Quel univers proposez-vous à vos convives dans ce lieu ?
Nous sommes une entreprise familiale, je me suis associé à mon
frère Jordan, qui est directeur du restaurant, pour créer ce lieu. Nous
avons choisi d’agencer la salle différemment des codes du restaurant
traditionnel afin de nous démarquer. L’accueil est ainsi réalisé
de façon à accueillir les convives comme si nous étions chez nous.
C’est pour cela que je propose un menu unique imposé, comme
lorsque l’on est invité chez des amis. Nous sommes particulièrement
attachés au caractère convivial, chaleureux et prévenant du service.
Notre équipe de salle est dans l’échange permanent avec les convives.
Nous n’avons pas recruté au CV mais à la personnalité : il s’agit
d’être capable d’absorber un haut niveau de pression sans que les
clients ne la ressentent, empathique, énergique dans le service et de
correspondre au côté jovial de ce que nous proposons. Nous recherchons
l’éclectisme aussi bien dans le personnel de salle que parmi nos convives.
Quelles sont selon vous les particularités de votre établissement
distinguées par le jury du Guide Michelin ?
Il est toujours difficile de connaître l’ensemble des critères pris en
compte. L’inspecteur a toutefois conclu ainsi son commentaire : « Rodolphe n’a pas fini de nous
surprendre. » J’ai le sentiment
que la complexité de ma cuisine,
dissimulée derrière une
apparente simplicité, séduit.
La cohérence de l’offre, à
savoir la correspondance du
contenant au contenu, l’ambiance
en salle, ce que nous
transmettons aux convives
et la façon dont nous le faisons,
la régularité dans le niveau
d’exigence et le rapport
qualité/prix, a également été
décisive.
Quels sont vos ingrédients
de prédilection ?
Je ne travaille que ceux de
saison qui correspondent
à mon idéal de qualité, issus
de fournisseurs locaux.
Sublimer les produits n’est
pas difficile quand ceux-ci
sont excellents. Le menu
change quotidiennement.
Je m’isole donc une demi-heure
chaque matin
pour y réfléchir et m’entretiens
plusieurs heures par
jour au téléphone avec mes
fournisseurs. Pour les fruits
et les légumes, je me fournis
notamment à la ferme biologique
du Bec-Hellouin, qui est une référence mondiale en matière
de permaculture.
Dans le détail, l’huître est toujours présente d’une façon ou d’une
autre dans les menus que je propose. J’apprécie de travailler les
produits de la mer – j’ai été chef de partie “poisson” au Ritz – de
manière générale. Pour les viandes, les ris de veau et le pigeon sont
mes préférées.
Concernant les assaisonnements, je privilégie le côté naturel de l’aliment,
et j’ajoute principalement des herbes aromatiques, des infusions
d’herbes ou de fleurs, ou encore des plantes sauvages (ortie, ail
des ours, etc.) que je cueille moi-même. C’est une activité essentielle
pour moi, synonyme de détente.
Quels sont vos choix en matière d’arts de la table
et d’équipement culinaire ?
Côté cuisine, hormis une cocotte Staub que j’utilise pour la préparation
des plats mijotés et des jus de viande, je suis équipé de produits
basiques, qui ne sont pas issus de prestigieuses manufactures. Je
suis en accord avec le dicton “il n’y a pas de mauvais outils, il n’y a
que des mauvais ouvriers”. Je m’adapte au matériel dont je dispose.
Côté table, j’apprécie de travailler avec des objets qui présentent un
jeu sur la texture (le grès et l’émail, par exemple). Nous utilisons
pour l’heure quelques pièces de la collection créée par Roos Van De
Velde pour Serax, et surtout les créations de Catherine Le Baron,
céramiste locale grès et raku. A terme, j’envisage à l’avenir de travailler
uniquement avec cette créatrice, à qui je dessine ou explique ce
que je souhaite pour qu’elle le concrétise. Je travaille ainsi avec des
contenants parfaitement adaptés à ce que je prépare en cuisine. Et,
surtout, j’utilise des modèles qui ne se trouvent pas chez les autres
restaurateurs. Il importe de se démarquer.