresso et publie Café (éditions du Chêne). En 2016, Hippolyte Courty poursuit sa démarche consistant à valoriser le café et son service en salle. L’entreprise emploie aujourd’hui 8 personnes. Son atelier de torréfaction, avenue du Maine à Paris, est également un centre de formation, le seul en France certifié à l’international. En outre, la quasi totalité des lots achetés par L’Arbre à café provient de plantations pratiquant une agriculture biodynamique, biologique ou naturelle, cultivées en agroforesterie.