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Ustensiles de cuisson : le point sur les revêtements, nouveaux ou non…
Si à date le PTFE reste autorisé dans son application sur les ustensiles culinaires, un nombre croissant d’acteurs se tournent vers des solutions alternatives tandis que d’autres accentuent leur stratégie en faveur des poêles et des casseroles non revêtues. Dans tous les cas de figure, le marché se révèle prospère cette année pour la catégorie.
En préambule, un bref rappel de contexte : les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, surnommées “substances éternelles” en raison de leur persistance dans l’environnement) sont sous la loupe de la Commission européenne depuis plusieurs mois, leur utilisation dans de multiples produits soulevant des inquiétudes quant à leur impact sur l’environnement et la santé humaine. Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, des travaux d’évaluation et de surveillance dont la date de remise n’est pas encore connue, sont en cours.
Avec pour objectif une suppression progressive de l’utilisation des PFAS en Europe à l’horizon 2030. Parmi ces substances, le polytétrafluoroéthylène (PTFE) qui procure le caractère antiadhérent des ustensiles qui en sont revêtus. Par ailleurs, les PFAS ont fait la une de l’actualité en avril dernier. Les députés ont adopté une proposition de loi visant à réduire l’exposition à ces substances chimiques, mais en excluant les ustensiles de cuisine revêtus de PTFE.
En clair, le PTFE reste donc à date autorisé en France et en Europe dans son application relative aux ustensiles culinaire. Pour l’heure, aucune alerte spécifique n’a été émise concernant son utilisation dans les ustensiles de cuisson dans des conditions normales d’utilisation.
UNE CATÉGORIE QUI REPREND DES COULEURS
Les acteurs de la filière sont unanimes : la dynamique est au rendez-vous en 2024 sur le marché des ustensiles de cuisson, tous revêtements et acier inoxydable confondus.
« Alors qu’il oscillait entre – 3 % et - 4 % en 2023, et qu’il était plutôt stable en janvier-février 2024, le marché connaît une progression de + 12 % en valeur depuis mars-avril, et + 5,5 % en volume depuis le début de l’année, avec une croissance de toutes les catégories et de tous les revêtements (PTFE, céramique, inox…), se réjouit Alexis De Nazelle, marketing manager cookware kitchenware Groupe SEB France.
La filiale France de Beka Cookware enregistre pour sa part une progression de 15 à 20 % cette année, et chez De Buyer, les volumes de ventes des ustensiles en inox et en acier connaissent chacun une croissance comprise entre 20 % et 30 %, pour ne citer qu’eux. Cette performance du marché s’explique certes par un retour à une année plus classique en termes de ventes comparée à une année 2023 morose pour le marché, mais pas seulement.
Un autre phénomène entre en ligne de compte. « Dans le renouvellement des ustensiles de cuisine, il y a plusieurs cas de figure, observe Alexis De Nazelle. Soit le consommateur est satisfait du revêtement PTFE et continue à acheter les produits qui en contiennent. Soit il souhaite renouveler son équipement mais veut changer de revêtement. Enfin, il y a aussi une catégorie de consommateurs, environ 20 % des Français, qui, PFAS ou non, recherchent des produits à conception écoresponsable, avec des matériaux renouvelés et une empreinte RSE plus favorable et qui, de fait, s’orientent sur des produits tels que ceux revêtus de céramique. »
Le PTFE est-il pour autant boudé des consommateurs ? La réponse est non, selon Alexis De Nazelle (Groupe SEB). « Dans les faits, les ventes l’attestent, les consommateurs continuent à acheter des ustensiles revêtus PTFE, souligne-t-il. Depuis de nombreuses années, les casseroles, les faitouts et les marmites sont achetées à 50 % en inox non revêtu, c’est donc sur les poêles que se concentre le sujet.
Et sur ce produit spécifiquement, le revêtement PTFE est en croissance de 12 % depuis le mois de janvier et + 16 % depuis le mois de mars, confortant l’attrait des consommateurs sur ce revêtement, approuvé par les travaux scientifiques des différentes instances (OMS, Autorité européenne de sécurité des aliments et la Food and Drug Administration, etc.) qui l’estiment non nocif pour le consommateur. »
Le dynamisme du segment cookware du Groupe SEB est aussi à mettre sur le compte de la reprise des opérations commerciales de recyclage d’ampleur dont la finalité est la reprise de poêles en aluminium en échange de bons d’achat et qui représentent pratiquement deux millions de produits récupérés depuis 2012.
Outre que le fait que chacune de ces opérations dynamisent les ventes de Tefal et stimulent le marché, celles-ci procurent au groupe un gisement non négligeable en termes de sourcing de matières.
Chez Cristel ou De Buyer, où le revêtement céramique est considéré avec prudence et pour qui le cheval de bataille est l’ustensile non revêtu depuis des décennies, le PTFE reste pour l’heure le seul revêtement au catalogue, au même titre que d’autres marques. « Nous avons finalement peu de recul concernant les revêtements sol-gel [céramiques, N.D.L.R.], fait valoir Sophie Hesse, directrice marketing de De Buyer.
Et notre message n’a jamais consisté à dire que la poêle antiadhésive est l’ustensile à tout faire, même si nous recommandons d’en avoir une dans sa batterie de cuisine pour les cuissons douces. Néanmoins, si aucune loi n’interdit le PTFE, nous nous préparons à un éventuel changement. Nous étudions donc d’autres pistes et nous sommes sur ces sujets de qualification, car nous voulons formuler la promesse d’un revêtement qualitatif, compatible avec le contact alimentaire bien entendu, et durable dans le temps. »
Chez Cristel, le sujet est également à l’étude. Pour l’heure et ainsi qu’il le fait depuis une quarantaine d’années, le fabricant axe son message sur l’apprentissage de la cuisson dans l’inox, gage ultime de durabilité et de fiabilité. « La seule alternative que nous conseillons aujourd’hui, c’est d’apprendre à cuisiner dans l’inox, d’autant qu’il est possible d’y cuire pratiquement tout, y compris sans matière grasse, martèle Damien Dodane, directeur général délégué de Cristel. Sans oublier que nos ustensiles en inox sont garantis à vie ! »
LA QUÊTE DE SOLUTIONS ALTERNATIVES
D’autres acteurs ont déjà amorcé le virage, au profit des revêtements sol-gel (à base de verre et de silice) dits céramiques qui ne sont pas à proprement parler nouveaux, notamment représentés par The Cookware Company, mais dont il est impossible de ne pas remarquer l’arrivée massive sur le marché depuis quelques mois. « Anticipant les changements réglementaires à venir et soucieux de répondre dès maintenant à la demande des consommateurs, Lacor a d’ores et déjà commencé à intégrer à son catalogue deux batteries de poêles sans PFAS, une en inox et une en aluminium », illustre pour sa part Christophe Decanter, directeur commercial Lacor France. Ainsi, les nouvelles gammes Cuisine (inox 18/10) et Vukan (aluminium de haute qualité) sont dotées du revêtement antiadhésif en céramique PPG Fusion pro nouvelle génération 100 % PFAS free.
PATISSE CAPITALISE SUR SES SOLUTIONS ALTERNATIVES AUX PFAS
Fabricant de moules à pâtisserie depuis 1989, Patisse propose une grande variété de matériaux dans la constitution de ses moules et « a toujours intégré dans son catalogue des alternatives aux moules revêtus car la demande ne date pas d’aujourd’hui », souligne la marque.
Ces solutions alternatives sont au nombre de 4, et présentent un point commun : elles disposent d’un revêtement naturel ne nécessitant aucun ajout de revêtement chimique : Professional (photo), la gamme inspirée des professionnels, constituée d’aluminium anodisé ; Premium, des moules à pâtisserie en acier émaillé, héritage de la tradition pâtissière d’antan ; Fer blanc, des moules à l’état brut qui montent très vite en température, utilisés en pâtisserie depuis longtemps ; Tôle bleuie, une référence adoptée par les boulangers et les pâtissiers.
Patisse capitalise ainsi sur son offre de matériaux durables et travaille en parallèle sur une nouvelle génération de revêtement pour ses moules en acier revêtu.
Le Groupe SEB a également pris le chemin de la diversification de ses revêtements depuis plus de dix ans sur la céramique et l’inox, et encore récemment avec sa gamme écoconçue Renew (Tefal) lancée en 2023. Fabriquée en France, cette dernière se compose de poêles et de casseroles en aluminium 100 % recyclé et équipée du revêtement céramique antiadhésif exclusif Inoceram.
« Pour la cuisson des aliments les plus délicats tels que le poisson ou les œufs, Lagostina, marque spécialisée dans la fabrication d’ustensiles en inox, a à cœur d’offrir une sélection de produits antiadhésifs : en PTFE ou depuis septembre dernier en céramique », ajoute pour sa part Claire Gaudin, chef de produit marques premium Groupe SEB France.
« La céramique connaît un réel essor depuis 2023, avec une croissance de l’ordre de 180 %, souligne Alexis De Nazelle (Groupe SEB). Aujourd’hui, 8 consommateurs sur 100 achètent une poêle revêtue céramique. Avec 55 % de parts de marché sur la céramique ces derniers mois et encouragés par les retours positifs de nos clients, nous accélérons sur ce segment. »
En ce deuxième semestre, Tefal dévoilera Renew Black, une céramique noire et non grise, plus premium, et annonce une actualité forte en la matière en 2025. La marque Beka a pour sa part réorienté sa stratégie en annonçant cette année que tous ses nouveaux développements seraient dorénavant exempts de PFAS. « Nous proposons encore quelques références très spécifiques avec du PTFE, mais tous nos produits en aluminium passent en revêtement céramique », explique Philippe Gelb, directeur général de Beka France. Une décision qui n’a pas été prise à la légère compte-tenu des revers que les marques ont connu avec ce revêtement il y a une dizaine d’années.
« Nous avons attendus d’être satisfaits de la solution avant de nous engager sur cette voie, reconnaît Philippe Gelb. Il nous fallait être absolument certains de la qualité et de la durabilité, désormais apportées par la neuvième génération de céramique.
Nous travaillons avec les deux fournisseurs avec lesquels nous avons le plus de recul, et nous appliquons un revêtement en deux couches pour garantir la longévité de son pouvoir antiadhésif. Et nous restons sur des tarifs similaires à ceux des ustensiles en PTFE. Nous sommes en revanche moins convaincus de la pertinence du revêtement céramique sur l’inox, aussi nous choisissons de proposer uniquement du non revêtu sur ce segment. »
Chez Gobel (groupe Louis Tellier), la réflexion sur une solution alternative au PFAS a débuté il y a trois ans pour aboutir en 2024 à une démarche PFAS free, avec l’introduction d’un nouveau revêtement.
« Notre premier métier est de fournir le CHR et les collectivités : nous répondons donc à des exigences strictes en matière de traçabilité sur le produit et les matériaux, rappelle Mickaël Gouin, directeur commercial et marketing du groupe Louis Tellier. Et même si notre revêtement PTFE nous donne satisfaction car son innocuité est avérée, nous avons commencé à étudier le sujet de l’antiadhérent sans PFAS il y a trois ans. »
En 2022, Louis Tellier change d’actionnaires (Sparring capital et Bpifrance) ; déjà engagée, l’amélioration de l’impact de l’entreprise sur l’environnement devient une priorité.
« Notre partenaire qui avait déjà mis au point notre revêtement PTFE nous a proposé de nous accompagner dans ce projet sans PFAS. » Pas moins de deux ans ont été nécessaires pour rendre disponible ce nouveau revêtement, à base de PES (polyéthersulfone) renforcé en silicium, et qui doit aussi satisfaire la clientèle professionnelle de la marque en termes de performances et de longévité. « Le produit est validé chez nous depuis fin 2023 mais commercialisé seulement depuis juin 2024, poursuit Mickaël Gouin. Nous nous sommes donné le temps d’avoir toutes les certitudes en termes d’innocuité, d’impact environnemental et de qualité et de tester le produit auprès des professionnels qui en ont un usage intensif. » La gamme classique a été la première à inaugurer ce nouveau revêtement, sans modification de tarifs malgré des coûts de production plus élevés, et Gobel travaille actuellement à la transition pour sa série Obsidian.
L’INOX PERFORME PLUS QUE JAMAIS
Mais le grand gagnant de ce contexte est incontestablement l’acier inoxydable, en croissance de plus de 20 % et qui séduit actuellement un acheteur de poêle sur 10. « Aujourd’hui, nous observons que les consommateurs s’interrogent au sujet des PFAS et cela se traduit par un souhait d’acheter des ustensiles sans revêtement, analyse pour sa part Sophie Hesse (De Buyer). Cela s’est accentué depuis les événements d’avril, avec une progression phénoménale des produits en inox et acier. Certains consommateurs finissent par émettre un doute sur les revêtements céramique ou PTFE. C’est le no PFAS à tout prix. Nous avons lancé de nombreuses références en inox ces dernières années et nous avons bien fait. Nous complétons de plus les collections acier cet automne. »
Et il est vrai que l’acier inoxydable, stable et brillant, a de quoi séduire. C’est en effet l’un des matériaux les plus robustes et durables : il supporte des températures élevées et les chocs thermiques n’ont aucun effet sur lui.
Matériau inerte, il rime avec innocuité en matière de contact alimentaire car il ne génère pas d’échange moléculaire durant la cuisson. Il ne modifie ni le goût ni l’aspect ni l’odeur des aliments. Sans oublier son caractère recyclable : le fabricant français Cristel, par exemple, utilise pour sa part de l’acier inox recyclé à 90 %.
Autre exemple avec Lagostina qui fabrique ses ustensiles en inox en Italie avec 92 % d’inox recyclé. Ce sont notamment ces propriétés qui ont bâti le succès de Baumstal, la marque pionnière de la cuisson à basse température, propriété d’Allinox depuis le rachat de Baumalu fin 2023. Depuis plus de 50 ans, elle est spécialisée dans les ustensiles de cuisson en inox 18/10. Principalement commercialisée dans les circuits de distribution bio où elle fait figure de référence, elle fait son entrée dans le circuit traditionnel via Beka France qui compte capitaliser sur l’engouement pour l’inox pour réussir cette implantation.