Il s’en est fallu de peu pour que le décret sur le statut d’artisan-cuisinier
soit, une nouvelle fois, reporté à la prochaine majorité gouvernementale.
Il est paru au Journal officiel le 11 mai dernier, à
quelques jours seulement de la nomination du gouvernement par
le Président Emmanuel Macron. Pour Hubert Jan et Jean Terlon, respectivement
président et vice-président de la branche restauration de
l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), c’est un
soulagement ! La bataille sur l’obtention du statut d’artisan pour les
cuisiniers remonte en effet à la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-
2012), « alors que tous les autres métiers de bouche (bouchers, boulangers,
pâtissiers, etc.) en bénéficiaient déjà, constate Hubert Jan.
Nous étions
les derniers à ne pas pouvoir utiliser juridiquement le terme d’artisan. »
Il aura donc fallu attendre juin 2017, date d’entrée en vigueur du
décret, pour qu’en France, pays de la gastronomie, le métier de
cuisinier soit inscrit au répertoire des métiers. Et les avantages que
la profession est susceptible d’en tirer sont multiples.
Valoriser la gastronomie française
D’un point de vue strictement administratif, le statut d’artisan-cuisinier
permet au restaurateur éligible de s’inscrire à la chambre des
métiers, en plus de celle des commerces, ce qui donne accès à de
meilleures conditions bancaires, par exemple. Mais, pour l’Umih, la
reconnaissance du statut d’artisan-cuisinier s’intègre surtout dans
un dispositif global de valorisation de la gastronomie française. Il
complète la mention “fait maison” et le titre d’Etat de “maître restaurateur”.
Claude Izard, président de l’association Les Cuisineries, estime que
« le statut d’artisan-cuisinier crédibilise la qualité des produits servis par
le restaurateur et justifie les prix de la carte auprès des consommateurs.
L’artisanat, ça n’est pas une chaîne d’assemblage, mais un homme qui
fabrique lui-même ! »
Un plan de communication nationale devrait
d’ailleurs être mis en place en septembre par les chambres de commerce
et des métiers, pour que les restaurateurs profitent, à leur tour,
de l’engouement des Français pour les métiers de l’artisanat. L’étude
“Les commerçants, artisans, professionnels de proximité préférés
des Français”, menée par Harris Interactive en juin 2015, désigne
le boulanger/pâtissier comme le “chouchou” des Français. 54% des
sondés le considèrent comme l’un de leurs trois artisans préférés. Un
classement désormais courtisé par les artisans-cuisiniers.
Focus sur la formation
Bien que les critères d’obtention du nouveau statut soient stricts,
« la cuisine pratiquée par un artisan-cuisinier ne pouvant être élaborée
qu’à partir de produits bruts sur place », Claude Izard regrette, toutefois,
qu’un contrôle qualité ne soit pas imposé. « L’Etat doit nous
accompagner pour créer un circuit 100 % artisanal de la terre à l’assiette.
Cette filière alimentaire et artisanale regrouperait tous les artisans des
métiers de bouche et garantirait le développement de la qualité alimentaire
artisanale. »
Le second enjeu du décret concerne la formation. « Le savoir-faire
de cuisinier est en déperdition. Le déficit de formation est colossal !
Près de 150 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues dans la restauration.
C’est pourquoi il est primordial de valoriser la profession
de cuisinier, prévient Jean Terlon (Umih restauration). Les
écoles professionnelles du secteur attirent de nombreux apprentis cuisiniers,
mais peu d’entre eux ont la vocation de devenir restaurateur.»
Or, pour être éligible au statut d’artisan cuisinier, le chef de l’établissement
doit lui-même être titulaire d’un CAP/BEP dans le domaine de la cuisine, ou d’un certificat de qualification professionnelle de
cuisinier ou justifier d’au moins six ans d’expérience comme cuisinier.
Le statut d’artisan-cuisinier étant rattaché à son exploitant, un
chef d’établissement qualifié d’un diplôme en école de commerce,
par exemple, et qui embauche un chef cuisinier certifié pour pratiquer
une cuisine “fait maison” ne peut pas, pour autant, disposer
du statut d’artisan-cuisinier. Alors que la notion de “maître-restaurateur”,
créée en 2007, est la propriété d’un chef de cuisine, qu’il
soit salarié ou non. Aujourd’hui, près de 25 000 restaurateurs sur les
100 000 existants en France sont en mesure de demander le statut
d’artisan-cuisinier, auprès de leur chambre des métiers.