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Dossier
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Café : l'engouement pour les espresso broyeurs ne désespère pas les acteurs de la filtration lente
Si le dynamisme du segment des machines full automatiques ne faiblit pas, le slow coffee a toujours les faveurs des consommateurs, surfant sur la montée en puissance des cafés de spécialités.
La France occupe une place centrale dans l’histoire du café, ayant joué un rôle essentiel dans son commerce et sa diffusion à l’échelle mondiale. De plus, le pays est le foyer de nombreuses innovations méconnues liées aux techniques de traitement et aux machines permettant d’obtenir les arômes les plus raffinés du café. À date, neuf foyers français sur dix seraient équipés d’au moins une machine à café et 37 % en posséderaient plusieurs. Ces chiffres témoignent de l’engouement des consommateurs pour cette boisson. Cependant, les préférences et les habitudes évoluent, et conduisent à des changements significatifs dans l’industrie.
Si la machine à café filtre était traditionnellement le premier équipement
des Français, elle n’équipe désormais que 40 % des foyers français.
« C’est conséquent, mais la tendance est à la baisse parce qu’on
multiplie les équipements avec le portionné qui équipe 53 % des foyers
et les espresso broyeurs dont la montée en puissance est tangible,
analyse Émilie Pin qui est responsable statistiques et études au Groupement des marques d’appareils pour la maison (Gifam). Le marché
d’espresso broyeur a été multiplié par cinq en 5 ans et les études
révèlent que 600 000 machines full automatiques ont été vendues en
2022 (source : GFK market intelligence) sur 5,3 millions de machines à
café tous types confondus. C’est très dynamique. »
LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L’EXPRESSO BROYEUR
Pas moins de cinq raisons expliquent l’engouement pour l’espresso broyeur : « Le premier élément, c’est l’expression d’un besoin d’équipement qualitatif. La tendance existait avant le covid, mais le coup d’accélérateur durant cette période a été réel. Les consommateurs n’hésitent pas à mettre le prix pour avoir un appareil de qualité proche de celui des professionnels », poursuit Émilie Pin. Une analyse partagée par Thomas Spanu, chef de produit chez WMF : « Avec ces machines full automatiques, on retrouve la qualité du bar ou du restaurant. Et c’est clairement ce que recherchent les consommateurs. » À ce désir d’avoir un équipement ménager fiable, efficace et de qualité viennent s’ajouter des préoccupations écologiques.
« Les consommateurs boudent progressivement les capsules pour des questions écologiques et économiques. L’utilisation de l’aluminium, l’énergie nécessaire à sa transformation... À cela s’ajoute l’opacité des capsules. Le café à l’intérieur est déjà broyé, transformé. Et ces acteurs sont tellement énormes qu’on a du mal à savoir ce qui se trouve réellement à l’intérieur. Si Malongo ne met que du café dans ses pods, pour les autres, c’est plus incertain. L’avantage de l’espresso broyeur, c’est qu’aussitôt moulu, il est infusé. On restitue ainsi tous les arômes du café, mais aussi les huiles qui forment la fameuse crema présente au-dessus des espressos.
Il faut bien comprendre qu’une heure après avoir été broyé, la mouture du grain perd 50 % de ses arômes. C’est là tout l’intérêt des espresso broyeurs », explique Bruno Salamonde, dirigeant de Scott France. Les amateurs de café seraient également toujours plus désireux d’obtenir des résultats sur mesure qui correspondent à leurs préférences individuelles. « On constate que les fabricants innovent sur les recettes proposées par les machines full automatiques. Ils proposent désormais du café froid, plusieurs boissons à base de lait. Les innovations du moment sont vraiment tournées sur ce type de proposition », analyse Émilie Pin.
Un constat partagé par Thomas Spanu : « Le développement
du lacté est réel. Il existe deux Europes en termes de café, celle du
café noir à l’ouest (France, Espagne, Portugal, Italie) et celle du lacté à l’est (Allemagne, Pologne, Pays-Bas, Russie). En France, nous restons
majoritairement adeptes du café noir, mais la part du lacté a grandi
de 6 points en deux ans. Et sur le marché on voit de plus en plus de
machines qui incorporent cette proposition de boissons lactées, avec
des qualités de boissons lactées similaires à celles qu’on trouve dans
un coffee shop. » C’est le cas de la machine WMF Perfection qui en
plus de proposer des boissons lactées permet de les personnaliser et
d’enregistrer les réglages idéaux. Un sens de l’innovation qu’on retrouve
également chez Jura : « Sur nos machines, on peut même changer les
températures du lait, du café, mais aussi l’intensité du café, souligne
Anna Lagleize, responsable marketing et communication chez Jura.
On peut également programmer jusqu’à 35 recettes différentes sur nos
modèles les plus haut-de-gamme. »
Par ailleurs, bien que les machines à espresso broyeur puissent représenter un investissement initial plus élevé, à long terme, elles offrent un coût par tasse de café moins élevé par rapport aux capsules et dosettes. Les consommateurs peuvent économiser de l’argent en achetant du café en grain en vrac plutôt que des capsules individuelles. « Avec un espresso broyeur, le café revient à 12 centimes. Avec une capsule le prix grimpe à 40 centimes, voire davantage », témoigne Bruno Salamonde (Scott France). Enfin bon nombre des acteurs du secteur s’accordent à dire qu’un parallèle peut être fait entre le monde du café et celui de l’œnologie et que cela profite à ces machines sophistiquées. « On est sur un monde connexe à celui du vin. Les consommateurs se dirigent de plus en plus vers des torréfacteurs et l’offre du café en grain s’étend.
C’est un phénomène marqué et l’ascension de l’espresso broyeur témoigne de ces
préoccupations », remarque Émilie Pin. Sur ce point encore, Thomas
Spanu (WMF) la rejoint : « C’est tout un écosystème qui monte en puissance, avec les torréfacteurs, les baristas, la notation des grains, etc. Ça
a toujours existé, mais le développement est fulgurant depuis les 3 ou
4 dernières années. » De plus, « les enjeux de sourcing sont de plus en
plus présents, notamment auprès des torréfacteurs qui mettent en avant
une démarche éthique et engagée pour rassurer le consommateur »,
souligne Julien Augusto, coordinateur Gaggia domestique France.
LE SLOW COFFEE N’A PAS DIT SON DERNIER MOT
Comme de nombreux univers, le monde du café peut être clivant. Les
préférences et les opinions des amateurs de café peuvent varier considérablement, ce qui crée souvent des débats et des divergences d’opi
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nions. Notamment en ce qui concerne les méthodes d’infusion. « Le
marché des machines à espresso broyeur est plus gros en valeur étant
donné leur prix, mais la quantité de cafetières filtre vendues demeure bien plus importante. La cafetière filtre perdure et ce n’est
pas près de s’arrêter avec l’offre grandissante de cafés
de spécialité », évalue Alexis Figini, brand manager pour
De’Longhi. Marc Picard chez Bodum confirme : « Pour
moi nous sommes toujours dans la troisième vague, celle
du slow coffee au sens pour-over, c’est-à-dire associé
au grain fraîchement moulu. Oui, on constate une très
forte croissance du café en grain tout juste moulu. Mais
c’est une petite portion du marché. C’est un peu la Rolls
Royce. Mais est ce qu’on a vraiment besoin d’un espresso
broyeur pour faire du bon café ? La réponse est non », affirme-t-il avant de poursuivre : « La tendance c’est le slow
coffee allié au fait de moudre. Cela exalte les saveurs. Les
méthodes d’infusions douces sont les seules qui vous permettent de véritablement découvrir les arômes d’un café. Il
n’y a qu’avec l’alliage de ces deux méthodes que l’on peut
comprendre le concept du café d’origine. » Pour Mathilde
Bonnaud, gérante de Moccamaster By Calita, si le café
filtre a longtemps eu mauvaise presse c’est uniquement
parce que les consommateurs le laissaient chauffer sur
plaque toute la journée. « Pour avoir une bonne extraction
de café, la température de l’eau doit osciller entre 92° C
et 96° C. Il doit par la suite être maintenu à la bonne température. Nos machines disposent d’un capteur de température sous la plaque maintenir le café à la température
maximum de dégustation soit 85° C. » Si Mathilde Bonnaud établit elle
aussi une similitude avec le vin, elle raisonne différemment : « Le café,
c’est comme l’œnologie. Le sujet de la traçabilité est de plus en plus
prégnant. Et pour déguster des grands crus de café, on a besoin de
slow coffee. Avec nos machines électriques, on obtient quasiment la
même extraction qu’avec une Chemex. Il faut bien comprendre qu’il y
a davantage de caféine dans une tasse issue d’une filtration lente que
dans un espresso. On sentira plus les arômes avec une filtration lente.
Par ailleurs, le café filtre à un autre avantage, le filtre papier retient une
grande partie du mauvais cholestérol. »