Dossier

Se démarquer des codes du restaurant traditionnel

25 septembre 2017

A peine deux ans après avoir ouvert Chez Rodolphe, à Rouen (Normandie, France), Rodolphe Pottier a décroché sa première étoile au Michelin en début d’année. A 25 ans, il est le plus jeune chef distingué par le jury du célèbre guide. Rencontre.

Quel univers proposez-vous à vos convives dans ce lieu ? 

Nous sommes une entreprise familiale, je me suis associé à mon frère Jordan, qui est directeur du restaurant, pour créer ce lieu. Nous avons choisi d’agencer la salle différemment des codes du restaurant traditionnel afin de nous démarquer. L’accueil est ainsi réalisé de façon à accueillir les convives comme si nous étions chez nous. C’est pour cela que je propose un menu unique imposé, comme lorsque l’on est invité chez des amis. Nous sommes particulièrement attachés au caractère convivial, chaleureux et prévenant du service. Notre équipe de salle est dans l’échange permanent avec les convives. Nous n’avons pas recruté au CV mais à la personnalité : il s’agit d’être capable d’absorber un haut niveau de pression sans que les clients ne la ressentent, empathique, énergique dans le service et de correspondre au côté jovial de ce que nous proposons. Nous recherchons l’éclectisme aussi bien dans le personnel de salle que parmi nos convives. 

Quelles sont selon vous les particularités de votre établissement distinguées par le jury du Guide Michelin ? 

Il est toujours difficile de connaître l’ensemble des critères pris en compte. L’inspecteur a toutefois conclu ainsi son commentaire : « Rodolphe n’a pas fini de nous surprendre. » J’ai le sentiment que la complexité de ma cuisine, dissimulée derrière une apparente simplicité, séduit. La cohérence de l’offre, à savoir la correspondance du contenant au contenu, l’ambiance en salle, ce que nous transmettons aux convives et la façon dont nous le faisons, la régularité dans le niveau d’exigence et le rapport qualité/prix, a également été décisive.

Quels sont vos ingrédients de prédilection ?

Je ne travaille que ceux de saison qui correspondent à mon idéal de qualité, issus de fournisseurs locaux. Sublimer les produits n’est pas difficile quand ceux-ci sont excellents. Le menu change quotidiennement. Je m’isole donc une demi-heure chaque matin pour y réfléchir et m’entretiens plusieurs heures par jour au téléphone avec mes fournisseurs. Pour les fruits et les légumes, je me fournis notamment à la ferme biologique du Bec-Hellouin, qui est une référence mondiale en matière de permaculture. Dans le détail, l’huître est toujours présente d’une façon ou d’une autre dans les menus que je propose. J’apprécie de travailler les produits de la mer – j’ai été chef de partie “poisson” au Ritz – de manière générale. Pour les viandes, les ris de veau et le pigeon sont mes préférées. Concernant les assaisonnements, je privilégie le côté naturel de l’aliment, et j’ajoute principalement des herbes aromatiques, des infusions d’herbes ou de fleurs, ou encore des plantes sauvages (ortie, ail des ours, etc.) que je cueille moi-même. C’est une activité essentielle pour moi, synonyme de détente.

Quels sont vos choix en matière d’arts de la table et d’équipement culinaire ? 

Côté cuisine, hormis une cocotte Staub que j’utilise pour la préparation des plats mijotés et des jus de viande, je suis équipé de produits basiques, qui ne sont pas issus de prestigieuses manufactures. Je suis en accord avec le dicton “il n’y a pas de mauvais outils, il n’y a que des mauvais ouvriers”. Je m’adapte au matériel dont je dispose. Côté table, j’apprécie de travailler avec des objets qui présentent un jeu sur la texture (le grès et l’émail, par exemple). Nous utilisons pour l’heure quelques pièces de la collection créée par Roos Van De Velde pour Serax, et surtout les créations de Catherine Le Baron, céramiste locale grès et raku. A terme, j’envisage à l’avenir de travailler uniquement avec cette créatrice, à qui je dessine ou explique ce que je souhaite pour qu’elle le concrétise. Je travaille ainsi avec des contenants parfaitement adaptés à ce que je prépare en cuisine. Et, surtout, j’utilise des modèles qui ne se trouvent pas chez les autres restaurateurs. Il importe de se démarquer. 

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