Cocktails, vins, champagnes, bières, mais aussi no-low (petit nom pour les boissons sans alcool), l’
Dossier
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Comment l'augmentation du prix du verre impacte les prochaines tendances et la distribution ?
Comment l’augmentation du prix de l’énergie et le conflit qui engage l’Ukraine et la Russie ont-ils impacté l’industrie du verre ? À quel point la pandémie a-t-elle influencé les habitudes de consommation ? L’Europe subit un changement qui impacte directement le prix du verre et du cristal. A quel point ce coût évoluera-t-il dans les prochains mois et perturbera le secteur ? Éléments de réponse.
Le verre, objet du quotidien, est aujourd’hui directement en lien avec l’actualité. Notre époque est marquée par d’anciens confinements, une pandémie mondiale et un conflit en Europe qui bouleverse le pouvoir d’achat et les habitudes de consommation de chacun.
Certains produits notamment de nécessité voient leurs prix
fluctuer et bien souvent d’autres secteurs sont impactés… Le verre
ne fait pas exception, il subit lui aussi les conséquences d’une énergie
plus chère, d’un approvisionnement perturbé, du packaging aux matériaux de combustion. A quel point le verre va-t-il devenir coûteux ?
Comment les industriels et les enseignes spécialistes transformeront-ils
leur production?
UNE DEMANDE CROISSANTE DEPUIS LE DÉBUT DE LA PANDÉMIE
Une chose est certaine : l’industrie du verre se porte bien en Europe, notamment en France où les fabricants et les détaillants ont du mal à suivre la cadence. Il leur est difficile de répondre à la demande, d’autant plus lorsque les usines tournent déjà à plein régime pour livrer tous les clients, restaurateurs ou détaillants. Pour les particuliers, situés en bout de chaîne, tout ce travail de préparation est à peine perceptible. Pourtant, dans l’industrie du verre et du cristal, les commandes explosent.
Cette hausse de la demande oblige les spécialistes à se dépasser pour réussir à produire suffisamment, proposer des nouveautés ou simplement répondre aux commandes des clients. «Nos usines sont complètement saturées, la demande excède nos capacités de production», témoigne Sébastien Fauveaux, directeur de la marque Luminarc. Le phénomène se généralise et le temps d’attente s’allonge, toutefois les carnets de commandes ne désemplissent pas… Il s’explique par le confinement, qui a encouragé un retour de l’“être ensemble”. Les foyers apprécient recevoir de nouveau après avoir vécu la solitude. Il est question d’apprendre à faire soi-même et à partager en direct dans une certaine recherche d’authenticité.
Chacun reprend plaisir à dresser une table de manière classique pour revivre les instants de convivialité. Puis, le déconfinement a permis aux restaurateurs, aux bars et aux autres espaces publics en lien avec la consommation de boissons, de profiter d’une bonne relance de leurs activités. Résultat, le verre a le vent en poupe comme l’évoque Laurent Chignon directeur des marques Arcoroc et Chef & Sommelier : «La fréquentation bar, hôtel et restaurant est forte… Nous sommes dans la sortie du confinement, toutes les contraintes sont tombées, il n’y a plus de masques, plus de restrictions et les clients veulent consommer. Les commandes sont donc fortes et on est au-delà de la capacite de production.
Pour le moment, on n’observe aucun fléchissement au niveau des foyers ou des restaurateurs. » Toutefois, les professionnels restent prudents. Ils sont conscients que cette augmentation s’explique aussi par une période particulière. Avec l’actualité, les marchés fondent à vue d’œil et l’inquiétude au sein des consommateurs va grandir davantage, notamment lorsque le pouvoir d’achat va directement subir les conséquences du conflit. « Malgré tout, nous restons prudents, poursuit Laurent Chignon.
Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une bulle d’après-covid. Il y a un gros risque qu’en septembre, nous soyons tous rattrapés par l’augmentation de la vie et de l’énergie, le premier budget qui en souffrira sera donc les loisirs et les sorties. »
HAUSSE DE LA DEMANDE ET IMPACT SUR LE PRIX
Malgré une forte demande, les fabricants sont face à un véritable challenge : les ventes se multiplient, les commandes aussi, mais le climat actuel au sein de l’Europe rend l’approvisionnement compliqué. Directement touchés par la guerre qui oppose l’Ukraine et la Russie, ils sont confrontés à une hausse du coût de l’énergie, notamment du gaz, essentiel pour le fonctionnement des fours qui permet la production de verres. Victor Ulrich, directeur marketing chez Riedel, explique à quel point cette hausse du gaz peut devenir problématique dans la chaine de production : «Nous avons besoin de brûleurs pour produire. Moins on ajoute de feu et de gaz durant la production, moins la transparence et la brillance seront au rendez-vous.
Voilà pourquoi se passer de cette source d’énergie est impossible. Réduire le volume d’énergie est tout autant inenvisageable pour conserver la qualité et la beauté de nos verres. »
Qui plus est, d’autres matières premières telles que le lithium, la soude ou le charbon viennent à manquer et le souci d’approvisionnement impacte également les packagings si précieux pour le transport du verre si fragile. Michael Descoust, responsable de la relation client chez Vessière cristaux, témoigne aussi de cette inquiétude : « Il est difficile de prévoir les ventes d’ici à la fin de l’année au vu de la situation et de la conjoncture… C’est la “gueule de bois” du covid, l’inflation a augmenté, là on se dirige vers une récession d’ici la fin de l’année, mais également pour l’année prochaine. » « Je ne suis pas inquiet, estime pour sa part Jean-Loup Ravinet, dirigeant de Ravinet d’Arc, agence des marques Spiegelau et Nachtmann.
Notre positionnement qualité-prix très adapté au marché français limite l’impact de ces augmentations sur les ventes de nos clients. Et puis nous sommes sortis du “tout, tout de suite” et ce n’est pas un mal. Ceux de nos clients qui anticipent sont bien servis. C’est compliqué mais c’est la “prime aux bien organisés”, une excellente façon d’encore renforcer notre distribution sélective et ce n’est pas pour me déplaire.
Quant à la demande, elle restera forte pour les produits de notre niveau. Quand un consommateur découvre le monde des verres de qualité et adaptés au vin, il ne peut plus le quitter. » Les fabricants doivent s’adapter à tous ces facteurs perturbateurs, pour répondre à la demande, ils produisent et stockent davantage, tant bien que mal… tentant de se préparer en augmentant leur capacité de stockage des matières premières pour éviter un fléchissement de la production.
Pour ce qui est des emballages, même combat : il faut commander plus, espérer recevoir le nécessaire et prévoir un stock considérable de packaging pour assurer la livraison de tous les clients. Néanmoins, malgré tout, pour s’adapter aux nouveaux cours appliqués depuis l’évolution de ce conflit, chaque fabricant a dû revoir sa grille tarifaire et impacter le prix proposé à tous les types de clients, professionnels comme particuliers. « L’énergie est le poste qui coûte le plus cher et de manière fixe.
Le coût du kilowatt a été multiplié par 10, c’est monstrueux. » Les mots de Nicolat Bigot, le porte-parole de La Rochère, démontrent à quel point la hausse du prix des verres est inévitable : le conflit actuel transforme l’ensemble de l’industrie verrière qui doit augmenter les prix proposés de 6 à 30 % selon le secteur. La hausse est pour le moment maîtrisée et ne semble pas perturber les consommateurs qui continuent d’affluer.
Toutefois, le climat psychologique et politique peut potentiellement devenir de plus en plus pesant et la facture énergétique de plus en plus onéreuse, alors la plupart des fabricants s’attendent à devoir gonfler davantage leurs tarifs à l’avenir. Afin de pallier ces augmentations actuelles et à venir, de nombreux détaillants s’approvisionnent en amont afin d’optimiser leur stock pour permettre de répondre aux demandes de leurs clientèles, et limiter l’impact immédiat sur le prix en boutique.
REPENSER LES TENDANCES
L’ensemble de ces bouleversements et de ces changements au sein de l’industrie du verre et du cristal transforme les tendances à venir de trois manières. Tout d’abord, les consommateurs pensent et achètent différemment : alors que durant le confinement, ils ont été friands d’achats sur internet, aujourd’hui l’e-commerce se voit dépasser par la vente physique où il est possible d’appréhender l’aspect qualitatif des produits. Victor Ulrich (Riedel) explique : «En magasin, la vente est plus conséquente, car le verre se touche et se perçoit avant d’être acheté, il est plus facile de constater la qualité de cette façon. Il est possible d’embellir le produit avec la vente en ligne, mais pas en physique. »
Toutefois, les fabricants continuent de percevoir ces deux pôles de ventes de la même manière, conscients que la vente en ligne a sauvé leur activité lorsqu’il était question de garder les boutiques brick and mortar fermées, comme en témoigne Sébastien Fauveaux (Luminarc) : «Depuis le confinement, vendre en ligne est évident. L’e-commerce permet de regarder en temps réel les ventes, c’est très flexible et il est possible de faire des tests plus facilement. La boutique en ligne se développe et le magasin physique perdure, cela devient une osmose. »
La vente en ligne ne se limite pas au consommateur final, mais également aux détaillants qui pourront bénéficier d’avantages logistiques et économiques sur les marketplaces telles qu’Ankorstore, Faire ou Orderchamp. Ces dernières bénéficient d’une reconnaissance du marché ainsi que le montre les dernières levées de fond (Faire : 220 millions d’euros en juin 2021 ; Ankorstore : 250 millions d’euros fin 2021 ; Orderchamp : 20 millions de dollars en mai 2021).
Ces plateformes apportent de nombreuses innovations, à l’image d’Ankorstore qui, avec sa nouvelle stratégie Rewild Retail, propose une solution tout-en-un pour redynamiser le commerce indépendant et soutenir les détaillants sur tous les fronts : approvisionnement, administration, finance… Observer les courbes des ventes et constater la popularité des gammes permet de deviner le deuxième axe de changement qui intervient au sein des tendances. Les foyers ont pris conscience qu’ils étaient mal équipés, ils se sont intéressés de près aux différentes boissons telles que le vin, la bière ou les cocktails, et ont donc voulu s’équiper en conséquence. Encore aujourd’hui, ils restructurent leur table et leur manière de recevoir.
Cela n’est pas sans conséquence pour les fabricants qui, de manière habile, ont su repenser les collections pour parvenir à conserver leur fort taux de conversion. De nouveaux produits voient le jour, notamment chez La Rochère, qui proposera prochainement des bougies.
Ou encore du côté des autres fabricants soucieux de mettre en avant des kits complets pour les passionnés de cocktails, de whisky, et bien plus encore comme RCR qui propose Combo (coffret bouteille + verre à liqueur), La Rochère qui présente un coffret Dandy avec 4 gobelets à whisky et LSA international qui offre le Punch Bowl set, un ensemble de bols à punch, 6 verres et la louche en verre.
Certaines enseignes
privilégient les coffrets tout-en-un avec lesquels les consommateurs
obtiennent les essentiels pour savourer tous types de boissons, par
exemple Nachtmann et son set de 18 verres à cocktails. Parfois il s’agit
d’anciennes collections mises en avant de manière différente, sous un
axe davantage multi-usage comme chez Arcoroc ou encore Chef &
Sommelier. Le fait de repenser les façons d’utiliser réduit le besoin en
espace de stockage et s’accompagne d’un autre mouvement, la mise
en vente de verre pour le low alcool, autrement dit le développement
des boissons faiblement alcoolisées ou totalement dénuées d’alcool,
par exemple avec la collection Summer Pop de Luminarc.
Toutefois, les tendances ne sont pas uniquement repensées, elles sont parfois repoussées ou encore impactées directement par la surcharge des usines de production, voire les problèmes d’approvisionnement. C’est ce qu’explique Laurent Chignon (Arcoroc) : «Nous sommes face à un phénomène de décalage pour les nouvelles sorties qui fait que les anciennes collections restent plus longtemps.
Les nouvelles gammes
sont retardées à cause de la saturation, de ce fait tous les plans suivants
changent. Nous tentons de réaliser une réduction de la volumétrie de la
nouveauté. » Les fabricants repoussent parfois la sortie des nouveautés
pour répondre à la demande actuelle et tenter de fournir les clients au
plus vite, car un délai d’attente allant de 3 à 15 mois selon des fabricants
ou de la rareté du produit, est observé.
Malgré tout, il est toujours question de proposer de nouvelles collections comme l’avoue Victor Ulrich (Riedel) : « Il y a toujours beaucoup de nouveautés chaque année, nous n’allons pas tirer un trait sur les nouvelles collections, nous savons à quel point c’est important. ».
Ainsi, Riedel propose cette année Véloce, une gamme de verre mixant la précision de la production mécanique avec l’impression du fabriqué mains et Rock Glass, des verres à cocktails fins et élégants qui peuvent se décliner sous d’autres formes d’usage. Les fabricants voient leur quotidien changé, ils doivent jongler entre la sortie de nouvelles pièces de verre et une capacité de stockage qui diminue dans les entrepôts surchargés par la forte demande. Alors, ils revoient le fonctionnement et les sorties des produits comme le dit Sébastien Fauveaux (Luminarc) : «Nous devons supprimer des produits pour renouveler l’offre puisque les rayons ne sont pas extensibles, tout comme notre capacité à produire.
Nous
remplaçons donc les low-runner avec des nouveautés plus tendances
et qui constituent de bons basiques. Le tout pour conserver une activité
dynamique et rester fidèle à notre philosophie. »
Le monde du verre est en mouvement et la manière de percevoir les
nouvelles sorties aussi. Il est question de répondre à de nouvelles habitudes de consommation, mais aussi tenir compte de problématiques
plus compliquées comme les défauts d’approvisionnement. Malgré tout,
les fabricants et les détaillants sont conscients de ces changements et
leur savoir-faire vient finalement prendre le dessus pour réussir ce jeu
d’équilibriste afin de continuer à être attractif.