Dossier

Quand le commerce devient divertissement

13 novembre 2024

Face à la montée du commerce en ligne, le retailtainment s’impose comme une stratégie incontournable pour les enseignes physiques. En mêlant technologie immersive, personnalisation ou encore gamification, les marques cherchent à transformer l’acte d’achat en une expérience ludique et mémorable. Dans un contexte de concurrence accrue, ces nouvelles pratiques redéfinissent les codes du retail et renforcent le lien entre les consommateurs et les points de vente.

L’industrie du jouet a indéniablement été l’une des premières à saisir l’importance de l’expérience client en magasin. Dès leur création à la fin des années 1940, les magasins Toys “R” Us mettaient l’accent sur le jeu et l’interactivité. Les espaces de jeux, les animations et les démonstrations étaient déjà au cœur de leur approche, permettant aux enfants de tester les jouets avant de les acheter. Cette stratégie, loin d’être isolée, a été adoptée par de nombreux autres secteurs. À l’instar des marques de mode qui continuent d’être pionnières en matière de retailtainment. Les défilés en magasin, les ateliers de personnalisation, les pop-up stores thématiques et les expériences immersives en réalité augmentée témoignent de cette tendance à créer des univers de marque forts et à rendre l’acte d’achat plus ludique. 

Le fabricant français Cristel a fait de la démonstration culinaire un axe stratégique fort pour former les équipes de ventes mais aussi les consommateurs à la cuisson dans les ustensiles en acier inoxydable. Il organise ainsi environ 200 ateliers par an.

Aujourd’hui, cette stratégie gagnante qui vise à attirer de nouveaux clients, à fidéliser ceux existants et à renforcer l’image de marque, semble s’imposer de plus en plus. Et pour cause, à l’ère de la concurrence intense dans le commerce de détail, et face à l’impérieuse nécessité de revitaliser le commerce physique pour faire face à la concurrence du commerce en ligne, l’expérience client se distingue comme un facteur clé de succès. « Transformer l’acte d’achat en une expérience hors du commun pour inciter les consommateurs à aller en ville et à entrer en boutique représente un véritable défi pour les détaillants comme pour les marques. Et pour cause, la puissance d’internet, exacerbée par les réseaux sociaux, bouleverse profondément les habitudes de consommation », analyse Françoise Detroyat, directrice marketing et communication d’Opinel. 

Depuis 1890, cette marque française séduit les amateurs de couteaux grâce à son design ingénieux et à la qualité de ses matériaux. Consciente de l’évolution des attentes des consommateurs, comme d’autres, elle a su s’adapter en intégrant le retailtainment à son offre. Et pour cause, même dans un secteur aussi traditionnel que la cuisine, la gamification, la démonstration loin d’être nouvelle si l’on pense au soufflage de verre ou la forge de couteaux, l’utilisation de design innovant ou de nouvelles technologies ont toujours offert une expérience unique qui séduit un public toujours plus large. Aujourd’hui ces pratiques se développent à mesure qu’évoluent les nouvelles attentes des consommateurs. En septembre dernier, se déroulait le salon Paris Retail Week.

 
Pour augmenter sa notoriété et attirer les consommateurs en boutique, l’enseigne Bracconi recourt aux réseaux sociaux qui permettent également de faire découvrir au grand public l’étendue de sa gamme de produits.

A l’occasion de ce rendez-vous majeur du retail omnicanal, Arnaud Gallet, directeur du pôle retail de Comexposium, a pu apprécier un certain nombre de tendances : « Nous avons la chance d’organiser un événement qui fait le point sur toutes les innovations du secteur.

En termes de retailtainment nous pouvons relever un certain nombre de tendances en 2024 : des concepts de magasins éphémères avec les pop-ups et concepts stores qui créent le sentiment d’exclusivité et de rareté ; des expériences immersives et interactives avec la réalité augmentée et la réalité virtuelle (cabines d’essayages virtuelles, jeux interactifs, visualisation des produits de la marque dans son intérieur, etc.) ; 

des expériences phygitales qui allient le physique et le virtuel avec des bornes interactives en magasins, la géolocalisation pour des promotions en temps réel, l’utilisation de QR codes pour des informations plus détaillées ; des événements pour créer de la valeur et de l’attachement à la marque (formations, ateliers en magasins, démonstrations, cours) ; utilisation de l’intelligence artificielle et des chatbots (une assistance en temps réel, des conseils personnalisés et un service client amélioré). 

Ces tendances mettent en évidence par leur nombre que les enseignes sont de plus en plus conscientes de l’importance du retailtainment pour améliorer l’expérience de leurs clients. »

LA PREUVE PAR L’EXEMPLE

De toutes les stratégies pour enrichir l’expérience client, Lionel Debus, directeur général du réseau de magasins Trouble obsessionnel culinaire (TOC) l’affirme : la démonstration reste la plus évidente. « Il est inconcevable pour nous d’imaginer nos magasins sans espace dédié à la démonstration culinaire. La quasi-totalité de nos points de vente dispose d’une cuisine équipée. Nos réseaux sociaux, notamment Instagram, témoignent de notre dynamisme : à Nantes, à Nice, et dans de nombreuses autres villes, nous organisons régulièrement des ateliers de cuisine. À l’avenir, nous envisageons d’aller encore plus loin en proposant des showcookings avec des chefs renommés, à l’instar des opérations réalisées par Fou de pâtisserie et Valrhona. Pour attirer un large public, il est essentiel de faire appel à des personnalités culinaires reconnues. » 

Dans le réseau TOC, la démonstration culinaire est un pilier de l’expérience client en magasin, aussi chaque point de vente dispose d’un espace dédié.

Rejouer des scènes façon Top Chef avec des espaces de vente aménagés comme de véritables studios de tournage, avec des éclairages étudiés, des animations visuelles et sonores, crée indéniablement une atmosphère propice à la découverte et à l’achat. Michael Zarb, directeur commercial et du développement de Bracconi, en est également intimement convaincu : « Les démonstrations sont devenues systémiques chez Bracconi. 

Elles sont même codifiées, dans le sens où nous allons jusqu’à envoyer aux boutiques un mode d’emploi de l’animation selon le type de produit pour s’assurer du bon déroulement de la démonstration. Dernièrement, nous l’avons fait pour la machine à eau pétillante InFizz Fusion de Sage avec les thés Kusmi Tea. De la recette à la manière de déguster la préparation, absolument rien n’est laissé au hasard. Progressivement, j’aimerais davantage axer les ateliers les ateliers culinaires sur une recette, ou un geste technique : c’est plus attractif. Apprendre à monter une mayonnaise avec tel ou tel produit, par exemple. » 

Une vision partagée côté marque : « Je dirais qu’il s’agit là d’un divertissement pédagogique, estime Damien Dodane, directeur général délégué de Cristel. Nous réalisons près de 200 démonstrations culinaires par an grâce aux interventions de huit chefs partout en France et nous encourageons constamment nos distributeurs à s’inscrire dans cette démarche qui répond à plusieurs objectifs, à commencer par la formation sur place des équipes de vente, mais aussi la possibilité de donner à voir la qualité technique et l’éventail de potentiels de tous nos produits. 

En outre, cela participe à l’animation du magasin, souvent le vendredi soir ou le samedi et, de fait, anime celui-ci. Nous sommes par ailleurs partenaire de l’émission Top Chef, ce qui nous a permis de développer de nombreuses collaboration notamment sur les réseaux, avec Matthias Marc qui est originaire de notre région. Ensemble nous avons participé au festival Saveurs et Savoirs à Uzès courant octobre. Cet événement mêle culture et gastronomie : l’occasion pour nous de rencontrer les clients Cristel et de communiquer sur l’utilisation de nos produits ! » 

Søstrene Grene livre son interprétation du hygge danois via son nouveau concept “Retail for the senses”, un parcours d’achat qui parle aux sens et invite les clients à un voyage d’exploration. L’enseigne a ainsi fait évoluer son traditionnel labyrinthe et a imaginé un parcours plus organique, inspiré de la ville : de grandes places présentant les catégories de produits sont ainsi intégrées à la conception du magasin, offrant des pauses aux clients pendant leur visite pour leur permettre d’explorer les rayons.

La chaîne de magasins danoise Søstrene Grene qui a su séduire des millions de clients à travers le monde grâce à son concept unique et à son univers empreint de simplicité et de charme scandinave a également trouvé un moyen de divertir les visiteurs de ses boutiques tout en démontrant la qualité des produits qu’elle vend. 

« Tous nos magasins disposent d’une table de bricolage, détaille Mikkel Grene, président directeur général de la société. Les clients peuvent s’y asseoir et réaliser un petit projet créatif. Le thème des projets change plusieurs fois par an. Il peut s’agir de fabrication de bracelets en perles, de peinture à l’aquarelle ou d’origami. Parfois, le thème du projet créatif reflète la période de l’année (Pâques ou Noël). 

Il peut aussi simplement mettre en avant un projet créatif que l’on souhaite pousser. Nous ne facturons pas ce service à nos clients. Il ne s’agit donc pas d’un concept que nous avons développé pour stimuler les ventes, mais pour inciter nos clients à visiter les magasins et à faire une petite pause créative. » 

Évidemment, tous s’accordent à dire que pour mettre en place des expériences de démonstration et des ateliers en tout genre, l’espace du lieu est un critère de taille. « Certaines boutiques n’ont tout simplement pas la place de déployer ces expériences. Dans ce cas, il faut être capable d’expliquer le produit à l’oral pour aider au choix. Si on prend l’exemple de la coutellerie, tous les consommateurs ne maîtrisent pas la technicité des lames. Il faut par ailleurs être en mesure de transmettre une certaine réassurance. 

C’est selon moi en partie à cela que sert le retailtainment, rappelle à juste titre Françoise Detroyat (Opinel) avant de poursuivre : Pour s’inscrire dans cette logique de divertissement, tout en palliant le manque d’espace dans certaines boutiques, les packagings ou les PLV peuvent aussi être un bon vecteur en hébergeant des QR codes qui, une fois scannés, redirigent vers des vidéos explicatives. Il peut s’agir d’un conseil d’utilisation ou d’entretien par exemple. Chez Opinel, nous ne le faisons pas systématiquement, mais nous essayons tant que faire se peut. » 

Pour les budgets et les espaces limités, Françoise Detroyat ne manque pas de solutions pour divertir le client, gagner en notoriété et stimuler les ventes : « Il suffit parfois de peu de chose. Inviter quelques clients à un apéritif de fermeture et naturellement faire usage du dernier petit couteau Opinel pour montrer ses fonctionnalités et son efficacité peut suffire à divertir et influencer une vente. » 

Michael Zarb le confirme. « Bon nombre de mes homologues étaient assez impressionnés par le volume de machines à café qu’il pouvait m’arriver d’écouler et quand ils me demandaient mon secret, je leur répondais : “J’offre un café, pas plus pas moins”, témoigne-t-il. Bien que l’on puisse penser le contraire, la démonstration n’est pas encore si développée que ça. J’aimerais pour ma part permettre à mes clients de tester 100 % des produits en boutique, un airfryer, une friteuse, absolument tout. Mais bien entendu, tout cela à un coût. » 

SENS ET NEUROTRANSMETTEURS 

Aujourd’hui, bien que les démonstrations culinaires restent populaires, l’éventail des expériences proposées s’est considérablement élargi. Pour marquer les esprits des consommateurs en leur offrant une expérience d’achat qui sort de l’ordinaire, se différencier de la concurrence et créer un lien émotionnel, Søstrene Grene s’est également donné pour mission de stimuler les sens. « Chez Søstrene Grene, nous ne proposons pas de remises, mais nous offrons à nos clients une expérience unique grâce à notre narration et à notre concept de magasin baptisé “Retail for the Sense”. Ce dernier propose une expérience en magasin qui stimule les sens du client, décrit Mikkel Grene. 

Nous invoquons ceux-ci grâce à la lumière tamisée, la musique classique et le parfum de bois et de thé. Nous permettons également au client de toucher tous les produits. Le concept propose des petites surprises tout au long du magasin, que l’on ne peut vraiment remarquer qu’en explorant les lieux. Retail for the Senses est notre dernier concept que nous déployons depuis 2019. Tous les points de vente Søstrene Grene ne l’affichent pas, mais tous les nouveaux magasins que nous ouvrons en France sont construits avec lui. » 

A l’occasion du lancement de son set Barbecue, Opine a organisé un concours de vitrines à destination de ses clients européens pour la saison printemps/été dont les critères de notation étaient l’originalité, l’impact et la visibilité du produit, dans une mise en scène évocatrice des repas extérieurs et des grillades. Le premier prix (un barbecue Big Green Egg large et ses accessoires, d’une valeur totale de 2 990 €) a été remporté par le magasin Astuce de cuisine (photo) à Poitiers. A la deuxième place, Boutique Ferdinand à Limoges, suivie de L’Atelier de Zélie (Saint-Chélyd’Apcher), Quincaillerie Chapuy (Pont-L’Evêque) et Au Bonheur du cuisiner (BourgSaint-Maurice).

Pour se démarquer, d’autres, quant à eux, n’hésitent pas à stimuler dopamine et sérotonine en “gamifiant” le retail, autrement dit en intégrant des mécaniques de jeu dans l’expérience d’achat pour la rendre plus ludique, engageante et mémorable. « Historiquement, nous avons toujours mis l’accent sur la fabrication. Aujourd’hui, nous nous attachons à animer notre réseau de distribution. En plus des démonstrations traditionnelles, nous organisons depuis près de 40 ans un concours annuel de vitrines réunissant les détaillants et les consommateurs. 

Pour ces derniers, la participation consiste à partager leur adresse mail et donne accès à un tirage au sort pour gagner un produit Cristel par boutique. Côté retailers, les participants ont pour mission de réaliser une vitrine avec nos produits. Les trois meilleures vitrines remportent des lots. Ce type de concours répond à plusieurs objectifs. Il nous permet d’être visible partout en France et de fédérer tant les revendeurs que les consommateurs autour de la marque durant une quinzaine de jours”, témoigne Damien Dodane (Cristel). 

Cette année, du 2 avril au 15 juin, les revendeurs, toujours aussi créatifs et inventifs, ont pu participer au concours sur le thème de l’esprit de famille. Les grands gagnants (voir Offrir International n°496 en pages 8 à 11), un par zone géographique élu par un jury composé de journalistes, d’influenceurs ou d’autres personnalités du secteur ont remporté un week-end gastronomique au cœur de la Villa Madie à Cassis et découvert la table de Dimitri Droisneau. 

Les deuxième et troisième ont, quant à eux, bénéficié d’avoirs. La marque Opinel s’est, elle aussi, adonnée à l’organisation d’un concours vitrine à l’échelle européenne sur le thème du barbecue. « Les détaillants devaient mettre en lumière en vitrine les produits Opinel dédiés à cet usage et ce de manière assez impactante, explique Françoise Detroyat. Une quarantaine de boutiques ont joué le jeu et les résultats du concours devraient être rendus publics dans quelques jours. Les gagnants remporteront des barbecues Big Green Egg. Stimuler les détaillants de cette manière permet de leur faire prendre conscience de l’importance du divertissement dans la vente. » 

En effet, inspirés des challenges organisés par les marques, les détaillants, utilisent à leur tour le jeu comme outil pour rendre l’acte d’achat plus ludique et disruptif pour les clients et parviennent ainsi à créer un lien plus fort avec ces derniers. Pour Michael Zarb (Bracconi), le jeu concours est devenu un outil incontournable du retailtainment. Il utilise régulièrement les réseaux sociaux comme levier pour les mettre en place avec un objectif clair : attirer les consommateurs en boutiques et mettre en avant des produits inattendus. « Évidemment, cela fait grimper l’audience sur nos réseaux, une audience sur laquelle nous pouvons capitaliser pour l’e-commerce. Mais, cela contribue surtout à augmenter la notoriété des magasins auprès d’un public moins familier avec nos enseignes. Dans la boutique d’Ajaccio, particulièrement connue pour la pâtisserie, nous préférerons un jeu concours autour des machines à café pour faire découvrir aux potentiels consommateurs l’étendue de notre gamme de produits. » 

Une bonne idée selon Arnaud Gallet qui voit dans le digital un catalyseur pour le développement du retailtainment : « Il permet aux retailers d’offrir des expériences d’achat innovantes, personnalisées, et engageantes qui fusionnent les mondes du commerce de détail et du divertissement. En intégrant des technologies numériques telles que la réalité augmentée (AR), la réalité virtuelle (VR), l’intelligence artificielle (IA), et les outils de gamification, les retailers peuvent créer des expériences qui attirent les clients, favorisent leur engagement, et renforcent leur fidélité à la marque. En outre, le digital facilite l’intégration des canaux en ligne et hors ligne, optimise l’efficacité opérationnelle, et permet une adaptation rapide aux changements du marché et du comportement des consommateurs. »

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« LES ÉVÉNEMENTS RÉCURRENTS CRÉENT UNE ATTENTE POSITIVE »

Depuis plusieurs années, la marque Gefu (distribuée en France par Ideco Paris agency) mène un programme d’animations en point de vente. « Les animations Gefu avec Charlotte (@charlotte_advice) sont un véritable souffle de bonne humeur en magasin, témoigne Florian Lecourtois, business developer France pour Ideco Paris. Grâce à sa passion culinaire contagieuse et son expertise, elle transforme chaque démonstration en un moment convivial et instructif. 

Sa maîtrise des produits et son enthousiasme rendent la cuisine accessible à tous, incitant les clients à découvrir de nouvelles recettes, astuces et de nouveaux produits. Plus qu’une simple animation, c’est une expérience qui donne envie de revenir, de partager et de plonger dans l’univers des accessoires de cuisine. Chaque visite devient une fête, renforçant le lien entre le magasin et sa clientèle. Le choix de l’animateur est essentiel pour le succès des démonstrations culinaires en magasin. 

Un bon animateur ne se contente pas de présenter des produits, mais crée une connexion avec le public, suscite l’intérêt et éveille la curiosité. Mais pour que les démonstrations aient un véritable impact, il importe que celles-ci soient régulières. La redondance permet d’ancrer l’expérience dans l’esprit des clients, de les fidéliser et de renforcer leur confiance dans les produits présentés. Le nombre de nouveautés chez Gefu est tellement important que, chaque année, les formats d’animations commerciales changent. Des événements récurrents créent une attente positive, transformant chaque visite en magasin en un moment de découverte et de plaisir. Y compris pour fidéliser les équipes de vente. Chaque démonstration permet aux clients de se familiariser avec les produits, de mieux comprendre leurs avantages et leur utilité au quotidien. 

Cette répétition d’animations instaure un lien de confiance entre l’animateur, la marque, le produit, et le consommateur, renforçant ainsi l’envie d’achat. Les clients sont plus enclins à acheter lorsqu’ils voient fréquemment les produits en action, ce qui leur permet d’assimiler les usages multiples et de constater la qualité. En rendant les animations récurrentes, le magasin maximise ses chances de générer des ventes tout en fidélisant sa clientèle. »

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PERSONNALISATION, COLLABORATION ET LIMITE BUDGÉTAIRE

18 000 participants se sont réunis à la Paris retail week 2024 autour du thème Retailigence : toutes les formes d’intelligence retail. 

Pour créer un univers à part entière et rendre l’acte d’achat encore plus ludique, la marque française Cristel envisage d’offrir à court terme une offre de personnalisation de produit. Ce concept étroitement lié au retailtainment se développe de plus en plus. « Nous ne le faisons pas encore, mais la personnalisation de nos produits est un projet sur lequel nous travaillons activement en vue d’une mise en œuvre la plus rapide possible », confie Damien Dodane. Opinel, quant à elle, a déjà franchi le pas. 

« Nous proposons la gravure de produits dans nos boutiques et cette offre de personnalisation, à laquelle le client peut assister, rencontre un vif succès, se réjouit Françoise Detroyat. Certains de nos détaillants se sont équipés de machines similaires pour offrir cette expérience à leurs propres clients. Dans le même esprit, nous avons installé dans nos boutiques des ateliers d’affûtage qui permettent aux clients d’observer, derrière une verrière, le savoir-faire de nos spécialistes. Sans oublier le musée Opinel, ouvert en 2022 dans une ancienne usine. » 

Sur près de 700 m², ce musée offre un voyage dans le temps au cœur de la fabrication du couteau savoyard. Les visiteurs peuvent admirer de vieilles machines encore en place dans la forge d’origine et découvrir, grâce à un film, les étapes de fabrication actuelles dans les ateliers de Chambéry. « Une boutique y est adossée et c’est de loin l’expérience de divertissement la plus aboutie », estime Françoise Detroyat. Le retailtainment trouve aussi un allié de choix dans la collaboration avec des influenceurs. En associant le pouvoir de séduction des influenceurs à l’univers du commerce, les marques peuvent créer des expériences shopping uniques et générer un engagement client sans précédent. 

« Bracconi démarre une collaboration avec Nicolas Tonini (@nicook_off) qui travaille régulièrement avec Magimix et globalement il faut reconnaître que travailler avec des influenceurs représente un véritable investissement. Dans ces cas précis, il est nécessaire de pouvoir calculer les retombées pour y trouver un avantage mercantile », concède Michael Zarb. Désormais, ces opérations font partie intégrante de notre stratégie et des lignes budgétaires y sont dédiées chaque année. A mes yeux, elles ont autant d’impact qu’une campagne en 4x3 durant quinze jours dans la ville d’Ajaccio par exemple. Nous ne visons pas le même objectif. Le retailtainment pointe clairement la notoriété. » 

Une réalité confirmée par Arnaud Gallet : « L’un des plus grands défis du retailtainment est le coût élevé des technologies et des installations nécessaires pour créer des expériences immersives et engageantes. Les coûts induits par des technologies telles que la réalité augmentée (AR), la réalité virtuelle (VR), les capteurs intelligents, ou les équipements de projection peuvent être très importants. Et mesurer le ROI est souvent complexe. » 

Lionel Debus rappelle, quant à lui, que les opérations de retailtainment ne se suffisent pas à elles-mêmes et que pour capitaliser dessus, il est nécessaire de les dupliquer et d’actionner un package de leviers, notamment en communication, qui permettent de convertir. « Je ne crois pas au one shot, explique-t-il avant de poursuivre, et dans un avenir proche il faudra qu’on soit en mesure de lier toutes les opérations de retailtainment et de communication, mais tout cela à un coût. Ces opérations représentent au minimum 10 000 à 20 000 € de budget pour nous et les ROI sont difficilement mesurables. L’idéal c’est quand la marque et la boutique partagent les frais. Dans une moindre mesure, nous réalisons des opérations en collaboration avec des marques comme cela peut être le cas avec Cristel et elles participent. C’est de bonne guerre puisque nous mettons en avant leurs produits. » 

Et Damien Dodane de renchérir : « La co-organisation en synergie avec nos représentants qui couvrent différents secteurs et la mutualisation des coûts favorisent l’optimisation de ces opérations avec des gains tant pour nous que pour le distributeur. » Michael Zarb rejoint leur vision et regrette que cette co-construction ne soit pas encore systématique : « Il faut bien comprendre que lorsqu’un point de vente organise une opération de retailtainment pour permettre aux clients de découvrir une marque ou l’un de ses produits, il ne peut assumer l’intégralité des coûts de l’opération. Un produit ouvert ne peut, par exemple, plus être vendu. La marque devrait systématiquement jouer le jeu et je regrette que beaucoup ne le fassent pas. » 

En effet, le retailtainment est une danse à deux temps qui nécessite une parfaite synchronisation entre les marques et les détaillants. C’est en unissant leurs forces et en partageant les coûts que ces acteurs pourront offrir des expériences toujours plus innovantes et mémorables. L’avenir du commerce repose sur cette collaboration fructueuse. Arnaud Gallet rappelle d’ailleurs que c’est là tout l’objet de la Paris Retail Week. « L’objectif de notre événement est de mettre en relation des offreurs et des acheteurs, pour une enseigne trouver donc les meilleures solutions en la matière mais aussi de faire du networking entre pairs pour échanger sur les meilleures pratiques », explique-t-il. 

Selon Arnaud Gallet, l’évolution du retailtainment dans les prochaines années s’annonce comme une transformation profonde de l’expérience d’achat, où la technologie, la personnalisation et l’engagement durable joueront des rôles centraux. Avec l’intégration de technologies immersives telles que la réalité augmentée et la réalité virtuelle, combinées à l’utilisation intelligente des données pour ajuster en temps réel l’expérience client grâce à l’intelligence artificielle, les consommateurs vivront des interactions plus riches et plus personnalisées en magasin. Parallèlement, l’accent mis sur la durabilité poussera les marques à repenser leurs pratiques pour offrir non seulement une expérience divertissante, mais également éthique et responsable. Cette convergence entre innovation et engagement social promet de redéfinir les codes du commerce, tout en renforçant le lien émotionnel et la loyauté entre les clients et les enseignes.  

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