Sur le marché diversifié de la coutellerie, se démarquer ne se résume pas à proposer un produit fonc
Le packaging ne se contente pas de protéger le produit. Il transmet au client plusieurs messages, sur le produit, mais aussi sur le statut de la marque. S’il doit séduire, c’est aujourd’hui en toute sobriété
"Que ce soit on ou off-line, nous avons à cœur que le
produit arrive intact : telle est la première fonction du
packaging. Mais il est aussi vecteur de l’image de la
marque. » Sophie Hesse, directrice marketing et communication de
De Buyer, plante le décor. « Quand le produit est en rayon, il faut que le
packaging aide à sa bonne utilisation, son entretien, etc. » Le fabricant
d’ustensiles de cuisson a revu ses emballages. « Nos packagings étaient
fonctionnels, mais n’étaient pas pensés dans une logique d’expérience
consommateur, poursuit Sophie Hesse. Nous les enrichissons désormais avec du contenu de type recettes et renvoyons vers notre site
internet pour apporter des informations complémentaires car, même
en circuit spécialiste, il n’y a pas forcément un vendeur derrière chaque
client. » Et de rappeler que, typiquement, sa société propose un produit
qu’il faut toucher, ressentir, soupeser. Un packaging qui ouvre sur le
produit revêt un intérêt quand il s’agit d’une poêle ou d’une casserole :
« Nous intégrons parfois des lucarnes pour que le client voit ce qu’il
achète, notamment en moulerie. "
UN EMBALLAGE RÉUTILISABLE
Nicolas Roque, dirigeant de N2J, distingue pour sa part deux niveaux
de packaging. Le premier englobe les cartons utilisés pour protéger les
produits durant le transport, paramètre essentiel notamment en importation – quand les produits voyagent en bateau et en camion, vers la
France, l’entrepôt, puis le client : « Notre réussite réside dans la réutilisation de tous les cartons, soit pour réexpédier à des clients particuliers
via l’e-commerce, soit pour mettre à plat sur les coins des palettes vers
le client... Nous ne recyclons plus de carton, tout est réutilisé. »
Le second niveau concerne les emballages de la marque Pebbly. En magasin, le produit nécessite un emballage destiné à être vu, avec plusieurs fonctions, dont celle d’information. « Nous vendons souvent des produits différenciants qui requièrent une explication pour déclencher l’acte d’achat, souligne Nicolas Roque. Chez Pebbly, nous avons décidé de réduire la quantité d’emballage vers le consommateur. » Pour certains ustensiles, au contraire, c’est davantage d’emballage, mais réutilisable. La boîte à pain est à ce titre le produit pionnier.
« La logique aurait voulu
un bel emballage pour la mise en rayon, pour protéger l’objet et expliquer
son usage dans toutes les langues. Nous avons décidé de créer à la
place un sac à pain en coton bio. » Nicolas Roque se réjouit du succès
de la formule : « Le caractère réutilisable du sac à pain a été compris,
c’est une forme d’engagement. Nous avons expliqué aux magasins l’intérêt d’en parler au client. Cela fait partie de notre positionnement : une
marque engagée et éco responsable. » Fort de ce succès, la marque
a lancé d’autres produits sur ce modèle (kit pour pâte à tartiner, etc.).
"Chez TOC, l'emballage est ce que le client voit en premier"
Pour Lionel Debus, directeur général d’Epicuria, société du groupe Hefed qui gère la marque TOC, l’enjeu du packaging réside à plusieurs niveaux. « Les tendances actuelles intègrent les nouveaux objectifs au niveau des matières : le plastique est remplacé par du papier ou du carton. A ce sujet, nous souhaitons faire travailler les imprimeurs français. Le fait d’avoir dit “nous éliminons tout ce qui est plastique” nous pousse à nous orienter vers les matières premières telles que le carton, la pâte de papier qui impliquent la coupe du bois. Cela va nous amener à réfléchir à réduire le bois dans d’autres domaines.
Chez TOC, l’emballage est ce que le client voit en premier. Il faut qu’il soit séduisant, mais aussi écoresponsable. Nous avons réalisé des boîtes cadeau pour nos clients, en carton recyclable, issu de forêts replantées, avec des encres végétales et, cerise sur le gâteau, nous avons suggéré d’autres utilisations de ces contenants une fois le cadeau offert : boîte à chaussettes, à archives… C’est écrit dessus.
Aujourd’hui, les QR-code font en outre leur grand retour :
un produit doit avoir le sien, pour détailler ses utilisations,
notamment. Une vidéo remplace favorablement des lignes
d’explication sur un emballage ! »
UN PICTO PLUTÔT QU’UN DISCOURS
Chez Peugeot Saveurs, seule une petite partie de l’offre est dotée d’un packaging, aussi par nécessité d’expliquer, mais pas seulement : « Ce sont les moulins experts qui requièrent des informations sur leurs usages, ou des produits plus fragiles dans la manipulation, ou encore des produits plus premium », explique Dominique Garréta, directrice marketing et développement de Peugeot Saveurs.
Nous allons renforcer
cet axe à partir de 2022 et mettre en packaging 70 références supplémentaires. » Elle cite à titre d’exemple les moulins en bois d’olivier :
« Il importe de leur apporter un plus. » La société conduit une évolution des packagings existants qui vise à délivrer au premier coup d’œil l’information au consommateur. « Nous nous appuyons sur une unique
selling proposition : cette information doit être la plus limpide possible,
avec un pictogramme souvent plus efficace qu’une phrase. Par exemple,
nous avons un système de réglage u’select qui ne parle à personne.
Il convient donc d’expliquer que le produit qui en est doté dispose de
6 positions de mouture et que ce soit compréhensible à l’international. »
L’EFFET CADEAU
Pour Philippe Gelb, directeur de Beka France, le point de vente a besoin de boitage pour mettre en valeur le produit. « Notre ancien packaging n’était plus au gout du jour », expose-t-il.
L’équipe marketing l’a retravaillé avec une agence externe de manière à le rendre visuellement plus attrayant. « Nous avons repensé le packaging pour avoir l’effet cadeau. Quand vous ouvrez la boîte, vous trouvez un mot de remerciement de l’entreprise. » Beka utilise aussi un papier de soie pour emballer les produits. Depuis 18 mois, Philippe Gelb met en avant une accélération de la visibilité et de la lisibilité. La société qui a observé une hausse des ventes a mis en œuvre cette démarche sur tous les ustensiles de cuisson, sauf les poêles : « Les vendeurs les sortaient de leur emballage pour les présenter sur des broches. Résultat : les informations n’étaient plus visibles. »
Beka a donc décidé de les présenter en fourreau avec
les informations directement inscrites au centre : « Cela a permis de
gagner en visibilité. »
UNE DÉMARCHE RSE
Utiliser les matières premières les plus propres est une démarche de fond qui impacte également le conditionnement et le packaging, souligne pour sa part Benoit Bérot, directeur commercial et marketing de Jean Dubost. La société a entrepris une démarche RSE il y a de nombreuses années (validée par le label Afnor en juillet dernier). Elle travaille notamment sur la substitution du plastique par de nouveaux matériaux. « Avec la contrainte propre aux couteaux de la sécurité des personnes en magasin, des consommateurs, et les lois de certains pays, tels que le Royaume-Uni dont les normes sont drastiques, précise Benoit Bérot.
Pour universaliser nos packagings, nous nous calons sur les plus exigeants. » Le coutelier français travaille également la promotion des emballages en bois, matériau qui fait un retour en force. Or, le client et le consommateur sont attentifs à ces enjeux. L’emballage devient un argument de limitation de l’impact sur l’environnement et, de ce fait, un argument de vente. Jean Dubost considère aussi le vrac : « Entre la fabrication et le point de vente, il peut y avoir plusieurs milliers de kilomètres. Nous avons substitué aux sachets précédents un autre en papier transparent biodégradable (certifié home compost), réalisé à partir de bois issu de forêts gérées durablement. » Jean Dubost intensifie d’ailleurs cette démarche. « Le but est de travailler sur un switch total de nos collections d’ici 2 ou 3 ans. Nous participons aux salons d’emballage et d’innovation, pour être à l’affut. »
ÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE
« Tous nos articles sont packagés selon la typologie de produit, fait quant à lui valoir Olivier Untersinger, responsable achats chez Lalique. Le coffret mousse est de différentes natures selon le poids, la taille et la valeur du contenu. Cela va de l’étui souple au bois, en passant par le carton ou le carton renforcé. « Il doit permettre le transport et arriver intact chez nos clients. » La réforme de cette année porte sur les verres. « Nous avons fait une étude de marché pour standardiser les packagings.
Nous avions les 2, 4 ou 6 verres. Nous avons réduit le nombre de packagings de 3 à un packaging unitaire sur étui souple avec une mousse de protection. Cela permet de rationnaliser le packaging et de gagner en productivité. » La gamme de coffrets compte 5 conditionnements adaptés à chacun des verres. L’objectif est là aussi de réduire le nombre de références. « Cela permet de concentrer les achats et aussi de mettre en valeur le cristal Lalique. » Sur le verre avec les étuis souples et des mousses croisillons pour le reste de l’offre (vase, etc.), une gamme de coffrets de différentes matières.
« Cet aspect est totalement lié à la valeur marchande », indique Olivier Untersinger. L’ensemble des coffrets habillé de
papier noir avec un marquage Lalique a été revu : « L’ensemble de nos
coffrets bois est dorénavant brut, sans colle. Cela permet de réaliser
des économies et s’intègre dans une démarche RSE. »
COHÉRENT AVEC LA STRATÉGIE DE MARQUE
Le studio La Racine travaille avec les entreprises sur une démarche globale : le design produit, les codes de la marque, la légitimité des produits, etc. Ce processus intègre naturellement le packaging. « Par exemple, pour La Rochère, l’idée a été de repartir de la stratégie de la marque pour aboutir à une image différente et un packaging revu », décrit Tiphaine Chouillet, fondatrice du studio.
La première problématique porte sur ce qu’exprime la marque, mais soulève aussi la question de la visibilité en point de vente. Le studio a travaillé sur un code couleur bleu marine avec des visuels qui se retrouvent sur tous les emballages. « Si Le Creuset, avec sa célèbre boîte orange, avait voulu tout revoir, cela aurait été plus complexe, ce n’était pas le cas pour La Rochère », compare Tiphaine Chouillet. Et de pointer que le packaging doit répondre à un enjeu de cohérence de gamme : les marques peuvent avoir la volonté d’innover sur chaque packaging, mais le risque est alors de générer de la confusion.
La spécificité des arts de la table résidant dans la taille des boîtes, souvent conséquente… « Ce sont des packagings qui peuvent être utilisés comme supports dans le magasin, par exemple en plaçant une cocotte sur sa boîte. Les boutiques s’en servent parfois pour créer un effet color block, observe Tiphaine Chouillet qui rappelle qu’« il est impossible de penser packaging sans penser merchandising ».
Après la grande période de la boîte 4 couleurs, imprimée, est venu le temps du kraft imprimé 1 ou 2 couleurs. « Renvoyer d’une image écolo est important. Il faut aussi que cela confère une image de sobriété », appuie Tiphaine Chouillet qui soulève une autre question : « Nous nous apercevons que les clients conservent les boîtes qui peuvent servir de rangement. Ainsi, dans le cas de l’achat de flûtes, 80 % des consommateurs gardent leur pack… Est-ce que, dans cette optique, il n’est pas intéressant de mettre un peu plus de budget dans cette boîte ? » L’attente sur l’emballage reste forte, car il joue dans la dimension cadeau, misant sur le plaisir et l’esthétique.